Près du Havre, le benzène de la zone industrielle pollue l'air des écoles
L'émission "Vert de rage" de France 5 a mené l'enquête sur la pollution générée par la zone industrielle de Gonfreville-l'Orcher, en Seine-Maritime. Des prélèvements d'air, de sol et d'urine ont été réalisés. Les résultats sont préoccupants.
Alerte pollution. A Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime), des enfants sont exposés à des niveaux préoccupants de benzène et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des polluants notamment produits par l'industrie pétrochimique, très présente dans cette commune proche du port du Havre. C'est ce que révèle, mardi 5 avril, l'émission "Vert de rage" de France 5, réalisée par le journaliste Martin Boudot, mesures de la qualité de l'air et nombreux prélèvements à l'appui.
Cette petite ville des bords de la Seine compte neuf entreprises et usines classées Seveso. Elles présentent, par les matières dangereuses qu'elles sont amenées à manipuler, des risques d'accidents majeurs. On y trouve notamment la plateforme de raffinage de Total, la plus grande de France et la première émettrice de benzène du pays en 2020, selon les données analysées par l'émission. Ce polluant, un composé organique volatile présent naturellement dans le pétrole brut, est un cancérigène avéré pour l'homme.
Une forte présence de benzène
Or les premières habitations se trouvent à moins d'un kilomètre de la zone industrielle et plusieurs habitants s'inquiètent de cette pollution. Pour la mesurer, "Vert de rage" s'est associée à Valérie Gros, directrice de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, pour réaliser des prélèvements d'air, à proximité de l'usine et de plusieurs écoles de la commune. Plusieurs mesures ont été réalisées au même endroit afin de confirmer les résultats. La valeur limite pour la protection de la santé humaine (5 μg/m3 en moyenne annuelle) est dépassée, de manière ponctuelle, à trois endroits : près de l'usine (39 μg/m3) et devant deux écoles (48,5 μg/m3 et 13,9 μg/m3).
Des pics préoccupants que n'affichent pas les trois stations de mesure locales du réseau Atmo Normandie, une association de surveillance de la qualité de l'air. Ces stations, qui ne mesurent pas toutes en continu le benzène, n'affichent que des moyennes, plus rassurantes et plus représentatives de l'exposition chronique. Mais aucune station ne se trouve sur la zone industrielle, pourtant l'une des plus importantes sources de pollution de la ville.
Pour Valérie Gros, "Gonfreville-l'Orcher est un 'hotspot' de la pollution au benzène, même si les résultats de l’équipe de 'Vert de rage' montrent la présence d’autres polluants problématiques. Il faudrait davantage de campagnes de mesures sur place pour mieux cartographier l’exposition à ce polluant".
Une pollution de l'air, du sol et des corps
Des analyses d'urine de 23 enfants ont aussi été réalisées au laboratoire de l'hôpital public de Liège (Belgique). Ces enfants sont scolarisés dans la commune et vivent à proximité de la plateforme industrielle. Du naphtol-2, le marqueur du naphtalène, un dérivé de goudron, de houille ou de pétrole, suspecté d'être cancérigène, a été retrouvé en quantité importante : la médiane des concentrations est 67% plus élevée que celles des enfants allemands. Faute d'étude menée en France, il n'a pas été possible de faire une comparaison avec le reste du pays.
Enfin, des échantillons de sol ont été prélevés par un laboratoire indépendant et certifié dans un jardin ouvrier traversé par une canalisation de pétrole. La concentration en hydrocarbures aromatiques polycycliques, un groupe de composés où figurent de nombreux polluants cancérigènes et mutagènes, y est très importante (cinq fois le seuil de concentration naturelle), voire astronomique (112 fois) pour la partie touchée par une fuite il y a quelques mois, mais qui est censée avoir été nettoyée. Contacté par Martin Boudot, Total n'avait toujours pas répondu au moment de la parution de cet article. L'enquête complète de "Vert de rage" sera diffusée en septembre sur France 5.
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