Sahara Occidental : le torchon brûle entre le Maroc et les Nations Unies
C’est la visite du secrétaire Général de l’ONU début Mars 2016 dans un camp de réfugiés sahraouis près de Tindouf en Algérie qui a mis le feu aux poudres. Ban Ki-Moon avait utilisé le terme «occupation» pour qualifier la présence marocaine au Sahara occidental, territoire sous le contrôle du royaume chérifien depuis 1975.
L’escalade entre Rabat et l’ONU
Des milliers de marocains se sont aussitôt rassemblés à Rabat pour dénoncer «le manque de neutralité» de Ban Ki-Moon, pris pour cible personnellement.
Le secrétaire général de l’ONU s’est plaint du «manque de respect» du Maroc envers sa personne et les Nations Unies. Il a décidé d’annuler la visite qu’il devait effectuer cette année au Maroc.
«Qu’il l’ait fait exprès ou pas, il a provoqué la colère d’un peuple entier. La moindre des choses est qu’il reconnaisse aux peuples le droit de donner leurs avis», a réagi le Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane.
Jamais la question du Sahara Occidental n’avait suscité autant de remous entre le Maroc et l’ONU. En guise de protestation, Rabat a commencé à réduire ses effectifs de la mission de l’ONU au Sahara Occidental (Minurso). Il ne lui versera plus sa contribution financière de trois millions de dollars.
Et ce n’est pas tout. Le Maroc a d’ores et déjà déclaré persona non grata, l’essentiel du personnel civil international de la mission onusienne au Sahara Occidental, au risque de la paralyser. 84 membres civils, parmi lesquels le personnel politique mais aussi des chauffeurs et des techniciens indispensables, sont concernés par cette décision. Une mesure de rétorsion sans précédent.
«Le Maroc a pris des décisions, elles sont irrévocables…D’autres décisions sont à l’étude», a martelé le ministre marocain des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar devant la presse à New York.
Les collaborateurs du Secrétaire général de l’ONU mettent en garde : «Si la mission onusienne est empêchée de fonctionner, cela pourrait menacer la paix et la sécurité régionale», a déclaré le Secrétaire général-adjoint aux affaires politiques Jeffrey Feltam.
Le Front Polisario menace de reprendre les hostilités
Selon des diplomates qui ont suivi le débat engagé au Conseil de sécurité, la France, l’Espagne, l’Egypte, le Japon ou le Sénégal, ont pris ouvertement le parti de Rabat.
En revanche, aucun soutien public n’a été apporté au Secrétaire général de l’ONU dans la querelle qui l’oppose à Rabat. Le Conseil n’a même pas enjoint le Maroc de revenir sur ses mesures de rétorsion.
D’où la colère du représentant à l’ONU du Front Polisario. Ahmed Boukhari a brandi la menace d’une reprise des hostilités. «Le Maroc s’efforce de mettre fin à la Minurso, ce qui serait le plus court chemin vers une reprise de la guerre», a-t-il déclaré à la presse.
Pour le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, il n’y aura ni paix, ni stabilité dans la région, tant que le peuple sahraoui restera privé de son droit à l’autodétermination. «Le Maroc sait pertinemment qu’en cas de référendum, le peuple sahraoui choisira l’indépendance. Nous ne sommes pas Marocains et refusons de devenir Marocains», a martelé Mohamed Saleh, dirigeant du Front Polisario, lors d’une conférence de presse à Alger.
Un référendum d’autodétermination prévu en 1992 sur l’ancienne colonie espagnole, sous la supervision de l’ONU, est sans cesse reporté. Rabat propose une large autonomie sous sa souveraineté pour ce vaste territoire riche en phosphates et revendiqué par des indépendantistes sahraouis.
Ban Ki Moon voulait relancer le processus avant de quitter son poste à la fin de l’année. Son initiative aura eu le mérite de montrer que l’impasse reste totale dans ce conflit vieux de quarante ans.
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