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Soudan du Sud: «Les champs ne sont plus cultivés, l'avenir du pays est sombre»

La violence a embrasé le sud du pays, jusqu’ici épargné par le conflit. La région d’Equatoria, très fertile et considérée comme le grenier du Soudan du Sud, est à son tour touchée. Les paysans ont dû quitter leurs champs, les civils font face aux pénuries alimentaires et aux exactions des différents groupes armés, affirme Donatela Rovera, responsable Crises et conflits chez Amnesty International.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des femmes font la queue pour recevoir de la nourriture dans un camp protégé par les Casques bleus à Juba, capitale du Soudan du Sud, le 25 juillet 2016. (Photo Reuters/Adriane Ohanesian)

Vous étiez il y a encore quelques semaines au Soudan du Sud. Quelle situation y avez-vous trouvé?
Le conflit se poursuit et s’est étendu au sud du pays. La région de l’Equatoria est à son tour touchée par les violences. Cette province, grenier à blé du pays, se vide de sa population. Ce qui veut dire qu’il n’y aura pas de semis, ni de récoltes. Cette région semblait à l’abri du conflit, mais les populations Nuers fuyant les violences s’y sont réfugiées, poursuivies par les troupes gouvernementales.

Les deux camps ciblent délibérément les civils?
Les forces du gouvernement comme de l’opposition se livrent au vol systématique des denrées alimentaires sur les marchés et dans les maisons. Les civils qui transportent des quantités mêmes infimes de nourriture de l’autre côté du front sont accusés de nourrir «l’ennemi». De telles accusations sont souvent accompagnées de violences sexuelles, d’homicides délibérés et de destruction de biens. Depuis le début du conflit, des milliers de Sud-Soudanais ont été victimes de viols, d’humiliations et de mutilations sexuelles.

Nous avons recueillis de nombreux témoignages. Le 16 mai 2017, dans la soirée, des soldats gouvernementaux ont arrêté onze hommes dans le village de Kudupi, dans le comté de Kajo Keji. Ils ont contraint huit d’entre eux à entrer dans une hutte et ont fermé la porte. Ils y ont ensuite mis le feu et ont tiré plusieurs coups de feu dans la hutte en flammes.

L’aide alimentaire arrive-t-elle sur le terrain?
L’aide alimentaire arrive au compte-gouttes. La multiplication des groupes armés et des milices rend difficile le travail des organisations humanitaires. Dans les camps de déplacés surpeuplés, il y a des problèmes d’eau potable, d’hygiène. Les réfugiés ont perdu leurs maisons, leurs champs, les enfants ne sont pas scolarisés. Deux millions de personnes ont trouvé refuge dans les pays voisins, ce qui pèse sur l’économie de ces pays. Un million de Sud-Soudanais sont actuellement en Ouganda, qui jusqu'à présent offre un accueil aux réfugiés mais jusqu'à quand.

Réfugiés du Soudan du Sud dans un camp de réfugiés au Soudan, au sud de Karthoum. Plus de 95.000 Soudanais du Sud sont entrés au Soudan, a déclaré l'ONU, alors que des milliers de personnes continuent à fuir la guerre et la famine dans la plus jeune nation du monde. (ASHRAF SHAZLY / AFP)

Comment expliquez-vous que ce jeune pays se soit si vite effondré?
On a voulu croire que le Soudan du Sud chrétien, en se séparant du Nord musulman, allait régler tous ses problèmes. C’était faire abstraction du fait qu’il y a toujours eu des conflits brutaux entre groupes ethniques. L'hostilité entre Dinkas et Nuers a existé tout au long de la guerre d’indépendance, et l’inimitié entre les deux dirigeants Salva Kiir et Riek Machar ne date pas d’hier. La communauté internationale a laissé faire ces enfants gâtés qui ont mené leurs pays au chaos. La population civile paye aujourd'hui un lourd tribut. La détérioration de la situation nous inquiète très fortement pour l’avenir du pays.

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