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Crise: la traditionnelle retenue des Roumains se mue en révolte sociale

Depuis la fin du communisme en 1989, les Roumains ont connu des régimes divers mais aucun n'a trouvé grâce à leurs yeux en raison du manque de probité des gouvernants. Soumis aujourd'hui à une austérité drastique, ils se réveillent de leur torpeur et descendent dans la rue par milliers pour réclamer leurs droits.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des manifestants, square de la Liberté, à Bucarest, le 24/01/2012 (AFP/DANIEL MIHAILESCU)

Début janvier 2011, des mouvements de protestation contre les mesures d'austérité décidées par le gouvernement du premier ministre Emil Boc ont eu lieu dans toutes les grandes villes.  Une première dans le pays. Afin de pouvoir obtenir un crédit de 12 milliards d'euros du Fonds monétaire international, le premier ministre a décidé de réduire les salaires des fonctionnaires de 25%, d'augmenter la TVA à 24%, alors que les retraites et les indemnités -chômage ont baissé de 15%, depuis le 1er juin 2010.

«Essence, électricité, chauffage, les prix ont explosé et je ne peux plus faire face», déplore Bodgan, un jeune père de famille au chômage.

Une colère qui s'exprime dans les rues
Habitués à faire profil bas au temps du communisme, les Roumains ont gardé l'habitude de ne pas exprimer leurs sentiments dans les moments difficiles. Mais cette fois-ci, le limogeage du sous-secrétaire d'Etat à la santé, Raed Arafat, qui a créé le service national de médecine d'urgence, fort apprécié, a été le détonateur de la colère sociale.  

Les jeunes Roumains ont appelé sur les réseaux sociaux à manifester place de l’Université,  au cœur de Bucarest et dans une soixantaine de villes. Ce désir de changement s'est mué en action sur le terrain. Le mécontentement accumulé depuis de longues années s’est exprimé dans la rue et continue à rassembler certains soirs les couches de la société qui ne se rencontraient pas.

Les manifestations contre l'austérité à Bucarest

(FR.CNTV.CN, le 16 janvier 2012)

Raed Arafat a été rappelé au ministère de la Santé, mais le mal était fait. De plus, le ministre des Affaires étrangères, Teodor Baconschi, a qualifié les manifestants «d'êtres stupides et issus des bidonvilles», tout en stigmatisant les violences commises dans le centre de la capitale par une poignée de casseurs. Il a été renvoyé mais les propos tenus montrent le peu de cas que fait le gouvernement du mouvement de protestation et son absence de volonté de dialogue.

Le ras-le-bol des Roumains est total
Les sévères mesures économiques qui frappent les Roumains les découragent alors que dans le même temps aucune action du pouvoir ne trouvent grâce à leurs yeux. Ils ne croient pas à la lutte contre la corruption –presque personne n’est condamné-, ni à un quelconque programme de rechange de la part de l’opposition, union sociale-libérale sans crédibilité.

Cette révolte inattendue ne trouve aucun écho. Nulle personnalité ne s’impose pour porter les revendications. Le manque de culture politique des Roumains ne facilite pas l’émergence de politiciens intègres, à l’écoute de leurs concitoyens.
Le président Trian Brasescu refuse des élections anticipées, pariant sur la lassitude de la population. Mais selon la Fondation Soros, 7% des personnes interrogées accordent leur confiance au cabinet en place.

Le blocage démocratique opposé aux exigences de la population pourrait faire le jeu des  populistes, emmené par le Parti du peuple, dirigé par un réalisateur tv, Dan Diaconescu, qui arrive en troisième position dans les sondages.

L'éveil d'une conscience politique
Pourtant, le réveil civique de la population (même s’il n’y avait le soir du 12 janvier que 10.000 personnes dans la rue, sur 20 millions d’habitants) n’est pas qu’un feu de paille et paraît de nature à écarter le piège du populisme. L’hétérogénéité des protestataires (étudiants, ouvriers, retraités, artistes, professeurs d’universités) et la spontanéité du mouvement tranche sur les habituels rassemblements syndicaux ou des meetings de l’opposition.

«La rhétorique autoritaire des hommes politiques qui n’ont pas d’idées, ni de stratégie mais juste des injures et des luttes personnelles» est rejetée en bloc, affirme Mme Michailov, une artiste alors que David Schwartz, un metteur en scène de 25 ans explique: «Le clivage énorme qui s’est creusé entre une minorité très riche et le reste de la population  est une des causes majeures de la contestation». Le divorce entre les manifestants et le pouvoir apparaît irrémédiable et tous les insatisfaits ne partiront pas du pays pour chercher des conditions de vie meilleures. La constance nouvelle dans leur combat change la donne.

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