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«Beauties» explore les codes de l’esthétique tribale avec Françoise Spiekermeier

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Françoise Spiekermeier, sociologue de formation, a été pendant de nombreuses années reporter photographe et journaliste de guerre au Kosovo, en Afghanistan et lors de la 2e guerre de Tchétchénie entre 1999 et 2003. Au fil des années, elle a abandonné le terrain des conflits pour entreprendre un véritable travail d’ethnologue sur les rituels de beauté tribaux.

Alors que la mondialisation fait craindre une uniformisation du monde, les rituels et les pratiques esthétiques nous prouvent le contraire. Ils nous obligent à ouvrir notre regard, à avoir une autre approche de la beauté. Ils nous amènent à repenser notre conception du beau.
 
Françoise Spiekermeier se définit comme «une photographe des beautés aux marges du monde». Elle explique: «J’envisageais d’entamer un travail sur l’esthétique corporelle, la beauté ethnique, ses codes et ses rituels. Le thème de la beauté physique était en réalité un prétexte pour aller à la rencontre de la beauté de l’âme humaine. (…) Le thème de la beauté ethnique m’a permis de faire la synthèse de mes deux passions: l’ethnographie et le journalisme.»
 
Son travail vient d’être publié aux Editions La Martinière avec le livre Beauties, un carnet de voyages découpé en 6 chapitres : Ethiopie, Soudan du Sud, Niger, Papouasie, Inde et Afghanistan.

les Nyangatom (les fusils jaunes) furent pratiquement décimés par les Dassanech. Ils vivent sur la rive Ouest de l’Omo, pratiquant à la fois l’élevage et l’agriculture. Les perles de verre qui apparurent d’abord au Kenya et suivirent les routes de transhumance des troupeaux entre le lac Turkana et la vallée de l’Omo, furent une véritable révolution dans leur esthétique vestimentaire. Portées aussi bien par les hommes que par les femmes, elles renseignent sur le rang, les croyances religieuses, la situation sociale et les goûts artistiques de ceux qui les portent. Elles sont le reflet de leur héritage culturel. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
à 50 km à l’est de la vallée de l’Omo en Ethiopie. Ils ne s’habillent pratiquement plus de façon traditionnelle ou accompagnent leurs tenus avec des accessoires très occidentalisés comme le marcel, un T-shirt sans manches, blanc, à rayures ou coloré. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
est arrivée peu avant la signature de l’indépendance du Soudan du Sud qui a mis fin à des décennies de guerre civile. Le défilé de l’Indépendance signe alors l’acte de naissance d’un style vestimentaire planétaire, «le mix and match», l’art d’associer des éléments hétéroclites avec beauté, de créer sa propre personnalité. La peau de panthère, attribut du guerrier et du pouvoir se fait plus rare dans le look des jeunes. Mais transmise de génération en génération, elle peut toujours servir d’accessoire. Représentant l’attachement aux ancêtres, elle n’est pas entièrement abandonnée et fabriquée aujourd’hui en série dans des matières synthétiques. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
les terres les plus fertiles du Soudan du Sud, créées par l’ONG de Karak Denyok, les Soudanaises apprennent à ensemencer et cultiver la terre. Elles doivent savoir aussi lire, écrire et compter afin de devenir des citoyennes autonomes et productives en gérant en commun des entreprises utiles à la communauté. La terre permet de réparer les blessures de guerre, de subvenir aux besoins de la famille, de nourrir la population. Les femmes endossent ce rôle «fertilisateur» en revêtant des toges nouées sur l’épaule, généralement colorées, acidulées et stimulantes, comme investies du pouvoir d’activer les forces vitales de la nature qu’elles cherchent à s’approprier. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
pour les Wodaabe l’une des branches du peuple Peul, la recherche du beau pénètre tous les domaines de l’existence. Cette beauté fonde leur identité et ils font tout pour la protéger, la préserver, l’empêcher de se dégrader. Elle est une aspiration essentielle, un fondement de la société. La pensée esthétique devient mode de vie et acte de compréhension du monde. Les danses des Wodaabe permettent de mettre en scène les critères de beauté et d’affirmer celle-ci dans la société. C’est pourquoi les Peuls ne peuvent envisager la vie sans la danse qui la déploie dans toute sa splendeur. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
Le voile représente une barrière protectrice pour celui qui le porte mais aussi pour le monde extérieur que pourrait déranger l’agressivité virile de l’homme. Chez les Touaregs, l’élément masculin est assimilé au monde extérieur sauvage, imprévisible, par opposition à la tente, univers de la femme. Pour ne pas mettre en danger la société, l’homme doit passer par un processus d’apprivoisement reposant sur le port du voile, seul à même d'endiguer la nature masculine originelle. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
sont un peuple autochtone des Hautes Terres de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ils aiment se défier maquillés, harnachés de parures colorées et de coiffes à plumes d’oiseaux de paradis. Autrefois, les rencontres avec d’autres tribus étaient violentes et mortelles, mais aujourd’hui elles se sont pacifiées grâce à la danse. Les anciennes parures guerrières n’ont gardé que leur dimension spirituelle. «Les costumes, parures et ornementations corporelles sont d’une extraordinaire richesse. Elles opèrent le lien entre l’homme et la nature, entre le monde visible et invisible. Ces festivals, les sing-sing, ont lieu dans toutes les provinces permettant ainsi de canaliser l’agressivité des Papous, sans toutefois l’éliminer complètement», souligne la photographe. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
les coquillages sont traditionnellement des objets de prestige intégrés dans les parures de fête. Les offrir permettait d’entretenir des relations cordiales entre les tribus et de faire circuler le statut de prestige. Ce système égalitaire faisait fonctionner en réseau les populations locales et les 600 îles satellites dispersées dans le Pacifique Sud, toutes reliées et informées sur les événements de leur vaste territoire. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
enclavé dans la Birmanie, se trouve un territoire où vivent les Konyak (90.000 personnes) l’une des trente-quatre tribus Naga. Anciens coupeurs de têtes, ils ont forgé la réputation guerrière de leur nation voulant préserver leur mode de vie originel fondé sur la culture du riz et la chasse. Chez eux, les parures traduisent, plus qu’un goût esthétique, l’expression d’une identité et d’un statut, qui leur vaut de ne pouvoir être enlevées qu’après la mort. Loin de vouloir passer inaperçu dans la nature, le guerrier Naga marque au contraire sa présence dans le but d’impressionner son adversaire. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
et voudraient les assimiler. Leurs vêtements sont toujours noir et blanc, car liés aux mythes de leur origine. Dans la légende, les Rabari installés au Rajasthan devaient s’occuper des chameaux des maharadjas. Mais une nuit, ils s’enfuirent quand l’un de leur maître, tombé amoureux d’une de leurs filles, voulu l’épouser. Ils trouvèrent refuge dans le Kutch, chez un roi musulman qui sacrifia sa vie pour les protéger. Pour lui rendre hommage et alors qu’ils ne sont pas musulmans, les femmes se vêtirent de noir, quand les hommes adoptèrent le blanc, couleur indienne du deuil. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
et aussi l’un des plus confortables. Dans cette région, des Pashtouns, des Tadjiks, des Hazaras et des Ouzbeks, les principaux peuples afghans ont préservé et maintenu vivantes ces cultures traditionnelles. Les siècles sont passés, mais le style de vie ancestral et nomade des peuples d’Afghanistan n’a pratiquement pas changé. Les différents groupes ethniques ont chacun leurs signes distinctifs, dans un ensemble de lignes vestimentaires commun comme ce fameux «perahan tunban». (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)
C’est l’élément vestimentaire afghan le plus antique. Compte-tenu de la pauvreté, les lunettes sont pour la plupart achetées au marché, trouvées ou récupérées auprès d’organisations humanitaires. Accessoire n’offrant pas toujours le confort désiré, y compris les lunettes de soleil, les modèles étant périmés, bon marché et la plupart du temps équipés de verres en plastique non adaptés. De plus les soins ophtalmologiques sont inaccessibles à la majorité de la population. Les lunettes constituent le plus souvent une fantaisie, un accessoire évocateur d’un statut social élevé ou d’érudition. (Editions de La Martinière / Françoise Spiekermeier)

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