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Otages au Mali, où en est-on ?

Des mois, voire des années après leur enlèvement, les otages français au Sahel sont de nouveau menacés de mort. FTVi fait le point sur leur situation.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Capture d'écran d'une vidéo montrant des otages, dont cinq Français, et leurs ravisseurs, dont Aboud Zeid (assis à gauche), le 30 septembre 2010. (AL-ANDALUS / AFP)

MALI - "Les portes de l'enfer" sont prêtes à engloutir les otages français au Sahel. Alors que François Hollande était en visite en Afrique, la menace est venue d'un haut responsable jihadiste malien, samedi 13 octobre. Oumar Ould Hamaha a été clair : si le président "continue de jeter de l'huile sur le feu, nous lui enverrons dans les jours à venir les photos des otages français, morts". FTVi fait le point sur la situation des otages.

1 Pourquoi reparle-t-on des otages ?

Les menaces de ce responsable du Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest) font suite à la visite du président Hollande au Sénégal et en République démocratique du Congo. Il y a plaidé pour une intervention militaire africaine au Nord-Mali, sanctuaire de plusieurs groupes islamistes.

Il y a un mois, déjà, Aqmi prenait l'initiative, par l'intermédiaire d'une vidéo montrant quatre des six otages, bien vivants. Quelques jours plus tard, dans un second message, Aqmi enfonçait le clou, reprochant à la France d'avoir "l'outrecuidance d'appeler à envahir le pays des musulmans maliens".

Du coup, pour la seconde fois en à peine plus d'un mois, François Hollande a reçu officiellement lundi 15 octobre les familles de deux otages. Il doit rencontrer mardi les familles d'autres otages enlevés au Niger puis tués en janvier 2011.

2 Qui détient les otages ?

En tout, six otages français sont retenus au Sahel. Sept collaborateurs d'Areva et de son sous-traitant Satom, dont cinq Français, ont été capturés le 16 septembre 2010, à Arlit, dans le nord du Niger, par Aqmi. Un Malgache, un Togolais et une Française (malade) ont depuis été libérés. Mais, dans la nuit du 23 au 24 novembre 2011, deux autres Français, Serge Lazarevic et Philippe Verdon ont été enlevés à Hombori, entre Mopti et Gao, au Mali. Le profil de ces hommes, présentés comme des géologues, a suscité des interrogations, a relevé Le Figaro.

Tous sont entre les griffes d'Aqmi. Les quatre premiers ont été capturés par une katiba (une phalange) d'Aqmi dirigée par l'émir Abdelhamid Abou Zeid, un Algérien d'une cinquantaine d'années, selon Jeune AfriquePierre Camatte, otage pendant 89 jours, Michel Germaneau, exécuté, ou encore la Britannique Edwin Dyer, égorgée, sont passés entre les mains de cet ancien du GSPC algérien (Groupe salafiste pour la prédication et le combat).

D'après Libération, Serge Lazarevic et Philippe Verdon ont été enlevés par "un autre groupe lié à Aqmi". Le Mali a annoncé plusieurs arrestations de personnes soupçonnées d'avoir participé à cet enlèvement. Parmi elles, figuraient un jeune Touareg, le responsable d'un hôtel ou encore un membre de la Garde nationale, relatait Jeune Afrique. Mais ils ne seraient que des intermédiaires.

3 Quelles sont les exigences des ravisseurs ?

Pour la libération des quatre otages enlevés à Arlit, Aqmi réclamerait 90 millions d'euros, selon Europe 1, le 13 septembre. "Une somme astronomique qui bloque leur libération", d'après la radio. Dans la vidéo diffusée en septembre, les quatre otages s'adressaient directement à leurs employeurs pour leur demander de payer la facture.

"Toute revendication politique ou idéologique a disparu, a relevé Mathieu Guidère, spécialiste des mouvements islamistes radicaux. L'organisation s'adresse aux employeurs pour les inciter à payer une rançon. Aujourd'hui, on peut dire que  c'est devenu un enlèvement crapuleux, dont l'objectif unique est de récupérer de l'argent."

Le journaliste malien Serge Daniel, auteur d'Aqmi, l'industrie de l'enlèvement, interrogé par Slate Afrique, note qu'"on a commencé avec 5 millions d'euros en 2003. On finit avec 100 millions d'euros. S'ils obtiennent effectivement 100 millions d'euros, ils vont sortir un plan B. C'est énorme 100 millions d'euros. L'intervention française en Libye a coûté 300 millions d'euros. Avec ces 100 millions, ils vont acheter des bombes qui vont faire mal et passer à une autre phase, l'implantation du jihad dans le Sahel."

4 Pourquoi leur libération tarde tant ?

Pour libérer les quatre premiers otages, deux équipes avaient entamé des tractations, selon une enquête de Libération. La première, composée de proches d'Areva, n'est pas parvenue à ses fins. La seconde, menée par un ancien de la DGSE, Jean-Marc Gadoullet, s'est achevée dans des circonstances troubles. Il a été blessé par balle le 23 novembre 2011 à Gao (Mali), a rapporté Le Figaro. Le soir même, Lazarevic et Verdon étaient enlevés à Hombori. Le lendemain, trois autres Européens connaissaient le même sort à Tombouctou (Mali).

Le changement à la tête de l'exécutif français aurait également modifié les termes de la négociation. "C'est le gouvernement français qui a fermé la porte aux négociations et continue de mettre en danger la vie de vos fils, s'est plaint Aqmi en septembre. Lundi 15 octobre, le porte-parole d'Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) pour le Grand Sahara, répondant aux questions de France 2, a répété que les négociations avaient été interrompues par l'Etat français, et affirmé que les otages étaient "en bonne situation".

DLTFTV_MAM_2709465 ( Dominique Derda et Nicolas Auer - France 2)

Selon Libération, "il semble que la donne ait changé à Paris à l'issue de la présidentielle". Le journal cite une "source proche du dossier" qui affirme que "la nouvelle équipe trouve aberrant de devoir céder aux exigences financières des ravisseurs (…). Cela reviendrait à donner plus d'argent à des terroristes que ce qui est octroyé chaque année au gouvernement de Bamako au titre de la coopération."

L'ex-otage Hervé Ghesquière a aussi estimé que les familles n'avaient pas assez médiatisé le sort de leurs proches.

"Au début, ce qui nous était conseillé par le Quai d'Orsay, c'était de ne pas communiquer, d'être discrets", a expliqué le père de l'un des otages lors d'une récente manifestation. "Mais au bout de deux ans, on se rend compte que c'est trop long. Cela n'a pas porté ses fruits." Une pétition en ligne a été lancée "pour une annonce quotidienne de la situation des otages français dans les journaux télévisés".

5 Leurs vies sont-elles immédiatement menacées ?

Après les menaces d'Oumar Ould Hamaha, François Hollande n'a pas désarmé. "Nous avons toujours dit que nous ferions toujours tout pour permettre la libération de nos otages", a-t-il rétorqué lors d'une conférence de presse à la résidence de France de Kinshasa (République démocratique du Congo). "Est-ce que ce que nous disons pour l'intégrité du Mali, pour la lutte contre le terrorisme devrait être tu parce qu'il y a ces menaces ? Je pense que c'est le contraire."

L'inflexibilité du président menace-t-elle les otages ? "Ma famille et moi sommes très inquiets", a réagi Diane Lazarevic, la fille de Serge Lazarevic, sur Europe 1"Il y a tellement d'éventualités qu'ils exécutent un otage pour montrer qu'ils sont forts et tiennent parole."

Mais "à demi-mot, les spécialistes tempèrent la portée réelle de l'ultimatum posé par le Mujao, pour deux raisons : 'D'une part parce que, pour le moment, les otages leur servent de boucliers humains, et d'autre part parce que le Mujao n'est pas directement décisionnaire'", écrit Le Figaro.

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