Cet article date de plus de trois ans.

Trois éléments pour comprendre les enjeux de la vaccination contre le Covid-19 sur le continent africain

Alors que la vaccination démarre dans la plupart des pays occidentaux, les pays africains se préparent également à protéger leur population. Mais pour eux, les défis sont autres. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une personne se fait injecter une dose d'un potentiel vaccin contre le Covid-19 dans le cadre d'un essai clinique organisé par l’université d'Oxford, à l'hôpital Baragwanath de Soweto, en Afrique du Sud, le 24 juin 2020. (SIPHIWE SIBEKO / POOL)

En Afrique, la vaccination contre le Covid-19 est attendue pour 2021. Pour l'heure, le continent se prépare. Comment financer la vaccination ? Qui recevra le vaccin en priorité ou encore les populations sont-elles prêtes à se faire vacciner pour se protéger du Sars-Cov-2 ? Dans les pays africains, ces questions ont d'autres réponses que celles apportées en Occident et dans les pays développés, les plus touchés par la pandémie et où les campagnes de vaccination commencent. Revue de détail. 

Près de 80% des Africains prêts à se faire vacciner

La peur d'être pris pour des cobayes et les fausses nouvelles qui ont circulé sur le continent et ailleurs dans le cadre d'une vaccination contre le nouveau coronavirus ont fait craindre le pire quant à l'acceptation du vaccin. Pour sonder l'état d'esprit des populations sur le continent, le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), qui dépend de l'Union africaine, est à l'initiative d'une étude inédite plutôt rassurante à ce titre. Selon l'enquête, "79% en moyenne" des personnes interrogées se feraient vacciner contre le nouveau coronavirus si le vaccin était jugé "sûr et efficace", indique le communiqué publié le 17 décembre 2020. Un quart des personnes interrogées estiment elles que le vaccin n'est pas sûr (contre une moyenne de 18% pour les vaccins en général).

L'étude menée en partenariat avec la London School of Hygiene & Tropical Medicine (LSHTM) a été réalisée entre août et décembre 2020 dans une quinzaine de pays africains (Afrique du Sud, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Ethiopie, Gabon, Kenya, Malawi, Maroc, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan,Tunisie et Ouganda) auprès de plus 15 000 personnes âgées de 18 ans et plus.

Selon l'enquête, la désinformation et la mésinformation expliquent le scepticisme de ceux qui ne souhaitent pas se faire vacciner. La sécurité du vaccin étant la principale préoccupation de ceux qui hésitent à le faire. Ce qui explique en partie la volonté exprimée par les responsables du CDC, lors de leur conférence de presse hebdomadaire consacrée à l'étude le 17 décembre, de convaincre les 20% de sceptiques. D'autant plus que ces derniers sont des prescripteurs dans leur communauté. 

Pour l'Union africaine, cette étude est cruciale pour prendre les mesures adéquates afin de sensibiliser les Africains à la vaccination contre le Covid-19. Le directeur de l'Africa CDC, le Camerounais John Nkengasong, a estimé qu'il fallait se réjouir de ce haut niveau d'acceptabilité du vaccin. Il est plus élevé que celui constaté dans d'autres régions du monde. 

D'autres populations prioritaires

Comme ailleurs, les personnes âgées, les personnels de santé, les personnes à risque souffrant de pathologies comme le diabète ou l'hypertension comptent parmi les populations prioritaires en Afrique. Mais se contenter de les vacciner ne suffirait pas à contenir l'épidémie, selon le responsable le Dr John Nkengasong. Au nombre de ses arguments, le fait que le continent compte environ "3% de personnes âgées de plus de 65 ans", contrairement aux pays européens ou aux Etats-Unis. Quant aux personnels de santé, ils seraient autour de 2,7 millions, soit une infime partie des 1,2 millard d'Africains.

L'Africa CDC réfléchit donc à définir d'autres populations prioritaires en se basant, entre autres, sur le leitmotiv : "sauver des vies, sauver l'économie". L'idée est de toucher notamment des "réservoirs" de transmission, comme par exemple ces jeunes qui ont entre 15-19 ans et dont les infections portent aujourd'hui la deuxième vague de l'épidémie en Afrique du Sud. Ils sont asymptomatiques et circulent dans les villes à la recherche de moyens de subsistance.Tout comme, les conducteurs de taxis-motos qui peuvent transporter jusqu'à trois personnes sur leur engin dans de nombreuses capitales africaines.

Les travailleurs immigrés et les personnes vivant en zone de conflit sont également à considérer comme prioritaires, estime-t-on à l'Africa CDC. 

Quels moyens financiers ?

L'objectif est de vacciner à terme 60% de la population africaine afin de stopper la transmission communautaire. Mais cette ambition nécessite des ressources financières dont le continent ne dispose pas de facto. En novembre 2020, rapporte Reuters, le président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui assure la présidence en exercice de l'Union africaine, les estimait à 12 milliards de dollars. Le directeur de l'Africa CDC a ainsi donné le 17 décembre les grandes lignes de la stratégie continentale en matière de vaccination contre le Covid en expliquant que l'organisation panafricaine travaillait de manière "agressive" pour réunir les fonds nécessaires à l'acquisition et à la distribution. Pour financer cette vaste campagne, cinq milliards de dollars devraient être mis à disposition par l'African Export-Import Bank (Afreximbank). Une somme conditionnée à une garantie de deux milliards qui serait fournie par les Etats. La Banque mondiale devrait également fournir 5 milliards de dollars pour l'achat et la distribution des vaccins.

Compte tenu de leurs objectifs, les pays africains ont besoin de trouver des ressources additionnelles en dépit de l'aide dont ils disposeront dans le cadre de l'initiative Covax. Laquelle devrait leur permettre de réunir des doses de vaccin nécessaires à au moins 20% de la population. Le Covax est "une initiative mondiale novatrice qui associera les pays africains et veillera à ce qu'ils ne soient pas laissés pour compte dans l'accès aux vaccins du Covid-19", expliquait en septembre dernier le Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale de l'OMS pour l'Afrique. Le Covax est codirigé par l'Alliance Gavi, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) et l'OMS. Son objectif : "Accélérer la mise au point et la fabrication de vaccins contre le Covid-19 et en assurer un accès juste et équitable, à l’échelle mondiale."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.