Présidentielle en Gambie, le pays où l'on vote avec des billes
Les Gambiens votent avec... des billes depuis l'indépendance de leur pays en 1965. Le dispositif, imaginé par le Département des travaux publics gambiens, est censé prendre en compte le fort taux d'analphabétisme de la population – plus de 60% – et par la même occasion contrer la fraude électorale. «C'est unique et nous sommes très fiers» de ce système, a déclaré le vice-président de la Commission électorale indépendante (IEC), Malleh Sallah, le 27 novembre 2016.
Pour la présidentielle du 1er décembre 2016, les billes vont refaire leur apparition. Environ 890.000 Gambiens, sur quelque deux millions d'habitants, sont appelés à élire leur nouveau président pour cinq ans au cours d'un scrutin à un tour.
Au moment du vote, les électeurs reçoivent une bille, s'isolent derrière un rideau et la glissent dans l'une des urnes de différentes couleurs – un petit bidon cylindrique d'environ 60 centimères de haut – qui correspond au candidat choisi. Cette année, le président sortant garde sa couleur, le vert. Les urnes de ses adversaires sont, elles, jaunes et grises.
L'introduction de la bille dans l'urne fait tinter une clochette, le bruit est comparable à celui produit par un vélo. Il est censé empêcher un deuxième vote frauduleux.
De la sciure de bois ou du sable sont déposés au fond des urnes métalliques pour assourdir le bruit de la chute des billes dans le récipient et éviter toute autre nuisance sonore.
Le système permet également un dépouillement plus aisé des voix: les billes sont renversées sur des plateaux qui contiennent 200 ou 500 trous.
Yahya Jammeh, vissé au pouvoir depuis plus de vingt ans
Si la transparence des opérations de vote semble garantie, il n'en est rien de l'ensemble du processus électoral. Début novembre 2016, l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a dénoncé la façon dont le président Yahya Jammeh réprimait l'opposition, s'accaparait les médias publics et utilisait les ressources de l'Etat pour faire campagne, s'assurant ainsi «un avantage électoral» qui remet en cause l'équité des élections en Gambie.
Pour autant, le chef de l'Etat sera confronté à une opposition qui fait bloc autour de son candidat Adama Barrow, désigné par sept partis. Egalement en lice, Mama Kandeh, ancien député du parti au pouvoir qui se présente sous les couleurs d'une nouvelle formation. Les trois prétendants à la magistrature suprême sont âgés de 51 ans.
Tant pour les analystes que pour les opposants, c'est la première fois que le pouvoir autoritaire du dirigeant gambien est sérieusement menacé dans les urnes. Car malgré les risques permanents d'arrestations, la parole se libère depuis des manifestations pour réclamer des réformes politiques (avril 2016) puis pour dénoncer la mort en détention de l'opposant Solo Sandeng.
Colonie britannique à partir de 1888, la Gambie est devenue indépendante en février 1965 au sein du Commonwealth, avec comme Premier ministre Sir Dawda Jawara. Le pays est devenu une République en 1970, sous la présidence de Jawara.
En 1994, Yahya Jammeh accède au pouvoir par un coup d'Etat. Deux ans plus tard, il est élu pour la première fois, puis réélu trois fois en 2001, 2006 et en novembre 2011 avec 72% des voix. Le président gambien brigue aujourd'hui un cinquième mandat.
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