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L' extrême droite ne fait pas recette en Espagne

L'extrême droite espagnole espérait surfer sur la vague de la crise et du fort taux de chômage qui touche la péninsule ibérique. Divisée, marginale, son programme de «préférence nationale» ne séduit pas les Espagnols. Une exception dans un contexte général européen de montée de l'extrême droite. Elle ne devrait pas obtenir de députés européens lors des élections fin mai.
Article rédigé par Valerie Kowal
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Jose luis Roberto, le président d'España 2000, à Valence le 15 avril 2014. (AFP/Jose Jordan)

España 2000 est un des partis politiques d'extrême droite espagnols. Un parti qui a créé la polémique pour avoir accueilli, au sein de son siège de Valence, une association d'aide aux plus pauvres, le Foyer social patriote Maria Luisa Navarro. Une association qui ne distribue des vivres qu'aux Espagnols, carte d'identité à l'appui. Ce qui a décidé les autorités locales à porter plainte pour discrimination, même si les plus démunis, aidés par España 2000 n'y voient pas d'inconvénient : «Je préfère qu'on aide ma famille plutôt que les étrangers, même si ce n'est pas bien de dire çà», a déclaré à l'AFP Veronica Talaya. Cette jeune mère de famille de 27 ans s'y rend chaque mois pour se nourrir. José Luis Robert, le président d'España 2000 renchérit : «Nous avons un message très simple : avec 6 millions de chômeurs nous ne pouvons pas avoir plus de 6 millions d'immigrés.»

Pourtant, dans un pays où 26% de la population active est au chômage (50% chez les jeunes), ce discours ne convainc pas, contrairement aux autres pays Européens. España 2000 revendique des liens avec le FN de Marine le Pen et ne comptabilise que 4000 adhérents et cinq élus municipaux.

L'historien Xavier Casals relève que l'Espagne «est un bon exemple dans la mesure où elle montre, comme d'autres pays qui ont fait l'objet d'un sauvetage (Irlande, Portugal), que la crise économique ne génère pas en elle-même l'extrême-droite». Mais l'histoire espagnole est singulière en Europe. Pour Xavier Casals, «l'Espagne, il y a pratiquement 10 ans, était encore une population d'émigrants». Et la façon de regarder ces immigrés est différente. La sociologue Femin Bouza renchérit : «Dans les années 90 et la première partie des années 2000, les immigrés étaient décrits comme positifs», aidant au developpement économique du pays.

Troisième explication, le Franquisme, terreau de l'extrême droite, rejeté par les Espagnols en 1975. Le Parti populaire, de droite, aujourd'hui au pouvoir, a réussi à tenir l'extrême droite sous contrôle.

Trois millions de personnes se réclament de l'extrême droite et une partie non-négligeable est réfractaire à «adopter une xénophobie contraire à sa culture politique marquée par le capitalisme» et «l'hispanité», alors qu'un Espagnol sur cinq vient d'Amérique Latine, souligne Casals.

De surcroît, l'extrême droite est fragmentée, même si le président d'España 2000, un ancien militaire, ne désespère pas, persuadé que viendra l'heure «d'un front que nous appelons identitaire, que d'autres appellent anti-immigration».

Juan Andres Naranjo, député européen du Parti populaire Espagnol, explique dans un entretien à Euractiv que le flop des partis d'extrême droite espagnols est lié à l'histoire du pays. Et que ces partis ont tardé à changer leur discours, tournés vers une rhétorique nostalgique et l'apologie du passé. José Luis Rodriguez, professeur d'histoire à l'université Rey Juan Carlos, estime lui aussi que la crise économique n'est pas nécessairement synonyme d'une montée de l'extrême droite si les partis ne réussissent pas à surmonter le poids de l'histoire lié à leur mouvement. Ce qui, selon lui, est arrivé en Espagne. Il a prévu que l'extrême droite espagnole «n'aura rien» lors des prochaines élections européennes.

Mais la situation espagnole est très volatile et l'historien Xavier Casals n'exclut pas que le discours xénophobe, désormais prédominant, finisse par porter. «A conditions égales et au chômage, entre un Espagnol et une famille d'immigrés, d'abord le national», affirme Juan Antonio Serrano, qui se décrit comme un syndicaliste de gauche déçu, devenu militant España 2000.

De plus en plus d'Espagnols vivent comme un sentiment d'injustice l'allongement des listes d'attente pour l'aide sociale. Et Veronica l'assure, les associations donnent la priorité aux immigrés parce qu'elles disent que «nous, on a des familles qui peuvent nous aider».






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