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Côte d'Ivoire: l'autisme, à la fois un «handicap» et une «condamnation sociale»

Les enfants autistes en Afrique n'ont pas toujours l'opportunité d'être diagnostiqués dès leur plus jeune âge. En Côte d'Ivoire, le manque d'infrastructures adéquates ne facilite ni le diagnostic, ni la prise en charge de ces enfants dont les troubles du comportement sont souvent mal compris par les familles, surtout en milieu rural.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un enfant autiste dans une salle de classe au Centre d'Action Psycho-Sociale d'Enfants (CAMPSE) à Abidjan, le 13 avril 2018. (Sia KAMBOU / AFP )

«Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu'il est stupide.» Cette citation du physicien Albert Einstein (1879-1955) est inscrite à l'entrée du Centre d'action médico-psycho-social de l'enfant (CAMPSE), un établissement privé du quartier huppé de la Riviera à Abidjan. C'est là que sont pris en charge une cinquantaine d'enfants atteints de troubles de l'autisme, âgés de 3 à 18 ans. Mais hors de ces murs, le précepte d'Einstein a du mal être pris en compte.

Ces enfants autistes sont généralement suivis par un pédopsychiatre, un éducateur spécialisé et un neurologue. Ils n'ont en revanche pas la chance d'être accompagnés d'un psychomotricien, d'un orthophoniste et d'un ergothérapeute. Puisque le pays «n'en dispose pas», déplore la responsable du centre, Miyala Touré Kieffoloh, elle-même sage-femme de formation et psychiatre.

«Des réincarnations du diable»
Outre des défaillances en structures et personnels soignants spécialisés, ces enfants sont confrontés à des «préjugés socio-traditionnels» et sont ostracisés, note Mme Kieffoloh. Ils sont assimilés, selon elle, à des «esprits maléfiques, enfants sorciers, possédés ou réincarnations du diable». Le plus souvent dans des zones semi-urbaines et rurales où l’autisme, méconnu par la population, est assimilé à de la sorcellerie. Le phénomène est également répandu en République démocratique du Congo et au Cameroun.

«C'est un problème d'ignorance, c'est ancré (dans les croyances) et il est difficile d'aller convaincre quelqu'un au village que l'enfant autiste n'est pas un possédé», confirme le Dr Aboudramane Coulibaly, directeur exécutif de l'ONG Vivre-debout, qui s'occupe de personnes handicapées en Côte d'Ivoire. Ce pays compte officiellement 440.000 personnes handicapées, soit 2% de la population, un chiffre sous-estimé, selon le Dr Coulibaly.

Pas de Journée mondiale de l'autisme
Mais une bonne prise en charge de l'autisme ne peut pas se faire sans la participation des pouvoirs publics ivoiriens. Ce qui est loin d'être le cas, comme l'explique le Dr Coulibaly. «Le 2 avril, la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme passe inaperçue en Côte d'Ivoire, où elle n'est jamais célébrée», dit-il, dans ce pays où «les préjugés ont la peau dure».

L’autisme se caractérise par des difficultés d’apprentissage du langage, ainsi que par une absence d’interaction sociale, selon l’OMS. Dans le contexte africain, la population est très attachée à la communication et l’oralité constitue l’un des moyens d’intégration les plus sûrs. L'OMS alerte sur le fait que trop d'enfants autistes en Afrique sont gardés au domicile sans soin.

La Côte d'Ivoire ne compte que quelques structures privées plus ou moins développées et coûteuses. Au CAMPSE, la prise en charge coûte 800.000 francs CFA par mois (1.200 euros), alors que le salaire moyen ne dépasse pas 180.000 FCFA (274 euros).

David Kablan, un haut cadre de l'administration ivoirienne, père d'un enfant autiste, exhorte les autorités à débloquer des crédits. Il cite en exemple le plan autisme d'Emmanuel Macron qui prévoit de consacrer au moins 340 millions d'euros sur cinq ans afin d'améliorer la recherche, le dépistage et la prise en charge de cette maladie. Avec l'espoir, dit-il, d'obtenir l'expertise et l'aide financière de la France pour créer en Côte d'Ivoire une école publique dédiée aux enfants autistes, qui pourrait accueillir de jeunes patients de tout l'ouest de l'Afrique.

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