Le Ty village de Saint-Brieuc et ses tiny houses, un modèle écologique qui fait des émules
Une quinzaine de micro maisons accueillent étudiants et propriétaires, attirés par cette forme d'habitat écologique et minimaliste. Un mode de vie qui rend heureuse Aurélie Moy, à l'initiative du projet.
"Less is more", affirme une célèbre devise minimaliste. Pour vivre heureux, seul ou à deux, pas besoin d'une grande maison. Certains ont trouvé le bonheur dans moins de 20 m² grâce aux tiny houses. Ces maisons minuscules sur roues, importées des États-Unis en 2013, rencontrent un succès grandissant. Une série américaine, Tiny house nation, leur est même consacrée. Il y en aurait entre 300 et 500 en circulation aujourd'hui en France (un chiffre difficile à estimer, des particuliers fabriquant eux-mêmes leur micro maison, sans passer par des professionnels).
Sensibiliser à l'habitat alternatif
Aurélie Moy est tombée amoureuse des tiny il y a déjà quelques années. Une fois sa Susy (pour sustainable systems - systèmes durables - nom du master qu'elle suivait alors à Sydney) construite, elle l'installe sur un grand terrain familial à Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor). "Il y avait de la place. Je me suis dit que c'était une bonne opportunité d'ajouter une offre de logements dans une démarche de sensibilisation à l'habitat alternatif, au minimalisme", raconte la jeune polytechnicienne âgée de 26 ans. Ainsi est né, en septembre 2019, le Ty village, premier village de tiny houses en France.
Aurélie a voulu aller au bout de sa démarche environnementale en choisissant de privilégier les circuits courts : les tiny sont fabriquées par deux jeunes artisans bretons, L'atelier des branchés, avec des matériaux naturels et locaux. "L'ossature, le bardage, le lambris, c'est en bois, détaille-t-elle. L'isolation est un mélange de lin, chanvre et coton, sourcés localement au maximum. Comme elle est toute petite et bien isolée, elle consomme très peu d'énergie à chauffer."
Comme on n'a pas la place de ranger beaucoup d'affaires, ça incite à un mode de vie minimaliste, à ne pas être dans la surconsommation.
Aurélie Moy
Construites sur remorques, les maisons n'ont pas d'empreinte sur les sols : pas de dalle de béton à couler. Mais la jeune femme n'a pas souhaité l'autonomie énergétique (panneaux solaires par exemple) : "L'idée était que ces maisons soient accessibles à tous, y compris à des gens pas forcément écolos, à qui on n'avait pas envie d'imposer les contraintes que cela implique". Dans un coin du terrain, des composteurs accueillent résidus alimentaires et contenus des toilettes sèches, en prévision d'un jardin en permaculture.
Une alternative à la cité U
À côté de Susy sont venues s'ajouter Bouton d’or, Bleuet, Coquelicot, Capucine... en bordure de piste cyclable, sur une vaste pelouse viabilisée (avec eau, électricité et évacuation) où seront bientôt plantés arbres fruitiers, massifs végétaux et haies. Une quinzaine de maisonnettes louées autour de 450€ par mois (charges comprises) à des étudiants qui trouvent là une alternative agréable à la cité U ou à un studio en ville.
Depuis cet automne, il accueille également Mojo, la tiny de Marie Rollet-Flaubert, la première propriétaire, bien heureuse de s'installer légalement et de rencontrer des voisins qui partagent son mode de vie. Car bien que de taille réduite (2,50 m de large, 4,10 m de haut et 7 m de long au maximum) et transportable avec un permis BE (remorque ne dépassant pas 3,5 tonnes), la tiny house est soumise à réglementation. Et convaincre les communes en région parisienne, où Marie travaillait avant, semblait trop compliqué.
Une législation contraignante
"À Saint-Brieuc, nous sommes sur un terrain privé et constructible, ce qui facilite grandement les choses, reconnaît Aurélie. On a déposé un permis d'aménager qui a été validé par la mairie même s'il a fallu faire un peu de sensibilisation. C'est plus compliqué sur des terrains non constructibles ou en zone naturelle, agricole... On ne peut pas se poser n'importe où. Cela demande des démarches auprès des communes qui n'ont pas forcément l'habitude de traiter ce type de projets. Et certains préfèrent vivre cachés parce que se légaliser, c'est la croix et la bannière parfois."
Comme pour les vans ou les roulottes, la loi Alur (2014) autorise les tiny houses à rester sur un terrain privé constructible trois mois au maximum. Au-delà, une déclaration préalable doit être déposée sous peine d'amende. Depuis l'été 2020, professionnels et acteurs se sont réunis dans une Fédération de l’habitat réversible, déterminés à faire avancer les choses. Mais en attendant, mieux vaut donc se renseigner précisément avant de se poser !
Malgré les difficultés, c'est une véritable communauté qui grandit et échange. "En France il y a deux gros groupes Facebook et chacun totalise près de 13 000 membres", s'enthousiasme Marie. Le nombre de gens qui franchissent le pas augmente. Et depuis le confinement, je sens qu'il se passe quelque chose." Alors, sur les réseaux sociaux, on s'échange tuyaux, bon plans, difficultés et obstacles. La jeune-femme a elle-même créé un blog, une page Facebook et une chaine YouTube intitulés "Marie goes tiny", pour partager son aventure. En télétravail au quotidien pour une start-up médicale, elle qui économisait depuis le lycée pour faire aboutir un rêve a trouvé l'environnement qui lui convient, "tant qu'il y a l'électricité et internet" précise-t-elle.
Jusqu'à 60 000 euros
À 25 ans, cette Grenobloise d'origine a fait le choix d'aménager toute seule sa maison, construite par une entreprise de charpente des Yvelines. "Je l'ai reçue hors d'eau, hors d'air, donc avec le lambris posé mais vide à l'intérieur". Entre parquet, électricité, douche, toilettes sèches, poële, cuisine... elle passe son temps libre à transformer la coquille vide en un joli cocon douillet. Et il y a de quoi faire tant le moindre recoin doit être optimisé : lit peigne, caissons de rangements transformés en tabouret, tiroirs sous escalier, étagères dissimulées sous la table rabattable... "Tout doit être agencé de manière la plus intelligente possible pour que ce soit fluide au quotidien".
Achetée 43 000€, le coût de la tiny de Marie devrait atteindre 53 000€ une fois terminée. C'est 3000€ de plus que ce qu'elle s'était fixée mais en moyenne, il faut compter entre 50 000 et 60 000€ pour un modèle prêt à habiter. "On me fait souvent la remarque que c'est cher par rapport au nombre de mètres carrés mais ça ne me choque pas", sourit Marie.
C'est une pièce unique, artisanale, réalisée avec des matériaux locaux,
Marie Rollet-Flaubert
Un modèle unique qu'elle pourra ramener dans ses Alpes natales lorsqu'elle retournera y vivre. "C'est un luxe", se réjouit-elle.
Un modèle qui essaime
Alors bien sûr, la tiny house ne répondra pas à elle-seule à l'urgence écologique et n'est pas adaptée à tous les contextes remarque Aurélie. "Pour moi, c'est une proposition parmi d'autres d'habitats du futur". Il n'empêche, la graine est semée. "Je suis contactée presque toutes les semaines par des gens qui me disent qu'ils aimeraient faire la même chose dans telle ou telle région. Je prends du temps pour répondre et partager l'expérience du Ty village. Je pense que c'est un modèle très vertueux qui mérite d'essaimer ailleurs, même si je n'ai pas l'intention de le faire moi. Voir naître plein de petits villages de tiny partout où il y a des gens motivés et partout où c'est cohérent avec le territoire, je trouverais ça chouette."
L'idée fait son chemin puisque parmi les projets déjà bien avancés, Lyon prévoit un village pour les jeunes en situation précaire; un autre devrait voir le jour à Rezé, près de Nantes en cours d'année.
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