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L'Union européenne en a-t-elle fini avec la crise ?

Mauvaises nouvelles et bons indices, à la veille du sommet européen sur le budget de l'Union, francetv info s'est penché sur la question.

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le président de la BCE prévoit la reprise de la croissance dans la zone euro pour fin 2013. (PHILIPPE TURPIN / PHOTONONSTOP / AFP)

Ils auraient presque trinqué, à Davos (Suisse). Alors que l’édition 2012 du Forum économique mondial avait été marquée par la crainte de l'effondrement de la zone euro, les puissants de ce monde étaient plus détendus, voire optimistes fin janvier 2013. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), y a annoncé le retour de la croissance en Europe pour fin 2013. 

L'Union européenne est-elle sortie de la crise ? A la veille d'un sommet européen sur le budget de l'Union qui s'annonce houleux, francetv info décrypte.

La situation de la Grèce, l'Italie et l'Espagne est stabilisée

Sur le marché de la dette, l'Espagne et l'Italie en ont fini avec les taux d'emprunt exorbitants qu'elles ont connus en 2012. Madrid a même reçu, lundi 4 février, la bénédiction conjointe du Fonds monétaire international (FMI) et de l'UE sur sa gestion des 36,9 milliards d'euros d'aide versés par le Mécanisme européen de stabilité en décembre. Le FMI a salué des "progrès majeurs" dans le secteur financier, constatés par son équipe envoyée sur place du 25 janvier au 1er février. "Cet assainissement est une réussite majeure qui devrait renforcer la confiance dans le système (financier espagnol) et améliorer sa capacité à soutenir l'économie réelle", s'enthousiasme même l’instance internationale. Un communiqué séparé de l'UE et de la BCE conclut lui aussi que "le programme est sur les rails" et que "sa mise en œuvre a progressé".

De son côté, la Grèce a annoncé avoir "atteint ses objectifs budgétaires pour 2012", avec un déficit à 6,6% du PIB. Une première depuis son recours en 2010 à l'aide de l'UE et du FMI. Selon le ministre adjoint aux Finances, Christos Staïkouras, le déficit général s'est contracté à 12,882 milliards d'euros contre 19,69 milliards en 2011, soit l'objectif, révisé à la hausse, que s'était fixé la Grèce en adoptant le budget 2013 en décembre.

La situation reste néanmoins très fragile. Lundi, les débats politiques houleux en Italie, et le scandale de corruption qui menace Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol, ont fait momentanément plonger les Bourses.

L'euro est sauvé et les Bourses reprennent des couleurs

Il aura fallu des réunions en cascade et des compromis à l'arraché, mais le "Grexit", la sortie de la Grèce de la zone euro, hypothèse très plausible il y a un an, n’est plus d’actualité. Athènes évite la faillite de justesse et a obtenu le déblocage d’une première tranche d'aide de 34,3 milliards d'euros mi-décembre. "La perspective qu'un membre de la zone euro la quitte s'est envolée", selon Janis Emmanouilidis, du groupe de réflexion European Policy Centre. La monnaie unique peut souffler.

Et les Bourses, qui renouent avec l'optimisme, ne s'y trompent pas. En France, le CAC 40 est revenu à ses niveaux de l'été 2011, tandis que le Dax allemand a rebondi de plus de 20% depuis juillet, à un sommet depuis début 2008. "Le marché est en train d'opérer un retournement de long terme. Le mouvement de baisse enclenché sur les actions depuis 2007 se termine", analyse Bertrand Lamielle, directeur de la gestion chez B*Capital (BNP Paribas)

 Des timides indices de reprise pour l'économie réelle

"L'euro est stable, l'euro est fort, peut-être d'ailleurs trop fort à certains égards", selon le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici. Preuve que les investisseurs sont confiants dans ses perspectives, la monnaie unique évolue au-dessus de 1,36 dollar, après avoir atteint, vendredi 1er février, 1,3711 dollar, son plus haut niveau depuis mi-novembre 2011. La monnaie unique a également augmenté face à la devise nippone et touché 126,97 yens, son plus haut niveau depuis fin avril 2010.

Par ailleurs, la contraction de l'activité a ralenti en janvier dans la zone euro. En effet, l'indice PMI s'approche des 50, chiffre au-delà duquel l'activité économique est considérée comme en expansion par le cabinet Markit qui le calcule. Il s’inscrit à 48,6 en janvier, mieux qu'en décembre (47,2), et atteint son plus haut niveau en dix mois, à la fois dans la production industrielle et les services. "La zone euro montre des signes clairs de guérison, avec un net ralentissement du déclin en janvier, et la région se rapproche de la stabilisation au premier trimestre", commente Chris Williamson, chef économiste de Markit. Cependant des disparités perdurent. En Allemagne, cet indice atteint 54,4, soit son plus haut niveau en dix-neuf mois, tandis qu’en France, il plonge à 42,7, son plus bas niveau en près de quatre ans.

"Nous assistons à une contagion positive sur les marchés financiers et pour les conditions financières, mais nous n'observons pas encore de transmission à l'économie réelle", a estimé Mario Draghi, le président de la BCE, le 25 janvier.

Les taux de chômage restent à des niveaux historiques

Les taux de chômage en revanche atteignent des sommets. Celui de la zone euro s'est établi à 11,8% en novembre, selon Eurostat, en hausse de 0,1 point par rapport à octobre. Plus de 18,82 millions de personnes étaient au chômage en novembre 2012, soit 2,015 millions de plus que l'année précédente. La situation est particulièrement critique en Espagne et en Grèce où le chômage atteint plus d’un quart de la population active. En France, il a augmenté de 10% en un an. En comparaison, le taux de chômage était de 7,8% en décembre aux Etats-Unis, et il s'est établi à 4,1% en novembre au Japon.

L'Union européenne est encore en chantier

Mais les dirigeants de l'Union marchent sur des œufs. Si le ciel s'éclaircit du côté économique, les nuages pointent du côté institutionnel et politique. D'une part, le Royaume-Uni brandit la menace de sa sortie. D'autre part, la réussite surprise du sommet européen de décembre, qui a débouché sur un accord historique sur la supervision des banques, ne doit pas cacher les désaccords, plus que profonds en Europe. Après l’échec des négociations fin novembre, les chefs d'Etat et de gouvernement doivent se retrouver à Bruxelles jeudi 7 et vendredi 8 février pour discuter du budget de l’Union. Et l’accord est encore loin.

"S'il est vrai que la crise de la zone euro est désormais largement derrière nous, nous sommes loin d'en avoir tiré toutes les conséquences. Ce qui nous menace, n'est plus la défiance des marchés, mais c'est celle des peuples", a averti François Hollande devant le Parlement de l’Union, mardi 5 février. Et d’estimer que "l'intérêt national est en train de prendre le pas sur l'intérêt européen".

Deux jours auparavant, le président français estimait que "les conditions [n'étaient] pas encore réunies" pour un accord, tandis qu’Angela Merkel mettait en garde : "On ne peut pas dire aujourd'hui si les discussions aboutiront." Paris et Berlin échouent à se mettre d’accord et une ligne de fracture est apparue entre les pays "bénéficiaires" de l’UE, qui refusent trop de coupes budgétaires, et la majeure partie des grands contributeurs, dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas et la Suède, qui les exigent.  

"Do not relax", lançait très sérieusement Christine Lagarde, directrice du FMI, au forum de Davos, invitant les gouvernements à ne pas se reposer sur leurs lauriers. 

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