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"Le Brexit est déjà coûteux pour les entreprises" affirme un économiste

Selon Vincent Vicard, les entreprises britanniques et européennes doivent déjà faire des stocks en prévision d'une éventuelle sortie sans accord.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des camions faisant la queue au port de Douvres sur la côte sud de l'Angleterre, le 19 mars 2018. (DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP)

L'accord sur le Brexit obtenu jeudi entre le Royaume-Uni et l'UE après d'âpres négociations laisse l'avenir politique dans le flou, puisque l'accord doit encore être ratifié par les parlementaires britanniques. Mais les incertitudes restent tout aussi grandes pour les entreprises, suspendues elles aussi au possible rejet de l'accord, samedi 19 octobre. Selon Vincent Vicard, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) interrogé par franceinfo, accord ou non, le Brexit est déjà coûteux pour les économies européennes et britanniques, car "les entreprises et les gouvernements investissent [déjà] de l'argent pour faire face à cette incertitude."

franceinfo : Pensez-vous que le Brexit va se faire de façon ordonnée ?

Vincent Vicard : Oui, on y croit. Il y a eu des avancées, il y a eu un accord sur la table. Il faut savoir que ce n'est pas le premier accord qu'on a car il y a déjà eu un accord avec Theresa May. Mais il reste quand même une étape cruciale, qui est l'étape du vote par le Parlement britannique. Et là, on a encore un certain nombre de doutes. Certains comme [les députés] d'Irlande du Nord, se sont prononcés plutôt contre l'accord. Donc, il y a cette question : est-ce que Boris Johnson peut avoir une majorité pour cet accord qui est un accord révisé par rapport à l'accord qui avait été rejeté par le Parlement britannique.

Cela reste donc flou d'un point de vue politique, évidemment, mais cela reste très flou aussi pour les entreprises qui se préparent éventuellement à un Brexit. Elles ne savent pas comment se préparer. Ce n'est pas facile quand on ne sait pas ce qui va arriver dans deux semaines ?

Oui, bien sûr, et c'est ça le principal risque. C'est cette incertitude, qui est reconduite depuis maintenant plusieurs mois sur comment se déroulera le Brexit. Là, on est en train de parler d'un accord, un accord qui permettrait d'ouvrir une période de transition et donc qui donnerait la certitude pour les entreprises sur les conditions dans lesquelles elles pourraient faire du commerce avec le Royaume-Uni. Donc, si il y a un accord et qu'il est validé par l'Union européenne et le Parlement britannique, ça ouvrirait une période de transition qui permettrait de négocier de futurs accords régissant les relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Mais pendant cette période de transition, il y a des règles du marché unique qui continueraient à s'appliquer et donc les entreprises sauraient à quoi s'attendre. 

Car un Brexit sans accord, par définition, ce serait le trou noir tout de suite ?

Effectivement, un Brexit sans accord, ça serait un retour brutal, sans préparation à une situation où on aurait des droits de douanes, où on aurait d'un coup, des différences de normes entre les pays. Il faudrait que les entreprises puissent montrer qu'elles respectent les normes du pays de destination. On aurait sûrement des embouteillages à la frontière. En tout cas on aurait un certain nombre de barrières qui seraient érigées du jour au lendemain et qui rendraient extrêmement difficile, en tout cas dans les premiers mois, le commerce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

Justement, les conséquences économiques d'un Brexit dur, d'un Brexit sans accord, est-ce de nature à convaincre les députés britanniques qui hésitent qu'il faut cette fois ratifier ce texte même s'il n'est pas parfait pour eux ? 

Ce qu'il faut savoir, c'est que les députés britanniques ont déjà voté au début du mois de septembre pour obliger Boris Johnson à demander une extension de l'Article 50 et donc une extension de la période de négociations pour justement éviter cette rupture brutale d'un Brexit sans accord. Donc cette possibilité existe toujours. Il y a toujours une loi qui a été votée pour demander, en cas d'absence d'accord, de prolonger cette période de négociations. Mais effectivement, c'est une vraie question. C'est coûteux. C'est coûteux s'il n'y a pas d'accord et qu'il y a une sortie brutale, c'est déjà aujourd'hui coûteux pour les entreprises qui doivent faire des stocks en prévision d'une éventuelle sortie sans accord. Et donc, les entreprises aujourd'hui et les gouvernements investissent de l'argent pour faire face à cette incertitude. C'est donc effectivement déjà coûteux aujourd'hui pour l'économie britannique et pour l'économie européenne.

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