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Omerta sur le loup

Ségolène Royal souhaite que l’Europe abaisse le niveau de protection du loup. Depuis son retour dans le parc du Mercantour en 1992, le ton a bien changé. Il est désormais présent dans trente-trois départements. On lui attribue 9000 brebis tuées en 2015. Les mesures de protection des troupeaux semblent avoir atteint leurs limites. A-t-on sous-estimé ce qui allait se passer ?
Article rédigé par Jacques Monin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Franceinfo (Franceinfo)

Dès son retour dans notre pays, le loup a fait l’objet d’une protection importante de la part des autorités. Lorsqu’en novembre 1992, les premiers loups sont observés dans le Mercantour, il sera demandé aux journalistes de ne pas publier l’information pendant 6 mois. Une consigne respectée par le magazine Terre sauvage  qui a eu la primeur de l’information. Pierre Pfeffer, qui préside alors le conseil scientifique du parc du Mercantour, est lui aussi sommé de garder le secret : Le ministère de l’environnement m’a tout de suite téléphoné. Ils m’ont dit : "surtout n’en parlez à personne. Il ne faut pas que ça se sache". C’était évidemment ridicule puisque les loups étaient là. On les avait vus. Au contraire, le fait de vouloir cacher leur présence, mentir en quelque sorte, a alimenté des soupçons. 

Il s’en suit une fracture avec le monde des bergers qui ont le sentiment d’avoir été laissés de côté. Cette défiance sera aggravée par "l’affaire" du Var. Alors qu’officiellement les loups sont revenus dans le Mercantour, tout semble montrer qu’il y en avait dès 1991 dans le camp militaire de Canjuers. A cette époque, plusieurs troupeaux subissent des attaques d’un nouveau genre. Mais il faudra attendre sept ans pour que la présence des*** loups soit enfin reconnue. Et dix pour que les éleveurs perçoivent enfin les premières indemnisations. Eric Marboutin qui dirige à Grenoble le réseau Loup-lynx, le reconnaït pudiquement : "Peut-être y a-t-il eu des retards de diagnostics, mais je suppose que ça a dû être très difficile de faire la part des choses dans ces années 90 où personne n’était préparé techniquement. Depuis, les outils de diagnostic ont beaucoup évolué.*

Retour naturel ou réintroduction ?

La fracture entre éleveurs et pouvoirs publics se cristallise autour d’une polémique. Nombreux sont les bergers qui pensent encore aujourd’hui que le loup a été réintroduit par l’homme. Une étude réalisée en 2004 sur un loup sur qui des chercheurs ont placé un collier GPS, montre cependant que son retour naturel était inéluctable. On a établi que l’animal se déplaçait sans difficultés des Apennins au Mercantour.  Des lâchers clandestins ont cependant eu lieu. Un loup italien abattu à Fontan (Alpes-Maritimes) en 1987 portait les traces d’un collier. Un écrivain, Jacques Delperrié de Bayac, a par ailleurs confessé à Pierre Pfeffer avoir lâché un couple de loups en 1993 dans le massif du Mercantour. Ces actes isolés ne remettent pas en cause la thèse du retour naturel, mais le ministère de l’Environnement n’a jamais cherché à enquêter sur ces dérives. 

  (Dépouille de mouton dévorée par un loup, dans le Var @ RF/ Jacques Monin)

Un réseau de surveillance aux chiffres contestés

Autre pomme de discorde : les chiffres officiels. Selon le réseau Loup-lynx, le nombre de loups estimés en France aurait baissé de 300 à 282 en un an. Des chiffres qui font beaucoup de sceptiques comme l’explique Laurent Garde, coordinateur au CERPAM (Centre d’Etudes de Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée) à Manosque. "Quand j’explore la littérature scientifique européenne, si je prends les surfaces occupées par les loups de façon permanente en Espagne, en Italie et en France, donc trois pays comparables, j’obtiens des densités de loups doubles en Italie et en Espagne par rapport à la France".  Il en résulte une situation surprenante : alors que le thermomètre officiel de décompte des loups en France affiche une population à la baisse, la ministre de l’environnement Ségolène Royal a récemment cité comme référence le chiffre de cinq cents loups (soit quasiment le double du chiffre officiel).

A ces incohérences s’ajoute une grève des agents de l’Office de la chasse et de la faune sauvage. Pour réclamer de meilleures conditions de travail, plusieurs syndicats ont lancé un blocage des données relatives au loup. Résultat : le réseau chargé de sa surveillance est dans l’incapacité de fournir les chiffres du premier trimestre de 2016. Un comble puisque, faute de chiffres crédibles, aucune décision ne pourra être justifiée, donc admise par la population.

►►► Une enquête de Jacques Monin à écouter ce vendredi 27 mai 2016 dans Secrets d'Info à 19h20 sur France Inter

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