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Charbon: la décision énergétique de la Suède contestée par les écologistes

Quelques mois après la conférence de Paris sur le climat, le gouvernement suédois a provoqué la polémique sur sa sincérité à défendre l’environnement. En effet, il a autorisé la compagnie énergétique nationale Vattenfall à vendre ses mines et centrales thermiques allemandes à une société tchèque, plutôt que de les fermer, entraînant les protestations d’organisations écologiques.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Manifestation de défenseurs de l'environnement devant l'ambassade de Suède en Allemagne qui protestent contre la vente des mines et centrales thermiques de Vattenfall. «Le charbon tue», affirme la banderole. (Paul Zinken / DPA)

«Le gouvernement soutient la cession proposée des activités de charbon de Vattenfall», a écrit dans un communiqué le ministre suédois de l'Industrie. «Vattenfall est en passe de devenir une entreprise neutre sur le plan climatique», s'est félicité le gouvernement suédois. A première vue, il y aurait de quoi se féliciter d'une telle annonce. En effet, la Suède devient neutre énergétiquement... Sauf que plutôt que de fermer ses installations – mines et centrales à charbon –, l'entreprise suédoise a décidé de les vendre à une autre entreprise, EPH, tchèque celle-là. A charge pour cette dernière d'assumer la production de CO2.

Les ONG environnementales ont crié au scandale. Greenpeace Suède a ainsi dénoncé un «fiasco». «Les activités de lignite devraient plutôt être progressivement abandonnées en dialoguant avec les autorités allemandes», a estimé sa responsable. En Suède même, où les écologistes sont au pouvoir avec les sociaux-démocrates, la décision fait grincer des dents. «Le monde entier va nous montrer du doigt et dire que même un gouvernement rouge et vert ne peut pas se mettre d'accord avec les Allemands pour démanteler» les mines et les centrales, a déploré le député Carl Schlyter sur Facebook. 


Situées sur le territoire allemand, les activités du suédois Vattenfall sont importantes. Troisième producteur d'électricité allemand, l'entreprise suédoise, qui emploie 8.000 personnes en Allemagne, exploite certaines des plus grandes mines de charbon d’Allemagne et trois des dix premières centrales au charbon les plus polluantes d’Europe.

EDF et Engie dans l'œil des écologistes
Cette vente, qui permet à la société suédoise d’être «propre», sans perdre trop d’argent, ne serait pas unique en Europe. «Le cas de Vattenfall et du gouvernement suédois n’est pas isolé. Les entreprises françaises EDF ou Engie cherchent aussi à se débarrasser de leurs centrales à charbon, une hypocrisie climatique dont l’Etat se rend complice puisqu’il en est actionnaire. La possible vente par Engie de l’une des centrales les plus polluantes au monde, celle d’Hazelwood en Australie, est une hypothèse qui doit être écartée pour amorcer une fermeture permettant une transition juste», note l'ONG 350.org.


La décision suédoise, ainsi que les décisions d'autres énergéticiens européens, de vendre leurs productions les plus «sales», met en lumière cette société tchèque, EPH, qui s'est spécialisée dans le rachat de ces unitiés de production dont plus personne ne veut. 

Les banques financent le charbon
«Neuf banques internationales, dont la Société Générale» financent cette entreprise qui pourrait racheter aussi la centrale de Rybnik d’Edf en Pologne. «EPH, voilà une toute petite entreprise, encore peu connue, mais qui est en voie de devenir le troisième producteur d’électricité le plus polluant de tout le continent, après seulement sept années d’existence. Car depuis sa création en 2009, l’entreprise tchèque rachète les actifs dont souhaitent se désinvestir d’autres entreprises, comme la suédoise Vattenfall ou encore EDF, notamment en Europe de l’Est», note l'ONG Les Amis de la Terre. «Depuis 2012, EPH a bénéficié de 3 milliards d’euros de prêts délivrés par Société Générale, UniCredit, Citibank, ING Bank, Raiffeisen Bank, HSBC, Commerzbank, JPMorgan Chase et The Royal Bank of Scotland», précise-t-elle.


Selon le Guardian, EPH a acheté des mines et des usines de charbon polluantes à travers l'Europe. Elle a maintenant un milliard de tonnes de charbon et produit 5GW grâce à ses centrales. Pour le journal britannique, EPH «société sans visage, sans actionnaire clair, sans bilan comptable» serait «déjà responsables de 6% des émissions de CO2 du secteur européen de l'électricité». Cette société ferait le pari que Bruxelles accordera une durée de vie plus longue aux installations charbonnières ou pourrait accorder des subventions au secteur.

Ces ventes ainsi que l'exploitation massive du charbon ou de la lignite montre que la transition énergétique n'est pas simple en Europe. Le charbon reste très important et fournit 27% de l'électricité en Europe (plus de 40% de la production électrique allemande). Malgré les discours et malgré les sommets comme celui de Paris.

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