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Le catalogue à la Prévert des sanctions de la Commission de Bruxelles

Bruxelles vient de publier ses «principales décisions» du mois de juin 2016 concernant les «procédures d’infraction» contre les Etats européens. Parmi ces procédures, la Commission attaque la France sur le dossier du Smic pour les chauffeurs roulant en France. Alors que les Britanniques débattent du Brexit, la liste de ces sanctions montre la complexité de l’organisation européenne. Exemples.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
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Le Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles.  (AFP - GERARD CERLES)

Souvent accusée d’être tatillonne, la Commission de Bruxelles est chargée d’appliquer les règlementations acceptées par les Etats membres. A ce titre, Bruxelles intervient contre les pays qui n’auraient pas transposé les lois européennes dans leur législation ou qui prennent des décisions que la Commission juge non conforme aux textes de l'UE.

C’est ainsi que la Commission a ouvert jeudi 16 juin une procédure d'infraction contre la France, qui prévoit d'imposer à partir du 1er juillet son Smic aux chauffeurs routiers étrangers, une mesure vivement contestée par une douzaine d'autres pays menés par la Pologne.

Sur cette question complexe, qui touche à la question délicate des «travailleurs détachés», Paris (comme Berlin, mis en cause pour la même raison) est attaqué par les pays de l’est de l’Europe. Mais pas seulement. En Espagne, au Portugal et en Irlande, mais aussi au Royaume Uni, les patrons du transport demandent le report de l’application du Smic prévue le 1er juillet. «La Commission européenne envoie un signe extrêmement négatif aux chefs d’entreprise français dont le marché intérieur est spolié par les transporteurs issus de ces pays», ont estimé les entrepreneurs français du secteur.

Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne (JOHN THYS / AFP)

Sanctions visant l'application des règles européennes
Mais Bruxelles a d’autres combats. Dans un communiqué publié le 16 juin, elle établit la liste des procédures engagées en juin. Un vrai catalogue à la Prévert. Cela va d’une décharge en Slovaquie, à la protection des investisseurs dans les terres agricoles de Hongrie en passant par la politique ferroviaire allemande ou les règles de cabotage au Danemark…

Ce document de la Commission Européenne, sobrement intitulé Procédures d’infraction du mois de juin: principales décisions, recense une demi-douzaine d'affaires concernant aussi bien la Slovaquie, l'Autriche, la France (deux fois), la Hongrie, Chypre, l'iIrlande, l'Allemagne, le Danemark ou la Finlande. 

Face aux Etats, la commission dispose d'un certain nombre d'armes. Les principales décisions adoptées par la Commission comprennent «2 lettres de mise en demeure, 11 avis motivés et 5 saisines de la Cour de justice de l’Union européenne». Mais Bruxelles salue aussi les efforts des pays: «la Commission clôture en outre 44 dossiers pour lesquels les problèmes concernant les Etats membres en cause ont été résolus sans qu’elle ne doive poursuive la procédure».

Par exemple, la commission demande «instamment à l’Autriche de transposer dans sa législation nationale la directive sur les substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l’eau (directive 2013/39/UE), une obligation à laquelle elle devait se soumettre le 14 septembre 2015 au plus tard». Bruxelles donne maintenant «deux mois pour notifier à la Commission les mesures prises pour mettre la législation nationale en conformité avec le droit de l’Union» sous peine de saisir la Cour de Justice européenne. Autre exemple, la Commission «a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la Hongrie pour infraction aux règles européennes régissant les droits des investisseurs transfrontières relatifs aux terrains agricoles».

Le candidat du parti Droit et Justice (PIS), Andrzej Duda, en train de savourer sa victoire à la présidentielle à Varsovie le 24 mai 2015, sur fond de drapeau polonais. (Reuters - Kacper Pempel)

Contrôle budgétaire
La Commission a aussi un pouvoir de sanctions dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance en jugeant le budget des Etats. Mais dans ce domaine sensible, Bruxelles a préféré repousser l'idée de sanctions à l'encontre de pays comme le Portugal ou l'Espagne (voire même la France). Les responsables de la Commission ayant sans doute estimé que «ce n’est pas le bon moment économiquement et politiquement pour prendre» de telles mesures, selon les mots de Pierre Moscovici.

Un rôle politique
Parfois, la Commission peut avoir un rôle beaucoup plus politique. Ainsi, dernièrement, Bruxelles a mis en garde la Pologne et son gouvernement sur d'éventuelles attaques contre l'Etat de droit. Si le dialogue entre Varsovie et la Commission s'envenimait, cette dernière pourrait saisir le Conseil européen (l'exécutif commun, la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement). Seule cette institution pourrait alors sanctionner la Pologne.

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