Jon Gnarr, un «Dany Boon» à la mairie de Reykjavik
2010. C'est l 'incrédulité en Islande. Sous l'étiquette «Le Meilleur Parti», un comédien, mélange de Coluche et de Dany Boon, remportait la mairie de Reykjavik. Avec un programme farfelu. Celui qui a tourné dans des séries télévisées avec la chanteuse Björk, désigne les responsables de la crise : les banques. Ses propositions sont farfelues: «Un seul Père Noël pour faire des économies», «Un Disneyland à la place de l'aéroport», «De la bonté envers les malheureux». Et cela fonctionne. Le rejet des politiques est tel, qu'un «clown» fera bien l'affaire pour gérer une ville de 300.000 habitants, dotée d'un budget de 12 millions d'euros.
Quand on lui demande pourquoi il s'est engagé en politique, Gnarr cite Samuel Beckett et l'absurdité d'En attendant Godot (Slate). Le reflet de ce que vivent les Islandais, redevables d'une dette contractée par des banques peu scrupuleuses. Jon Gnarr a tout de même dû faire alliance avec le Parti social-démocrate pour s'assurer le siège de maire. Un conseil municipal atypique se met en place. Les femmes au foyer et les punks y côtoient les purs produits du monde politique islandais. Autre anecdote, Jon Gnarr a exigé que chaque membre du conseil regarde les cinq saisons de la série The Wire qui dépeint les relations économico-politico-mafieuses dans la ville de Baltimore aux USA.
Au-delà d'une bonne blague, l'élection de Gnarr reflétait surtout un rejet des politiques et un vote de protestation. Au pays des geysers, de la nuit infinie de l'hiver et du célèbre commissaire Erlendur, créé par l'écrivain au succès mondial Arnaldur Indridason, personne n'a pardonné l'implication des politiques dans la crise économique. Une crise qui a laissé de nombreux Islandais sur le carreau. Rut Mgnusdottur, une jeune trentenaire, directrice du réseau social dageek, s'enthousiasmait après l'élection municipale: «Un maire, c'est comme un mari, et moi je veux un maire qui me dise toujours la vérité. Au moins, nous savons que lui dira la vérité, or, c'est précisément ce que nous voulons : de l'intégrité et de l'honnêteté.»
En 2008, l'île était littéralement engloutie par la crise financière. «Que Dieu sauve l'Islande», lance alors le Premier ministre de l'époque, Geir Haarde. Après plusieurs années d'exubérance et de consommation effrenée, l'Islande coule. Lestée par un système bancaire fragile qui ne résiste pas à la crise mondiale. Le pays découvre alors le chômage, jusque là inexistant.
Pascal Riché (rédacteur en chef de Rue 89) décortique dans son livre Comment l'Islande a vaincu la crise? le redressement de l'île. Sans «révolution» mais grâce à «une rupture de la coalition gouvernementale sous la pression populaire». L'histoire ne relève pas du «conte de fée anticapitaliste», explique Riché. Le pays n'a pas rompu avec le capitalisme, ses banquiers, et n'a pas échappé à la rigueur imposée par le FMI. De nouvelles banques sont créées et surtout une nouvelle Constitution voit le jour. Impossible ailleurs, elle est élaborée sur la base de travail de 25 citoyens «ordinaires» et de contributions recueillies sur les réseaux sociaux, explique le quotidien Libération.
De son côté, Jon Gnarr est resté un homme accessible. Il partage et dialogue avec les 10.000 personnes recensées sur sa page facebook. A l'instar d'Obama, Internet a joué un grand rôle dans son élection, notamment avec sa vidéo programme Simply The best».
Il est aussi connu pour ses frasques comme lorsqu'il se déguise en Jedi pour voter aux élections parlementaires en 2013.
Tout au long de sa mandature, Gnarr a mis en pratique les convictions qu'il a toujours revendiquées dans son parti, fondé à la hâte en 2009. La justice sociale, l'égalitarisme avec les individus et le respect de l'environnement (Vivre en Islande). Mais c'est un véritable coup de tonnerre qui vient de secouer la capitale islandaise. Alors que se profilent de nouvelles élections municipales, Jon Gnarr a décidé de ne pas se représenter. Il explique ne pas être un politicien. Et les hommages pleuvent. L'écrivain et chroniqueur le plus lu du pays, Guomundur Andri Thorsonn, écrit dans une tribune : «Il essayait toujours de dire la vérité. Il nous a apporté l'individu dans la politique et une pause dans la diahrrée verbale. Politicien, il était notre représentant. Mais en fin de parcours, ce rôle, le rôle de politicien, a pu être une charge bien lourde pour le pilote.»
Gnarr a choisi de ne pas laisser ses administrés orphelins. Il s'est désigné un successeur. Son premier adjoint, ancien bassiste d'un groupe de Métal. Résultat au printemps 2014.
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