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Tunisie : pas de référence à l'islam dans le projet de Constitution

La suppression de toute référence à l'islam est destinée à combattre les partis d'inspiration islamiste, surtout Ennahdha. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 3 min
Pancarte brandie lors d'une manifestation contre le référendum pour la nouvelle Constitution devant le bâtiment de la Haute autorité indépendante tunisienne pour les élections, le 4 juin 2022 à Tunis. (YASSINE MAHJOUB / NURPHOTO)

Le juriste Sadok Belaïd, chargé de la rédaction d'une nouvelle Constitution en Tunisie, a affirmé lundi 6 juin qu'il présenterait au chef de l'Etat un projet de charte expurgée de toute référence à l'islam pour combattre les partis d'inspiration islamiste comme Ennahdha. Le premier article de la Constitution actuelle adoptée en grande pompe en 2014, trois ans après la chute de la dictature de Zine El Abidine ben Ali, stipule, tout comme la Charte de 1959, que la Tunisie "est un Etat libre, indépendant et souverain, l'islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime".

Article 1

Les propos de Sadok Belaïd sont susceptibles de provoquer un vif débat dans un pays de forte tradition séculière mais où plusieurs partis d'inspiration islamiste ont joué un rôle de premier plan depuis la révolte de 2011 qui fit tomber le régime ben Ali. Nommé le 20 mai à la tête de la "Commission nationale consultative pour une nouvelle République", chargée de rédiger un nouveau projet de Constitution, Sadok Belaïd a indiqué qu'il soumettrait le projet pour validation au président Kaïs Saïed au plus tard le 15 juin avant qu'il ne soit soumis à référendum, une consultation annoncée pour le 25 juillet.

"80% des Tunisiens sont contre l'extrémisme et contre l'utilisation de la religion à des fins politiques. C'est précisément ce que nous allons faire tout simplement en gommant l'article 1 dans sa formule actuelle."

Sadok Belaïd, juriste

à l'AFP

Interrogé par l'AFP pour savoir si cela signifiait que la nouvelle Constitution ne contiendrait pas de référence à l'islam, il a répondu : "Il n'y (en) aura pas." Et d'ajouter : "Il y a possibilité que l'on efface l'article 1er dans sa version actuelle. Nous pouvons nous passer de mentionner une quelconque religion."

Combattre les islamistes

Selon Sadok Belaïd, la suppression de toute référence à l'islam est destinée à combattre les partis d'inspiration islamiste, surtout Ennahdha, principale force dans le Parlement dissous par le président tunisien. "Si vous utilisez la religion pour faire de l'extrémisme politique, eh bien nous l'interdirons", a poursuivi cet universitaire de 83 ans qui affirme avoir "une très grande et une très profonde amitié et proximité" avec Kaïs Saïed qu'il avait eu comme étudiant. 

"Ennahdha et d'autres partis sont les suppôts de plusieurs forces ou puissances ou Etats ou mini-Etats étrangers qui ont beaucoup d'argent qu'ils veulent dépenser comme ils veulent et qu'ils utilisent pour intervenir dans les affaires du pays. Ca c'est de la trahison."

Sadok Belaïd, juriste

à l'AFP

Après des mois de blocage politique, Kaïs Saïed, élu démocratiquement fin 2019, s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement dominé par Ennahdha, sa bête noire, avant de le dissoudre en mars.

"Tentations de dictature"

Dans une feuille de route censée mettre fin à la crise, le président tunisien a annoncé un référendum sur une nouvelle Constitution le 25 juillet 2022, avant des législatives le 17 décembre. La commission dirigée par Sadok Belaïd s'attelle à élaborer la nouvelle Constitution à travers un "dialogue national" lancé samedi 4 juin, mais dont les principaux partis ont été exclus. Conviée à ce dialogue, la puissante centrale syndicale tunisienne UGTT, acteur incontournable de la scène politique, a refusé d'y participer. Kaïs Saïed appelle de ses vœux à un régime "plus présidentiel" à la place du système hybride mis en place en 2014 et source de conflits récurrents entre les branches exécutive et législative.

"Le président peut avoir des pouvoirs plus importants, ou peut-être plus utiles. Il n'avait qu'un pouvoir de blocage et c'est très mauvais. Le président, c'est le commandant de bord. C'est l'amiral. Donc, il ne doit pas avoir seulement le pouvoir de freiner mais le pouvoir d'entraîner... avec mesure."

Sadok Belaïd, juriste

à l'AFP

Néanmoins, le nouveau régime doit être conçu de façon à ce que le président ne soit pas "entraîné ou attiré par les tentations de dictature, de tyrannie ou d'abus de pouvoir", estime le juriste. Dans un communiqué, le parti Ennahdha s'en prend à nouveau à Kaïs Saïed : "Le président de la République est devenu un danger pour l’unité nationale et la paix civile et ce, en raison de ses discours qui ont pour objectif de diviser le peuple."

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