Tirs de missiles de la Corée du Nord : Pyongyang "ne veut plus négocier, ne veut plus se rapprocher", analyse le journaliste et écrivain Dorian Malovic

La Corée du Nord a tiré environ 200 obus en mer Jaune ce vendredi, en direction des îles sud-coréennes de Yeonpyeong et de Baengnyeong.
Article rédigé par franceinfo
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Le leader nord-coréen Kim Jong-un lors des célébrations du Nouvel an 2024, aux côtés de sa fille et de son épouse, à Pyongyang, le 31 décembre 2023. (STR / KCNA VIA KNS)

"Ce genre d'incidents est toujours très sérieux", a analysé Dorian Malovic vendredi 5 janvier sur franceinfo, après que la Corée du Nord a tiré environ 200 obus en mer Jaune, forçant la Corée du Sud à demander la mise à l'abri de ses civils habitant sur les îles de Yeonpyeong et de Baengnyeong. Selon le correspondant permanent à Tokyo pour le journal La Croix et auteur de livres sur la Corée du Nord, ces actes "marquent la volonté nord-coréenne de montrer qu'aujourd'hui, elle ne veut plus négocier, elle ne veut plus se rapprocher".

franceinfo : Est-ce qu'on est dans un incident sérieux ? Et pourquoi la Corée du Nord se lance-t-elle là-dedans aujourd'hui ?

Dorian Malovic : Ce genre d'incidents est toujours très sérieux. On a tendance parfois à sous-estimer la Corée du Nord en disant : "elle tire quelques obus, elle veut montrer qu'elle est là". Mais le contexte est quand même très différent aujourd'hui par rapport à il y a quelques années. Yeonpyeong, c'est 2 000 habitants, mais vous avez 5 000 soldats sur cette île, vous voyez la côte nord-coréenne juste en face. Tous les habitants sont encore traumatisés par ce qui s'est passé en 2010. Tout le monde sait que cet endroit reste très dangereux, en dépit d'un calme apparent dans un décor très paradisiaque. Et depuis ces derniers mois, on voit que les tensions entre les deux Corée ne cessent de grimper. Vous avez un nouveau président sud-coréen qui est beaucoup plus 'va-t-en-guerre' que le précédent. Le président Moon Jae-in était plus vers la négociation, l'unification, le dialogue. Maintenant, c'est terminé. Et il faut quand même rappeler que Kim Jong-un, le leader nord-coréen, se sent pousser des ailes avec le renforcement de son alliance avec Moscou et le soutien permanent de la Chine vis-à-vis de Pyongyang. Donc le leader nord-coréen se dit : "Bon, maintenant, je veux m'exprimer, je continue dans mes améliorations technologiques de missiles et nucléaires et je m'impose."

À propos de ces îles que vous connaissez, peut-on parler de ligne de front maritime ? Est-ce qu'elles sont stratégiques ?

Elles sont stratégiques parce qu'elles sont très proches de la ligne maritime de démarcation avec le nord. C'est quand même à 100 km de Séoul et ce sont des cibles relativement faciles. Ce sont des actes qui marquent quand même la volonté nord-coréenne de montrer qu'aujourd'hui, elle ne veut plus négocier, elle ne veut plus se rapprocher. Et d'ailleurs, au Nouvel An fin décembre, Kim Jong-un a bien dit que maintenant l'unification des deux Corée n'était plus possible, que c'était deux États totalement autonomes et séparés et que chacun allait devoir suivre son propre chemin. Et c'est vrai que cela implique des tensions entre deux nations qui ne cherchent plus, du moins du côté de Pyongyang, à se réunir.

On est plus que jamais dans une logique de confrontation.

Plus que jamais. Dans dix jours, il y a une élection présidentielle à Taïwan qui va aussi orienter toutes les tensions dans la région d'Extrême-Orient. Et vous avez une élection américaine en novembre prochain qui, elle aussi, est très attendue dans la région. Parce que si on a le retour de Trump au pouvoir, on sait que toutes les cartes vont être redistribuées. La Corée du Nord en profite pour se positionner, sachant très bien que le dossier nord-coréen pour la diplomatie américaine, aujourd'hui plus que jamais, est en dernière place, surtout avec l'Ukraine, et Israël et le Hamas.

La Chine appelle au calme. A-t-elle les moyens de le faire respecter ?

Pas du tout, il n'y a pas d'influence majeure de la Chine sur la Corée du Nord pour lui demander d'arrêter, parce que la Chine a besoin de cet État tampon entre la Corée du Sud et ses propres frontières. Ce n'est pas la Chine qui va pouvoir, du jour au lendemain, arrêter l'évolution technologique et nucléaire de la Corée du Nord.

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