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Zimbabwe: une réforme agraire qui n’a pas tenu ses promesses

Le Zimbabwe a enregistré une bonne récolte de maïs, après plusieurs années catastrophiques. La réforme agraire a profité aux anciens combattants de l’indépendance, qui n’avaient, pour la plupart d’entre eux, aucune compétence agricole. Il fallait corriger les inégalités héritées du passé où les fermiers blancs s’étaient accaparés les meilleurs terres. Bilan d'une réforme agraire controversée.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
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Occupation de fermes au Zimbabwe, dans le cadre de la réforme agraire. (CRÉDITALEXANDER JOE / AFP POOL / AFP)

«Le Zimbabwe a produit suffisamment de nourriture pour nourrir sa population», a proclamé mardi 12 septembre 2017 son président Robert Mugabe. Un aveu d’échec: le pays a vu sa production agricole chuter drastiquement après le lancement de la réforme agraire en 2000. Cette redistribution des terres a plongé le pays dans une profonde crise économique et monétaire, aggravée en 2016 par la sécheresse.
  
Entre 1990 et 2003, le taux de pauvreté est passé de 25 à 60%. L'espérance de vie à la naissance a chuté de 12 ans entre 1980 et 2000, et le Produit national brut du pays a baissé de 34%. Nombre de Zimbabwéens ont alors pris le chemin de l'émigration en direction de l'Afrique du Sud et du Botswana en quête d'un meilleur environnement économique.

L’ancien grenier à blé de l'Afrique australe a connu plusieurs années de crise alimentaire. Avant la réforme agraire (dans les années 1990), 550.000 têtes de bétail étaient abattues chaque année. Le chiffre plafonne aujourd’hui à 250.000.

Au départ, il y a pourtant ce constat: la loi sur le foncier de 1969 (dans l’ancienne Rhodésie) avait octroyé 15 millions d’hectares de terres agricoles à 6000 fermiers blancs. Alors que 700.000 familles noires (soit plus de 4 millions de personnes) se partageaient 16 millions d’hectares. A l’indépendance, en 1980, 42% des terres étaient toujours détenues par les 6000 fermiers blancs.

En 2000, sous la pression des anciens combattants et des syndicats, le parti au pouvoir lance la réforme agraire. Dans les trois années qui suivent, 90% des fermes sont saisies. Les bénéficiaires sont des membres de la Nomenklatura du régime, aux compétences agricoles incertaines et ne payant à l’Etat que des loyers symboliques.
 
La terre fait vire plus de familles
Le gouvernement a divisé 6000 grandes propriétés en fermes plus petites. «Pour celles dont la taille finale était comprise entre 5 et 20 hectares, l’opération a plutôt été un succès. Là où cela a été plus compliqué, c’est pour les exploitations qui ont fini par totaliser une centaine d’hectares: leurs repreneurs n’avaient ni les compétences ni les moyens suffisants pour les faire fructifier», résume Ian Scoones, de l’Institut britannique d’études du développement. «Ils n’avaient même pas de quoi acheter les engrais dont ils avaient besoin.»
 
En divisant les exploitations, la réforme agraire a toutefois multiplié les emplois dans les campagnes. Avant la réforme, près de 3000 fermiers blancs exportaient la quasi-totalité du tabac zimbabwéen. Aujourd’hui, le pays compte 90.000 producteurs noirs, pour un revenu global estimé à 650 millions de dollars par an. 

Tout n’est pas rose pour autant dans le secteur. Lors de la dernière campagne, qui a commencé en avril, les planteurs n’ont pas pu être payés en cash en raison d’une pénurie de dollars.

Faire revenir les fermiers blancs?
Le ministre des Finances, Patrick Chinamasa, entend aujourd’hui «clore la question agraire pour soutenir la production agricole». L’idée est d’octroyer des baux de 99 ans aux nouveaux propriétaires terriens et de dédommager tous ceux dont les fermes ont été saisies. L’une des conditions posées par les prêteurs internationaux (FMI, Banque mondiale ou Banque africaine de développement) à leur retour dans le pays, dont ils s’étaient détournés après que Harare a fait défaut sur sa dette en 1999.

Dans ce contexte, on assiste à un revirement: les fermiers blancs qui ont quitté le pays pour le Mozambique ou le Nigeria sont aujourd'hui incités à revenir au Zimbabwe pour y investir et faire remonter la production.

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