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Frappes occidentales en Syrie: fracture dans le monde arabe

La Ligue arabe a demandé à la communauté internationale de prendre les mesures de «dissuasion» nécessaires contre le régime de Damas. Mais au-delà, les pays arabes sont profondément divisés sur ce dossier. Alors qu’ils sont nombreux à accueillir des centaines de milliers de réfugiés syriens.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La réunion des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe au Caire le 1-9-2013. Ici, le représentant du Qatar, Khalid bin Mohammad Al Attiyah. (AFP - Anadolu Agency - Muhammed Elshamy )

En novembre 2011, la Ligue arabe avait déjà pris position contre le pouvoir d’al-Assad. Elle l’avait suspendu de ses rangs et accordé son siège à l’opposition syrienne.

Réunis au Caire le 1er septembre 2013, les ministres des pays membres de l’organisation ont cette fois «appelé l'ONU et la communauté internationale à assumer leurs responsabilités conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international afin de prendre les mesures de dissuasion nécessaires contre les auteurs de ce crime odieux dont le régime porte la responsabilité». Une référence à l'attaque au gaz qui a fait des centaines de morts le 21 août près de Damas.

Les ministres demandent également que soient «fournies toutes les formes de soutien requises par le peuple syrien pour se défendre». Pour autant, ils n’évoquent pas précisément l’éventualité de frappes étrangères sur le régime de Bachar al-Assad. Car les pays arabes sont profondément divisés sur cette question.

«Ingérence étrangère»
L’Algérie, l’Irak, le Liban, l’Egypte et la Tunisie qualifient ainsi d’«ingérence étrangère» une éventuelle intervention occidentale en Syrie. Les trois premiers se sont d’ailleurs abstenus sur le communiqué final publié à l’issue de la réunion de la Ligue arabe.

Traditionnelle alliée de Damas, l’Algérie a toujours milité en faveur d’un règlement pacifique. Le 29 août 2013, elle a ainsi exprimé «son refus de toute intervention armée dans un pays souverain en dehors des normes du droit international».

Les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe réunis au Caire le 1-9-2013. (AFP - Anadolu Agency - Muhammed Elshamy )

En Tunisie, le parti islamiste Ennahda, qui dirige le gouvernement, a dit refuser «toute intervention étrangère» et soutenir «tous les efforts d’apaisement, de renforcement de l’union syrienne et du soutien du peuple syrien dans sa quête de liberté».

Quant à l’Irak, le Liban et l’Egypte, leur opposition à des frappes occidentales peut s’expliquer par leur proximité géographique avec la Syrie. En Irak, les tensions confessionnelles entre la majorité chiite et la minorité sunnite ont été ravivées par le conflit en Syrie. Dans ce pays s’opposent un régime dominé par les alaouites, considérés comme appartenant à une branche du chiisme, et une rébellion essentiellement sunnite.
 
Dans le même temps, Bagdad, Beyrouth et Le Caire accueillent de très nombreux réfugiés syriens. Selon des chiffres communiqués le 3 septembre par le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, deux millions de Syriens, dont 52 % sont des enfants âgés de 17 ans au moins, ont fui à l’étranger. 110.000 ont été accueillis en Egypte, 168.000 en Irak et 716.000 au Liban. D’une manière générale, les voisins de la Syrie se préparent à un nouvel afflux de personnes déplacées en cas de frappe occidentale.
 
A Beyrouth, particulièrement, on redoute les répercussions d’une opération étrangère contre le régime de Bachar. L’Eglise maronite, qui représente la plus grande communauté chrétienne du Liban, s’inquiète pour sa part d’un renforcement des islamistes au sein de la rébellion syrienne.

«Délivrer le peuple frère de Syrie»
A l’inverse, les monarchies du Golfe sont vent debout contre le pouvoir de Damas. Le Conseil  de coopération du Golfe (CCG) a ainsi estimé le 7 septembre 2013 que «le génocide et les graves violations des droits de l'Homme, qu'affronte le peuple syrien requièrent une intervention immédiate de la communauté internationale». L'intervention devrait avoir comme objectif de «délivrer le peuple frère de Syrie de la tyrannie de son régime, et mettre fin à sa souffrance», a affirmé le secrétaire général du CCG, Abdellatif al-Zayani.

«Toute opposition à une action internationale ne peut être qu’un encouragement pour le régime de Damas à poursuivre ses crimes», a même expliqué le 7 septembre 2013 le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud Al-Fayçal. Officiellement, l’Arabie, avec le Qatar, livre déjà des armes à la rébellion.
 
Réfugiés syriens, fuyant la violence dans leur pays, passent au Kurdistan irakien (nord de l'Irak) le 4-9-2013. (Reuters - Haider Ala)

Le déchirement de l’opinion arabe
On est donc loin d’une position monolithe des pays arabes sur une éventuelle intervention occidentale… Dans ce contexte, ceux-ci s'attendent impuissants à une telle intervention. Laquelle ne devrait pas cependant aboutir à une chute du régime de Bachar al-Assad comme le souhaitent la plupart d'entre eux.
 
«Les pays arabes sont affaiblis, préoccupés par leurs propres affaires», estime l'analyste et universitaire émirati Abdelkhaleq Abdallah. «Ils sont indignés par l'attitude de la communauté internationale qui a trahi le peuple syrien mais aussi par le fait qu'un pays arabe soit visé par une frappe décidée unilatéralement, sans l'aval de l'ONU», ajoute-t-il.

Pour Ibrahim Sharqieh, un expert des crises internationales à Doha Brookings Center, «cette confusion reflète l'état de choc que vit encore le monde arabe depuis la guerre d'Irak», lors de l'invasion américaine en 2003. A l'instar de ses gouvernements, ce dernier vit aussi un déchirement, analyse-t-il. «Les Arabes refusent, sentimentalement, l'interventionnisme étranger dans les affaires de leurs pays, mais d'un point de vue logique, ils l'acceptent». Pour preuve, la perspective d'une opération militaire dirigée par les Etats-Unis en Syrie n'a pas suscité jusqu'à présent de grandes manifestations de protestation dans les capitales arabes comme lors de l'invasion de l'Irak.

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