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Venezuela: victoire de la droite, après 16 ans de révolution bolivarienne

Le 6 décembre 2015, les 19,5 millions d'électeurs vénézuéliens, excédés par la crise, ont opté pour un changement historique. La coalition d'opposition réunie sous l'appellation Table de l'unité démocratique (MUD) a décroché 99 des 167 sièges du Parlement monocaméral, contre 46 pour le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) du président Nicolas Maduro (22 sièges restent encore incertains).
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La coalition de droite l'a emporté contre le parti socialiste du président Maduro, héritier de Hugo Chavez, aux élections législatives du 6 décembre 2015, mettant fin à la «révolution bolivarienne». (Luis ROBAYO / AFP)

Il manque encore deux sièges à la MUD, composée de trente partis, pour atteindre une majorité des trois cinquièmes, soit la majorité qualifiée qui lui permettrait de lancer un vote de censure contre gouvernement, de voter des lois organiques ou encore de réformer la Constitution.

Deux sièges qui souderaient cette coalition disparate, tiraillée entre une aile modérée de gauche, incarnée par l'ex-candidat à la présidentielle Henrique Capriles, et une aile radicale, dont le leader de la droite dure, Leopoldo Lopez, a été condamné à 14 ans de prison pour avoir été à l'origine des manifestations antigouvernementales de 2014 au cours desquelles des dizaines de personnes avaient trouvé la mort.

En attendant, l'opposition victorieuse a aussitôt annoncé que, dès le premier semestre 2016, elle ferait adopter une loi d'amnistie pour libérer les 75 prisonniers politiques du régime de Nicolas Maduro, héritier politique désigné par feu Hugo Chavez, l'ex-président (1999-2013, l'année de son décès) élevé au rang de héros par de nombreux Vénézuéliens qui vénèrent le chavisme. Des réformes économiques devraient aussi être lancées par la nouvelle équipe, qui entrera en fonction le 5 janvier 2016.

Le régime présidentiel vénézuélien favorable à Maduro
Mais dans ce régime présidentiel, en l'absence de majorité qualifiée, les députés fraîchement élus devront lutter, dans une cohabitation inédite, pour exercer un contre-pouvoir face à celui de Nicolas Maduro qui peut limiter, s'il le souhaite, les prérogatives du Parlement et gouverner par décret, au risque toutefois d'entraîner des protestations. Le Conseil national électoral a publié les chiffres d'une «participation extraordinaire» à 74,25%.
 
L'annonce dans la nuit des résultats officiels, après plusieurs heures de retard, a été accueillie dans certains quartiers de Caracas par des cris de joie, des pétards et des feux d'artifice tandis que la place Bolivar, haut lieu de célébration chaviste, se vidait peu à peu de ses occupants.

Immédiatement après, Nicolas Maduro, 53 ans, est apparu, le visage grave, lors d'une allocution télévisée. «Nous sommes venus avec notre morale, avec notre éthique, pour reconnaître  ces résultats adverses, pour les accepter et pour dire à notre Venezuela  que la Constitution et la démocratie ont triomphé», a déclaré le protégé d'Hugo Chavez, élu peu après la mort de son mentor en 2013. Mais il a confié recevoir cette défaite comme «une gifle».

Un vote sanction
L'opposition était favorite depuis des mois pour ces législatives, profitant du mécontentement populaire face aux pénuries et aux rayons vides des supermarchés.

Autrefois l'un des pays les plus fortunés d'Amérique latine, le Venezuela a vu son économie s'effondrer au même rythme que les cours du pétrole, quasiment son unique richesse. Le 4 décembre, le brut vénézuélien atteignait son plus bas en sept ans, à 34,05 dollars le baril. Quant à l'inflation, elle dépasse les 200%, selon les économistes.

A quoi s'ajoute une insécurité alarmante, avec le deuxième taux d'homicides le plus élevé au monde après le Honduras, selon l'ONU.
 
La victoire de la MUD représente «un vote de punition très important de la population contre la gestion de Maduro», estime Luis Vicente Leon, président de l'institut de sondages Datanalisis, et marque un tournant historique depuis l'arrivée au pouvoir du chavisme en 1999.

Après l'arrivée des libéraux en Argentine
Ce succès historique de la droite vénézuélienne survient deux semaines après une autre élection symbolique en Amérique latine, celle du libéral Mauricio Macri en Argentine, mettant fin à 12 ans de pouvoir de Nestor puis Cristina Kirchner, grands alliés du chavisme avec qui ils avaient commencé un mouvement de basculement à gauche au début des années 2000.

Le résultat vénézuélien a eu en tout cas un effet immédiat sur son voisin. M. Macri, qui deviendra officiellement chef de l'Etat argentin le 10 décembre 2015, est en effet revenu sur sa décision de demander l'exclusion temporaire de Caracas du Mercosur, le marché commun sud-américain, pour protester contre l'emprisonnement d'opposants politiques. Les élections ont changé la donne.

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