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Le modèle suédois ébranlé par des émeutes

La Suède est secouée par des émeutes depuis le 20 mai. Des centaines de jeunes s'en sont pris à des biens publics dans des quartiers défavorisés de la banlieue de Stockholm. Le pays, sous le choc, s'interroge sur les problèmes de la jeunesse.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des pompiers éteignent un incendie de voiture après les émeutes, à Husby, banlieue de Stockholm, le 21 mai 2013. (AFP/JONATHAN NACKSTRAND)

Ces évènements, survenus dans le nord-ouest de la capitale (Husby) et au sud (Rågsved et Malmö), sont liés à la mort d‘un homme de 69 ans abattu par des policiers alors qu’il les menaçait avec une machette, selon les policiers. Au cours d'une conférence de presse, des militants locaux ont prétendu que la police les avait traités de «vagabonds, de singes et de nègres»

Une association locale, Megafonen, choquée par le meurtre de l'homme de 69 ans, a appelé à une manifestation pour réclamer une enquête indépendante et des excuses de la police. Il n'y a eu aucune réaction des autorités mais certains estiment que Megafonen a ainsi encouragé les émeutes. 
 
«Tout le monde doit contribuer au retour au calme, les parents, les adultes», a aussi déclaré le Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt (centre droit). En vain. Les émeutes ont continué.
 
Une société divisée
Ces violences dans l'une des villes les plus riches d'Europe sont un choc pour la Suède, traditionnellement fière de sa réputation de justice sociale et de stabilité. Elles relancent le débat sur le chômage des jeunes et l'immigration.
 
Le journal de gauche Aftonbladet qualifie «d'échec cuisant» les politiques gouvernementales, qui ne voyaient nul inconvénient à laisser des ghettos se former dans les banlieues. Svenska Dagbladet Anna-Margrethe Livh, membre du Parti de gauche (opposition) a déclaré au journal: «Nous n'avons pas réussi à donner un espoir à bon nombre de personnes qui vivent en banlieue.»


Corollaire de cette situation de dégradation des banlieues, un parti politique, les Démocrates suédois, dont le programme repose sur des mesures anti-immigration, arrive en troisième position dans les sondages en vue des élections législatives de 2014.
 
Fin de l'Etat providence
Si le chômage est relativement bas en Suède, celui des jeunes est proche des records européens avec 24,4% pour les 15-24 ans au premier trimestre 2009. Et, en 20 ans, l’âge d’établissement dans la vie professionnelle est passé de 21 à 26 ans. Le nombre des jeunes Suédois à n’obtenir qu’un emploi précaire à, lui, été multiplié par deux.
 
Deux autres chiffres retiennent l’attention des observateurs: la population suédoise est à 15% d’origine étrangère – proportion la plus élevée des pays scandinaves –, alors que le taux de chômage de cette population est de 16% contre 6% pour les Suédois de «souche».
 
Le phénomène de pauvreté dans laquelle est engluée une partie de la population résulte en partie de la fonte du modèle suédois. L’Etat providence généreux, a disparu dans les années 1990, entraînant une hausse des inégalités la plus forte de tous les pays membres de l’OCDE. 

Services publics fermés ou dérégulés 
Si la société suédoise a changée, l'école est un bon exemple. Toujours selon Megafonen, ce service public – comme d'autres – a été fortement déréglémenté. «Certains parents mettent leurs enfants dans des écoles du centre ville et les écoles de Husby disposent de moins d'argent. De ce fait, les professeurs sont surchargés de tâches administratives et ont moins de temps à consacrer aux élèves.» 

De nombreux centres pour jeunes ont également été fermés, ont indiqué les habitants de Husby, ce qui les laissent dehors, sans activité. Dans le même temps, de récentes augmentations de loyers fragilisent les familles nombreuses où il n'est pas rare de voir quinze personnes vivrent dans un même appartement, explique Susanne Tengberg dans Le Monde.
 
Durant les actes de vandalisme, les jeunes s’en sont également pris aux pompiers qui tentaient d’éteindre les incendies. Un phénomène qui se passent dans d’autres pays, en France par exemple, lors d’émeutes de ce genre.
  
Les tours de Husby ont été construites au début des années 70. Quelques 12.000 personnes y vivent, et 80% d'entre elles sont issues de l'immigration. Une certitude: un ambitieux programme de réhabilitation de ces banlieues du nord de la capitale, datant de 2007, n’a pas atteint son but.

Face à la crise sociale, le Premier ministre estime que c'est aux habitants de prendre des mesures pour régler les problèmes. 

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