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Vidéo D'où vient la "malédiction de Toutankhamon" ?

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La malédiction de Toutankhamon (sous-titres)
La malédiction de Toutankhamon La malédiction de Toutankhamon (sous-titres) (FRANCEINFO)
Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions

La légende, qui a inspiré romanciers et réalisateurs, a contribué à la renommée mondiale du pharaon. Pourtant, aucun indice laissant présager une terrible prophétie n'a été retrouvé dans le tombeau du roi.

Malchance, cauchemars, maladies, morts soudaines… Bien des maux ont été attribués à la "malédiction des pharaons", en particulier à celle de Toutankhamon, à qui est consacré une grande exposition du 23 mars au 15 septembre à Paris. Elle frapperait ainsi sans distinction celles et ceux, voleurs comme archéologues, qui pertuberaient le repos des anciens rois d'Egypte.

Mais d'où vient-elle vraiment ? Des formules magiques et menaçantes sont-elles gravées dans les tombeaux antiques ? Ou sont-elles seulement inscrites dans l'imaginaire fertile de romanciers occidentaux ? La légende tenace de la malédiction de Toutankhamon repose-t-elle sur le moindre fondement scientifique ? Franceinfo vous raconte l'histoire de cette légende et de ses présumées victimes.

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Avant que Champollion ne déchiffre les hiéroglyphes, au début du XIXe siècle, on trouve déjà des récits de voyageurs troublés par les momies. Des histoires, rarement racontées par leurs principaux protagonistes qui, par exemple, vont jusqu'à établir des liens hasardeux entre une momie jetée à la mer et une tempête en plein océan. Cette si mystérieuse Egypte antique, avec ses rituels d'embaumement et ses dieux aux têtes d'animaux, nourrit aussi la créativité de plusieurs romancières occidentales.

Après l'invasion de l'Egypte par Napoléon et les premières grandes fouilles archéologiques, des séances publiques de "déballage" de momies sont organisées à Londres (Royaume-Uni). Elles inspirent autant Mary Shelley, autrice de Frankenstein, que Jane Webb Loudon, qui publie The Mummy !, une œuvre mêlant horreur et science fiction. L'Américaine Louisa May Alcott serait la première à évoquer littéralement un maléfice lié aux momies, en 1869, dans Lost in a Pyramid, or the Mummy's Curse (en anglais).

Le canari et le cobra

La passion pour l'Egypte ancienne est donc déjà très à la mode quand Howard Carter ouvre pour la première fois le tombeau de Toutankhamon, le 4 novembre 1922. Un événement qui baigne aussi dans cette mystique. Howard Carter n'en écrit pas une ligne dans ses carnets, mais l'un de ses proches, James Henry Breasted, raconte en détail comment un messager envoyé chez Carter a découvert son canari de compagnie dans la gueule d'un cobra. L'oiseau était-il sorti de sa cage ? Le cobra s'y est-il faufilé ? Personne ne sait, mais quelques semaines plus tard, même le New York Times (pdf en anglais) colporte sa propre fable.

Pendant le dîner, les invités ont entendu du vacarme dehors (...) Ils ont découvert qu'un serpent du même type que celui représenté sur les couronnes royales avait attrapé le canari. Ils ont tué le serpent, mais le canari était mort, probablement de peur.

auteur inconnu

The New York Times, 22 décembre 1922

Pour comprendre ce type d'élucubrations, il faut se rappeler que les journaux internationaux n'ont pas grand chose à se mettre sous la dent sur la découverte du fameux tombeau. L'entreprise d'exploration du trésor de Toutankhamon est laborieuse. Pour ne pas être gêné par les curieux, le mécène des fouilles, Lord Carnarvon, tient la presse à l'écart grâce à un accord d'exclusivité passé avec le quotidien britannique The Times. Le journal paie cher la primeur des informations et accepte même de reverser une partie des bénéfices de ses ventes à Lord Carnarvon. Les journalistes étrangers, forcés de reprendre les informations du Times, le lendemain de leur publication, rongent leur frein.

L'insecte et le rasoir

Certains sont alors tentés d'inventer des histoires rocambolesques et de donner la parole à n'importe qui. Parmi les "experts" cités dans la presse internationale, on trouve ainsi le romancier Sir Arthur Conan Doyle. Le père du détective Sherlock Holmes, grand adepte de spiritisme, commente généreusement les dernières nouvelles d'Egypte, et notamment la mort, en avril 1923, de Lord Carnarvon.

Je ne dis pas qu'un esprit égyptien a tué Lord Carnarvon. Je dis que c'est possible.

Sir Arthur Conan Doyle

La romancière britannique Marie Corelli avait préparé le terrain, en adressant une lettre à la presse, quelques semaines plus tôt. L'état de santé de Lord Carnarvon était alors très mauvais. "Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a des risques à pénétrer dans la dernière demeure d'un roi d'Egypte (...) et de lui dérober des possessions", écrivait-elle. Elle invente aussi de toute pièce une formule magique inscrite dans un tombeau, menaçant quiconque y pénètre d'être emporté par "les ailes de la mort".

Les causes de la maladie de Lord Carnarvon sont pourtant bien connues. Une piqûre d'insecte et une coupure au rasoir ont provoqué une série d'infections : pneumonie, érysipèle (infection de la peau)… Les bactéries se sont propagées à tous ses organes. Le 5 avril 1923 au Caire, Lord Carnarvon meurt, sans aucun doute possible, d'une septicémie, selon la revue scientifique The Lancet (en anglais), qui écarte tout lien avec ses passages dans la tombe de Toutankhamon.

Mais la rumeur est tenace et les coïncidences trop nombreuses. Au moment précis de la mort du Lord, Le Caire est plongé dans le noir par une vaste coupure d'électricité, un phénomène courant à cette époque. Et comment expliquer que sa chienne Susie laisse échapper un hurlement avant de s'effondrer, quelques heures plus tard, en Angleterre ? "Enfin, la presse avait une histoire à publier sans avoir besoin de The Times, une tragédie humaine bien plus captivante que la lente exploration de la tombe", analyse l'égyptologue britannique Joyce Tyldesley dans son livre Tutankhamun's Curse.

Des champignons et des meurtres

Toute la presse de l'époque ne peut s'empêcher de mentionner dans ses articles "la vengeance de la momie". Jusqu'à 30 décès, en fonction des sources, seront associés à la malédiction. Des proches de Howard Carter et Lord Carnarvon, entrés ou non dans le tombeau, se retrouvent à leur tour, prétendument "maudits". Suicides, meurtres, maladies… La plupart de ces morts ont pourtant une explication rationnelle. Le British Medical Journal a même publié une étude détaillée de 44 décès, pour démontrer "qu'il n'y avait aucun lien significatif avec une exposition à la malédiction de la momie et donc aucune preuve de l'existence d'une telle malédiction".

Aujourd'hui, l'immense majorité des égyptologues s'agacent de cette légende qu'ils jugent "absurde". Dominique Farout, enseignant à l'école du Louvre et conseiller scientifique de l'exposition "Le trésor du pharaon" à Paris, s'en amuse. "Passer ses journées dans la poussière de momie peut provoquer de violents mots de ventre, ça, c'est vrai", reconnaît-il. "S'il y a une malédiction de la momie, c'est peut-être la tourista", plaisante-t-il encore, auprès de franceinfo.

De nombreux scientifiques ont justement cherché des réponses du côté de la biologie. Les anciens Egyptiens ont-ils vraiment laissé des poisons dans les tombeaux ? Reste-t-il des champignons et micro-organismes encore toxiques plus de 3 000 ans après ? Aucune étude scientifique n'a pu étayer ces théories non plus, comme l'explique l'égyptologue Marc Gabolde dans son ouvrage Toutankhamon, qui s'étonne du petit nombre de victimes, comparé aux centaines de visiteurs entrés dans le tombeau dans les années 1920.

Il reste d'ailleurs difficile d'expliquer les décès attribués à la malédiction par ces germes pathogènes, notamment en raison de la très grande sélectivité dont aurait fait preuve l'agent contaminant.

Marc Gabolde

"Toutankhamon"

Quant à Howard Carter qui a ouvert le tombeau, sorti la momie de ses sarcophages emboîtés, volé des objets, participé à l'autopsie… Ce profanateur en chef a mystérieusement échappé au mauvais sort. L'égyptologue est mort en mars 1939, 17 ans après l'ouverture du tombeau, à 64 ans, un âge avancé pour un homme du début du XXe siècle. Il a succombé à un lymphome, sans avoir jamais cru à la malédiction.

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