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Centrafrique: la double peine des femmes violées

Dans un rapport publié le 5 octobre 2017, l’organisation Human Rights Watch dénonce le recours aux viols et aux esclaves sexuels durant le conflit en Centrafrique entre 2013 et mi-2017. L’ONG a recueilli les témoignages de près de 297 filles et femmes. Presque toutes racontent comment elles sont aujourd’hui rejetées par leurs proches et par leur communauté.
Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Angèle, 27 ans, serre son enfant dans ses bras à Bangui, en République centrafricaine. Elle a été détenue en 2014 comme esclave sexuelle pendant neuf mois avec cinq autres femmes et jeunes filles. (Smita Sharma pour Human RIghts Watch)

 
«Dans les rues, les gens disaient: "La voilà, la femme qui a été violée…" A la maison, mon mari a dit: "Tu as accepté qu’ils  te violent. Pourquoi n’as-tu pas crié? Prends tes affaires et pars"», témoigne Yvette*, 27 ans, dans le rapport de Human Rights Watch. L’organisation a mené des recherches en Centrafrique pendant plus de deux ans en interrogeant notamment des victimes de violences sexuelles. Seules 297 ont osé parler. Beaucoup d’autres gardent le silence pour éviter la honte.
 
Stigmatisées et rejetées
Comme Yvette, de nombreuses femmes et filles ayant subi des violences sexuelles sont considérées comme des parias. En plus de leurs souffrances et de leur traumatisme, elles sont humiliées et rejetées par leurs proches. «Mon mari m’a dit: "Ce n’est pas la peine que nous restions ensemble. Si on viole la femme d’un homme, il ne doit pas rester avec elle"», témoigne  Rebecca*, 36 ans, qui a été abandonnée par son mari. Des abandons souvent liés à la peur des infections sexuellement transmissibles, comme l’explique Human Rights Watch.
 
La peur du sida
Les victimes des viols et leurs proches craignent le sida. Pourtant, à peine une femme sur trois a passé le test de dépistage. Dans tous les cas de figures, les femmes violées sont montrées du doigt. «Certaines personnes me traitent souvent comme si j’étais très malade, donc je suis stigmatisée au camp de déplacés aussi. J’ai même été agressée. Certaines personnes ne me laissent pas sécher mes vêtements sur le fil à linge», explique Danielle*, 40 ans.


«Les gens vont parler partout»
Toutes ces humiliations publiques subies après le viol viennent, entre autres, du manque de confidentialité. «Vous savez, dans les familles centrafricaines, il n’y a pas de secrets… Les gens vont parler, parler partout», raconte Constance*, 22 ans.

De nombreuses femmes violées n’osent pas sortir de chez elles parce qu’elles sont insultées par leur familles et leur entourage qui leur reprochent d’avoir été violées, et les traitent de tous les noms.

«Ils ont détruit ma vie»
Mais le plus dur pour ces femmes victimes de violences sexuelles, c’est de savoir que leurs bourreaux circulent librement en Centrafrique. A ce jour, aucun membre d’un groupe armé n’a été arrêté ou jugé pour violences sexuelles.

«Ils ont tué mon mari, ils m'ont violée, je n'ai plus de maison, je suis infectée (avec le VIH), voilà ce qu'ils m'ont fait. Je veux les traîner devant la justice parce qu'ils ont détruit ma vie», affirme Mélanie*, 31 ans, qui espère en finir avec l’impunité.
 
Les deux principales parties dans le conflit, la Séléka essentiellement musulmane et la milice anti-balaka majoritairement chrétienne, ont toutes deux pratiqué l’esclavage sexuel et commis des viols en Centrafrique pendant le conflit, selon Human Rights Watch.
 
*Le prénom a été modifié pour respecter l'anonymat des victimes

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