Coup d'État au Niger : des voix s'élèvent à l'international contre l'intervention militaire envisagée

La junte avait jusqu'à lundi, 7 août, minuit, pour rétablir dans ses fonctions le président Mohamed Bazoum, sous peine d'une possible intervention armée de la Cédéao. Mais les enjeux politiques dans la région pourraient bien freiner cette décision.
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Le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'ambassadeur Abdel-Fatau Musah (à gauche) et le chef d'état-major de la défense du Nigeria, le général Christopher Musa (à droite) lors d'une réunion extraordinaire à Abuja, au Nigeria, le 2 août 2023. (KOLA SULAIMON / AFP)

L'ultimatum lancé par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest est désormais arrivé à expiration, laissant planer la menace d'une offensive militaire sur le pays. Lundi 7 août, les putschistes ont d'ailleurs fermé l'espace aérien du Niger. Pour autant, une intervention contre les putschistes n'est pas sans risques pour les pays d'Afrique de l'Ouest.

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D'abord, parce que la question divise. Elle suscite des inquiétudes et de nombreuses critiques, même au sein de la Cédéao. Au Nigéria, par exemple, poids lourd de l'organisation avec ses 215 millions d'habitants, et qui préside l'organisation cette année, les Sénateurs ont appelé ce week-end leur président à renforcer "l'option politique et diplomatique".

De leur côté, le Mali et le Burkina Faso, exclus de la Cédéao après des coups d'État, estiment que toute intervention serait une déclaration de guerre. Ce pourrait être "une catastrophe" a même dit lundi 7 août le chef de la diplomatie malienne. Une analyse partagée par la Guinée (également suspendue de la Cédéao depuis le coup d'Etat de 2021) et par le Tchad qui ne fait pas partie de la Cédéao et qui a tenté d'ailleurs une médiation aussitôt après le putsch.

Et au-delà des pays d'Afrique de l'Ouest, l'Algérie, par exemple, autre voisin du Niger, émet de très fortes réserves, estimant qu'une intervention serait une menace directe pour le pays, et craignant que tout le Sahel s'embrase.

L'Allemagne et l'Italie misent sur la diplomatie

En Europe, après l'expiration de cet ultimatum, l'Allemagne et l'Italie ont dit lundi 7 août être favorables à une solution diplomatique alors que la France appuie politiquement le projet d'intervention armée. "La Cédéao a toujours souligné qu'elle épuiserait d'abord ses efforts de médiation. Nous pensons que les efforts de médiation n'en sont qu'à leur début parce que les sanctions commencent seulement à produire leurs effets", a indiqué un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères. Le ministre italien des Affaires étrangères "espère que l'ultimatum des Etats de la Cédéao sera prolongé". "Nous devons reporter l'option de la guerre le plus possible", a-t-il ajouté. 

De son côté, Washington assure qu'il "est encore possible" de trouver "une solution diplomatique". L'utilisation de la force est une solution "de derniers recours" pour la Cédéao, a déclaré lundi 7 août un porte-parole de la diplomatie américaine. 

La Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest se trouve donc face à un dilemme de taille. Une réponse trop musclée face aux putschistes au Niger pourrait menacer la paix dans toute la région, mais ne pas intervenir reviendrait à laisser la porte ouverte aux coups d'État qui se multiplient.

Un bilan mitigé 

Pourtant, la Cédéao est déjà intervenue lors de précédents coups d'État, mais pas forcément de manière légale. Dans les années 90, par exemple, au Libéria, l'intervention est jugée illégale, puisque sans mandat de l'ONU. Elle n'avait d'ailleurs pas empêché la guerre civile et ses 150 000 morts.

La Cédéao est également intervenue en 1998, en Guinée Bissau, là aussi dans un cadre contestable. Et en 2016, avec mandat de l'ONU cette fois, l'organisation avait mis en déroute un coup d'État militaire en Gambie.

Pour ce coup d'État au Niger, un mandat de l'ONU paraît quasiment impossible à obtenir, car un véto de la Russie est pratiquement garanti. Une intervention hors-cadre passerait immédiatement pour de l'ingérence, illégale au regard du droit international. 

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