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Sénégal : l'"apocalyptique" décharge de Mbeubeuss, l’une des plus grandes d’Afrique, empoisonne la vie des habitants

Les riverains de la décharge située près de Dakar ont manifesté le 14 décembre 2019 pour demander la fermeture de cet immense dépôt d'ordures à ciel ouvert. Une bombe écologique et sanitaire, où s’affairent de nombreux récupérateurs de plastique et de ferraille...

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Un récupérateur de déchets recyclables sur la décharge de Mbeubeuss, près de Dakar au Sénégal, le 2 décembre 2016. (XAUME OLLEROS / ANADOLU AGENCY)

La décharge de Mbeubeuss, proche de Dakar, contre laquelle les riverains ont manifesté le 14 décembre 2019, "devient incontrôlable", observe le site de TV5. Ouverte en 1968, elle ne devait être que provisoire, mais un demi-siècle plus tard, ce provisoire dure toujours. Et aujourd’hui, le site reçoit les déchets de quelque trois millions d’habitants de la capitale sénégalaise. Déchets qui représenteraient 80% des détritus du pays. Mbeubeuss serait ainsi l’une des plus grandes décharges d’Afrique : chaque jour, quelque 2 000 tonnes d’ordures sont ainsi déversées directement par des centaines de camions sur plus de 110 hectares. Soit l’équivalent de 200 terrains de football...

L'univers de Dante

La description des lieux évoque l’univers de Dante… "Tout renvoie à un film post-apocalyptique. Les rapaces tournoient au-dessus d'une proie invisible. La vue est brouillée par les émanations des feux, des pots d'échappement et la poussière. Derrière les fumées, des silhouettes d'hommes, de femmes, de dizaines d'enfants et de bétail", décrit Le Point. On y trouve aussi des centaines de bovins. "Les parterres d'immondices dessinent par endroits de véritables falaises. Les déchets dégoulinent jusqu'au seuil des habitations de Malika et de Keur Massar, les deux communes qui ceinturent l'immense décharge", à moins de 30 km de la capitale sénégalaise. Il y a là "de quoi bâtir des quartiers entiers de détritus, par blocs d’ordures sédimentées sur les lieux..."

La situation a donné l’idée à la chanteuse électro Suzane de réaliser un clip pour montrer la sinistre réalité de Mbeubeuss. "On a cassé la planète, il est où le SAV ?", chante Suzane sur fond de décharge.

"Bombe écologique" et sanitaire

Aujourd’hui, le site est devenu une véritable menace pour les populations environnantes. "C'est une bombe écologique pour toute la région de Dakar. Nous ne pouvons plus vivre avec cette décharge", explique Mamadou Fall, coordonnateur du collectif des riverains, cité par France 24. Une bombe contre l’environnement, mais aussi contre la santé humaine. Enfants et adultes sont atteints par des maladies, notamment pulmonaires comme l'asthme, liées aux épaisses fumées noires et aux boues toxiques qui se dégagent des déchets.

Les habitants demandent la fermeture des lieux, laquelle avait déjà été promise pour 2012. Mais depuis 2015, les pouvoirs publics assurent contrôler les activités de la décharge. Elles promettent aussi sa réhabilitation en installant des unités de tri et de compostage. "L'idée, c'est d'arrêter l'avancement de la décharge, la fumée… et (qu’elle) réponde aux normes environnementales internationales", explique, cité par France 24, Mamadou Dieng, de l’Unité de coordination pour la gestion des déchets, organisme qui dépend du ministère chargé de l’Aménagement du territoire. Problème : les autorités ne donnent aucune date pour la réalisation de ce plan...

L'industrie de la récupération

Il faut dire que l’aménagement des lieux n’est pas forcément chose facile, dans un pays où l’économie informelle joue un rôle considérable : celle-ci représenterait plus de 40% du PIB et ferait travailler près de la moitié des 16,2 millions de Sénégalais (âge moyen : 19 ans). Car Mbeubeuss est aussi un lieu de prédilection pour les boudioumans, les récupérateurs en wolof, qui seraient plusieurs milliers à vivre de la décharge. On y trouve de tout ou presque : verre, contenants en plastique, fil de fer, canettes en aluminium, pneus, tissus... Un récupérateur de toiles imperméables, cité par TV5monde, assure gagner 25 000 francs CFA (38 euros) par semaine grâce à son activité.

Sur la décharge de Mbeubeuss, près de Dakar, le 2 décembre 2016 (XAUME OLLEROS / ANADOLU AGENCY)
Les conditions de travail sont très éprouvantes et la concurrence entre les boudioumans impitoyable, ces derniers se battant parfois entre eux pour la marchandise. Des feux sont allumés régulièrement pour faire fondre les métaux, provoquant ainsi des incendies. Certains sont mortels : en 2016, plusieurs personnes ont ainsi péri (quatre, sans compter les disparus, selon certaines sources). La concurrence est d’autant plus impitoyable que le secteur intéresse les industriels. Selon Le Point, deux entreprises sont implantées en bordure du site pour valoriser les déchets. Signe particulier, ces entreprises sont chinoises.

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