L'Italie en deuil après un nouveau drame de l'immigration à Lampedusa
Un bateau transportant des migrants a pris feu jeudi avant de couler au large de l'île italienne. Une quarantaine de corps ont été trouvés dans l'épave, ce qui porte le bilan à plus de 130 morts.
"C'est une horreur, une horreur... Ils n'arrêtent pas d'apporter des corps", témoigne, en pleurs, la maire de Lampedusa, Giusi Nicolini. Un bateau transportant environ 500 clandestins a fait naufrage au large de l'île italienne, jeudi 3 octobre au matin. Le dernier bilan fait état de plus de 130 morts. Au moins 40 cadavres ont été découverts par des plongeurs dans et autour de l'embarcation qui gît, retournée à une quarantaine de mètres de profondeur. 151 personnes sont rescapées mais il reste des disparus. L'Italie va proclamer un deuil national.
Selon La Stampa (en italien), les corps ont été entreposés dans un immense hangar, en prévision d'un nombre plus important de morts.
La maire de Lampedusa, très affectée par ce nouveau naufrage, a lancé : "Il faut que les caméras de télévision viennent ici, montrent les cadavres, sinon c'est comme si ces tragédies n'existaient pas." Car ces drames sont récurrents et font réagir au-delà de la classe politique italienne.
Quels sont les précédents récents dans la région ?
Avant le naufrage de jeudi, 13 immigrés, pour la plupart des Erythréens, se sont noyés, lundi. Ils tentaient de rejoindre la côte près de Raguse (Sicile), après avoir sauté ou avoir été jetés par des passeurs d'une embarcation transportant environ 200 migrants et réfugiés. Début août, un drame semblable s'était produit sur une plage de Catane, dans l'est de la Sicile. Six Egyptiens s'étaient noyés. Ils pensaient être arrivés à terre quand leur embarcation s'était ensablée non loin du rivage.
Près de 2 000 réfugiés se seraient noyés entre 2011 et mai 2013 en tentant d'arriver à Lampedusa, élue plus belle plage du monde par des internautes, mais où la mer constitue le plus grand cimetière marin de la planète, comme le disent les garde-côtes.
Au total, depuis le début de l'année 2013, plus de 22 000 migrants ont été débarqués sur les côtes du sud de l'Italie, surtout en Sicile et en Calabre. C'est presque trois fois plus que sur l'ensemble de 2012. Les migrants sont parfois secourus. Ainsi, mi-septembre, environ 800 migrants clandestins ont été secourus près des côtes en 24 heures. La police italienne a filmé les opérations, les 13 et 14 septembre, au large de Syracuse et de Roccella Ionica, ainsi que près de l'île de Lampedusa.
D'où viennent ces migrants ?
Jeudi, l'embarcation transportait "entre 450 et 500" migrants somaliens et érythréens, venus de Libye. Elle s'est embrasée quand ses passagers ont allumé des feux de détresse, avant de couler. Un autre navire a débarqué au cours de la même nuit à Lampedusa avec 463 migrants, provenant apparemment de Syrie.
Car une partie de ces migrants qui tentent de traverser la Méditerranée sont des réfugiés fuyant les troubles dans les pays arabes, comme les Syriens et depuis peu les Egyptiens. D'autres viennent de contrées aussi lointaines que l'Afghanistan ou l'Asie du Sud (Sri Lanka, Bangladesh, Inde...). Ils effectuent des périples d'une grande complexité avant d'être embarqués clandestinement de nuit à partir d'un port méditerranéen pour les côtes italiennes. Toutefois, la majorité des immigrants viennent d'Afrique subsaharienne, à travers la Libye ou la Tunisie, où ils sont arrivés souvent dans des conditions très périlleuses et où ils sont parfois maltraités.
Quelles sont les réactions officielles ?
Le vice-Premier ministre italien, également ministre de l'Intérieur, a lancé un appel jeudi après-midi, pour que l'Union européenne aide l'Italie après ce nouveau naufrage de migrants. C'est "un drame européen, pas seulement italien", a déclaré Angelino Alfano. Il doit se rendre sur place très rapidement, selon le chef du gouvernement. Enrico Letta a lui-même qualifié le drame "d'immense tragédie".
D'autres hommes politiques italiens ont demandé à l'Europe de faire davantage. "L'Italie et l'Europe doivent se doter de politiques adaptées de surveillance" des côtes pour éviter de telles "tragédies", a demandé le chef du Parti démocrate, principale force de gauche.
Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy a réagi lui aussi, sur Twitter, exprimant ses condoléances.
Tragic accident off the coast of #Lampedusa. My thoughts are with the many victims and their families
— Herman Van Rompuy (@euHvR) October 3, 2013
Début juillet, le pape François a choisi Lampedusa pour son tout premier voyage hors de Rome. Il avait alors parlé de "honte" face aux "nombreuses victimes".
De son côté, le chef du Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés s'est dit, jeudi, "choqué par ce drame" et "bouleversé par la montée du phénomène des migrants et des personnes fuyant les conflits et périssant en mer".
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