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Au Laos, les barons de la drogue ne sont plus intouchables

Le Laos, plaque tournante du trafic de drogue en Asie du Sud-Est, a décidé d’envoyer des signaux de fermeté aux mafieux qui agissaient jusqu’ici en toute impunité. Ces derniers mois, plusieurs têtes sont tombées, mais l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) attend que des protecteurs du trafic au sein même du régime soient inquiétés.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Xaysana Keophimpa, parrain de la drogue laotien à Bangkok surnommé «monsieur X» par les enquêteurs thaïlandais. (LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP)

L'attitude des autorités laotiennes vis-à-vis des narco-trafiquants est restée ambiguë pendant plusieurs années. La très spectaculaire arrestation, en janvier 2017, de Xaysana Keophimpa, milionnaire laotien quadragénaire surnommé «monsieur X», devant des centaines de touristes en plein aéroport de Bangkok, marque un tournant. Les enquêteurs thaïlandais le soupçonnent d'être à la tête d'un vaste cartel qui approvisionne la Thaïlande et la Malaisie en pillules de méthamphétamine, appelés dans la région «yaba», litttéralement «drogue qui rend fou».

Parrains de la drogue arrêtés
«Il est une célébrité au Laos et il utilisait des affaires tels que des hôtels et des concessions de voitures de luxe comme couverture», a expliqué le chef de la lutte anti-narcotiques thaïlandais, Sirinjya Sitdhichai.

En avril, un ami de Xaysana Keophimpa, Sisouk Daoheoung, autre célébrité laotienne de second plan, connu pour son goût des soirées jetset et du luxe, a également été arrêté. La police thaïlandaise a notamment saisi des dizaines de millions de dollars de biens, entre hôtels, voitures et même une écurie de course hyppique.

Situé au coeur du Triangle d'Or, le Laos communiste, coincé entre la Chine et la Thaïlande, sert de base arrière aux trafiquants qui ont su tirer profit de leur position géographique pour accéder aux laboratoires clandestins en Birmanie voisine où est produite la méthamphétamine, ensuite écoulée sur les marchés voisins deThaïlande ou de Malaisie.

Yaba, la «drogue qui rend fou»
Les trafiquants laotiens ont misé sur le développement constant de l'addiction aux méthamphétamines en Asie du Sud-Est. Entre octobre 2016 et avril 2017, quelque 74 millions de pillules de yaba ont été saisies en Thaïlande, d'après Sirinjya Sitdhichai qui déplore que «les drogues détruisent tout. Elles affectent notre pays, notre société, notre peuple»

Le nombre des consommateurs s'élève, selon lui, à 1,3 million sur une population de 67 millions de thaïlandais. Le phénomène est tel qu'une grande majorité des quelque 290.000 prisonniers du pays y purgent de longues peines pour trafic de drogue.  

La petite pilule orange, qui se vend moins de sept euros, séduit particulièrement les jeunes âgés de 15 à 25 ans qui veulent prolonger leurs soirées ou augmenter leur consommation d'alcool. Ces cachets sont également prisés par les ouvriers malaisiens qui veulent maintenir un rythme de travail soutenu et à des fins plus récréatives par les fêtards de Bangkok.

À la croisée des chemins entre producteurs et consommateurs, les itinéraires de trafic traversant le Laos se sont rapidement multipliés dès la fin des années 90. Ils ont été encouragés par un durcissement de la lutte anti-drogue en Thaïlande. Ce marché en pleine expansion a attiré de nombreux groupes organisés composés d'anciens trafiquants d’opium ou d’héroïne. La culture d’éphédrine servant à la fabrication de méthamphétamine est complètement légale au Laos, alors que la culture du pavot est interdite dans le pays depuis 2005.

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