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Pakistan: pourquoi les talibans du TTP n'ont pas renouvelé leur cessez-le feu?

Le groupe taliban pakistanais du Tehrik-e-Taliban (TTP) a refusé mercredi 16 avril 2014 de renouveler le cessez-le-feu conclu avec le gouvernement du Premier ministre Nawaz Sharif. La lutte contre les talibans dans cette région dure depuis des années et mérite quelques explications.
Article rédigé par Géopolis FTV
France Télévisions
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Pour maintenir la paix, les autorités pakistanaises doivent négocier avec les talibans. (AFP)


Le TTP, qu’est ce que c’est ?

Le Tehrik-e-Taliban Pakistan (Mouvement des Talibans du Pakistan), est un des groupes talibans du Pakistan. Sur leur compte Twitter, ses membres se définissent comme «combattant l’armée pakistanaise, soutien des Etats-Unis». Créé en décembre 2007, le mouvement regroupe environ 39 factions islamistes armées originaires des zones tribales pakistanaises, frontalières de l’Afghanistan (surtout le Waziristan). Il revendique un islam radical et réclame l’instauration de la charia (loi islamique) sur tout le territoire pakistanais. En février 2009, l’Etat avait accordé aux talibans le droit d’instaurer la charia dans la vallée de Swat. Deux mois plus tard, l’armée pakistanaise reprenait le contrôle du territoire pour mettre fin à une fulgurante progression des talibans.
 

Le Tehrik-e-Taliban accuse le gouvernement pakistanais de participer à la guerre contre le terrorisme que mènent les Etats-Unis dans le pays. Le groupe multiplie les attentats suicides et aurait fait, selon Le Figaro, plus de 6000 morts dans le nord-ouest du Pakistan, depuis sa création il y a sept ans.
 
Même sur Twitter, le TTP tient un discours anti-Occident et appelle à l'instauration de la charia. (DR (capture Twitter))

Pour Gilles Boquérat, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique, spécialiste des relations indo-pakistanaises, il existe une forte dimension tribale au sein de ce groupe : «Pendant des années, le clan Mehsud était à sa tête, mais son nouveau chef  (le mollah Fazlullah, nommé en novembre 2013 après la mort d’Hakimullah Mehsud, tué par un drone américain) est originaire de la vallée de Swat (nord du pays) et a l’image de quelqu’un de plus extrémiste, ce qui ne risque pas de simplifier les discussions avec le gouvernement.»
 
L’unité du mouvement ne serait pas assurée, selon le chercheur. Lequel explique que les dissensions se multiplient au sein du mouvement. Début mars, le TTP avait signé un cessez-le feu. Il n’a été tenu que pendant six semaines car toutes les factions n’étaient pas d’accord avec cette décision.
 

Pourquoi les talibans n’ont-ils pas voulu renouveler le cessez-le-feu ?

Le 16 avril, le mouvement justifiait son refus en raison d’actes de torture commis par l’armée gouvernementale sur une cinquantaine de prisonniers talibans. De telles accusations ont déjà été prononcées à l’encontre de l’Etat pakistanais. En 2010, le site des Observateurs de France 24 avait publié deux vidéos amateurs témoignant d’exécutions et de mauvais traitements sur des détenus talibans.
 
Par ailleurs, le Premier ministre Nawaz Sharif continue de s’opposer à l’instauration de la charia dans le pays. Mansur Khan Mahsud, directeur du Fata Research Center, un centre de recherche spécialisé dans les zones tribales, expliquait à La Croix le 18 avril que « le gouvernement ne (pourrait) jamais faire autant de concessions». Pour lui, « ces discussions ne sont qu’un écran de fumée qui permet aux deux parties de se préparer à une intervention militaire». Le TTP a affirmé qu’il poursuivrait les discussions malgré le non-renouvellement du cessez-le feu.


Quelle relation entretiennent-ils avec Islamabad ?

Le comportement du gouvernement pakistanais a souvent été qualifié d’ambigü par les Occidentaux. Ce n’est qu’en 2001, après les attentats du World Trade Center, que le président Pervez Musharraf, arrivé à la tête du pays par un coup d’Etat en 1999 s’implique dans la lutte contre le terrorisme. Dès lors, le pays fait figure d’«allié de l’Amérique» dans la région et subit de nombreux attentats revendiqués par des groupes talibans. Depuis 2008, les autorités ont lancé plusieurs opérations contre les insurgés.
 
Au nord-ouest, le Waziristan est une zone de passage pour les talibans entre le Pakistan et l'Afghanistan. (DR (Capture Google maps))

Pour Gilles Boquérat, s’asseoir à la table des négociations était pour les talibans «la seule alternative face au projet de l’armée d’une intervention massive dans les zones tribales voisines de l’Afghanistan». Le TTP a ainsi évité de trop grandes pertes humaines et l’armée une défaite tant la zone est peuplée de groupes djihadites. «Frapper au Waziristan, c’est s’attaquer à une fourmilière, souligne le chercheur. Le TTP n’est pas seul dans la région, il y a aussi le groupe ouzbek, le groupe du Turkestan oriental… »


Quelle est la stratégie du gouvernement pakistanais vis-à-vis du TTP ?

«L’objectif du gouvernement est de diviser le TTP pour l’affaiblir», affirme Gilles Boquérat. Parmi les groupes qui le composent, tous ne sont pas prêts à discuter avec le pouvoir en place, ce qui donne régulièrement lieu à des affrontements.
 
L’issue finale des négociations dépendra de ce que le gouvernement de Nawaz Sharif décidera de céder aux talibans. La création d’une zone talibane où ils pourraient exercer l’islam à leur manière n’est pas à exclure pour M. Boquérat, mais elle ne réglerait pas le problème de la porosité de frontière avec l’Afghanistan par laquelle transitent beaucoup de combattants.
 
Dans ces négociations, le gouvernement ne bénéficie pas du soutien total de l’armée. Les soldats ont déjà essuyé un grand nombre de pertes dans les différentes opérations de reconquête des territoires contrôlés par les talibans, et notamment dans la vallée de Swat en 2009. «L’armée est hostile à un accord et ne souhaite pas que des concessions soient faites», conclut Gilles Boquérat. Cependant, la situation du Waziristan est plus complexe que celle du Swat et, en cas de d’intervention, la victoire de l’armée n’est pas assurée.

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