Vidéo En Tunisie, une avocate arrêtée devant des caméras après avoir tenu des propos sarcastiques sur la situation du pays

Sonia Dahmani a été interpellée par des policiers cagoulés, samedi, alors qu'elle se trouvait dans les locaux de l'Ordre des avocats de Tunis.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
L'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani, à Tunis, le 10 mai 2024. (MOHAMED HAMMI / SIPA)

La scène, saisissante, a été filmée en direct. Les forces de sécurité tunisiennes ont pris d'assaut, samedi 11 mai dans la soirée, la Maison de l'avocat, à Tunis, et arrêté Sonia Dahmani, une avocate et chroniqueuse qui avait eu des propos sarcastiques sur la situation du pays lors d'une émission de télévision, mardi. Les agents, cagoulés, ont fait irruption en plein direct de la chaîne France 24, qui a mis en ligne la séquence sur les réseaux sociaux.

"Assaut de la police contre la Maison de l'avocat", "des avocats agressés et enlèvement de la collègue Sonia Dahmani [conduite] vers un lieu inconnu", a indiqué Dalila Msaddek, membre de son équipe de défense, sur Facebook. Islam Hamza, autre défenseur de l'avocate, a confirmé à l'AFP "l'arrestation de Mme Dahmani par des policiers".

France 24 contraint d'arrêter son direct

La chaîne d'information en continu France 24, dont des journalistes étaient sur place pour couvrir le mouvement de soutien à l'avocate, a vivement protesté dans un communiqué contre l'attitude des policiers encagoulés. Ces derniers ont "arraché violemment la caméra de son trépied, mettant fin à la diffusion de la scène en direct, et ont arrêté (...) le caméraman", qui a "été relâché après une dizaine de minutes". "La correspondante de France 24 va bien", a ajouté la chaîne.

L'avocate arrêtée, également chroniqueuse, était la cible de critiques depuis des propos tenus mardi à la télévision tunisienne. Elle avait lancé, de façon ironique, "De quel pays extraordinaire parle-t-on ?", en réponse à un autre chroniqueur qui venait d'affirmer que les migrants venus de plusieurs pays d'Afrique subsaharienne cherchaient à s'installer en Tunisie.

Cette déclaration a été jugée par certains utilisateurs sur les réseaux sociaux comme "dégradante" pour l'image du pays. Selon des médias tunisiens, l'avocate fait l'objet d'une enquête, notamment pour diffusion de "fausses informations dans le but de porter atteinte à la sûreté publique" et "incitation à un discours de la haine".

Deux autres chroniqueurs interpellés

Deux autres chroniqueurs ont aussi été interpellés samedi soir, rapportent les médias tunisiens. Borhen Bssais, présentateur à la télévision et à la radio, et Mourad Zeghidi, chroniqueur, font l'objet d'un mandat de dépôt de 48 heures", selon l'avocat Ghazi Mrabet. "Ils devront comparaître devant un juge d'instruction", a-t-il ajouté à l'AFP.

Selon l'avocat, Mourad Zeghidi est poursuivi "pour une publication sur les réseaux sociaux dans laquelle il soutenait un journaliste arrêté [Mohamed Boughalleb, condamné à 6 mois de prison pour diffamation d'une fonctionnaire], et des déclarations lors d'émissions télévisées depuis février". Les motivations exactes de l'arrestation de Borhen Bssais ne sont pas établies.

Selon leur entourage, les trois arrestations ont eu lieu en vertu d'un décret, promulgué en septembre 2022 par le président Kaïs Saïed, qui punit de jusqu'à cinq ans de prison la production et la diffusion de "fausses nouvelles". Le texte est critiqué par les défenseurs des droits humains, car sujet à des interprétations très larges. En un an et demi, plus de 60 personnes ont fait l'objet de poursuites en raison de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes tunisiens.

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