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Avec "La route des chefferies", la culture camerounaise s'expose à Paris

Le musée du quai Branly à Paris accueille l'exposition "Sur la route des chefferies du Cameroun. Du visible à l'invisible" à compter du 5 avril 2022, le premier événement de la Saison culturelle du Cameroun à Paris. Son commissaire général Sylvain Djache Nzefa en décrypte les temps forts.

Article rédigé par Falila Gbadamassi - Propos recueillis par
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'exposition "Sur la route des chefferies du Cameroun. Du visible à l'invisible" a ouvert ses portes le 5 avril 2022 au Musée du quai Branly à Paris, en France. (MUSEE DU QUAI BRANLY)

L'architecte camerounais Sylvain Djache Nzefa est fondateur et coordinateur général du programme "La route des chefferies", commissaire général de la Saison culturelle du Cameroun à Paris et de l'exposition "Sur la route des chefferies du Cameroun" au musée du quai Branly. Entretien. 

Franceinfo Afrique : dans quel cadre s'inscrit cette Saison culturelle camerounaise en France qui démarre avec l'exposition "Sur la route des chefferies du Cameroun" au musée du quai Branly, à Paris ?

Sylvain Djache Nzefa : "Sur la route des chefferies du Cameroun. Du visible à l'invisible" est une exposition qui consacre l'art des communautés établies sur les hauts plateaux des Grassfields, dans l'ouest du Cameroun, préservé depuis des siècles par les chefs traditionnels. Elle a été conçue par l'association camerounaise "La route des chefferies" et produite par le musée du quai Branly. Elle est surtout une nouvelle sorte de collaboration entre deux organisations du Nord et du Sud. C'est la première fois que le quai Branly, premier musée des arts extra-occidentaux, accueille un commissaire africain et qu'il y a un engagement d'autant de parties pour la réalisation d'une exposition. Une vingtaine de chefs traditionnels et donc de communautés ont prêté leur patrimoine pour cet événement.

La tenue de cette exposition nous a conduits à vouloir faire un événement plus grand, pouvant présenter le Cameroun dans son entièreté mais aussi montrer d'autres aspects du pays, notamment sa riche diversité culturelle. D'où cette Saison culturelle camerounaise qui est portée par "La route des chefferies". Elle est née de la volonté de proposer à un public français et européen une nouvelle image de notre pays et de montrer toute l'étendue du talent créatif camerounais. Le Cameroun, "Afrique en miniature" avec ses 250 peuples, a une richesse culturelle que nous avons souhaité présenter au public parisien. Notre démarche s'inscrit dans notre volonté de valoriser les industries culturelles et créatives du pays et l'on retrouvera, au cours de cette saison qui dure quatre mois, des manifestations autour – entre autres  de la danse, de la musique, de la littérature, du cinéma et de la mode. 

Quel est le menu de cette saison ?

Quatre principaux temps forts sont prévus : le premier, c'est cette exposition du 5 avril au 17 juillet 2022 dans le plus grand espace d'exposition temporaire du musée du quai Branly, la Galerie jardin. Le second, c'est une parade royale des civilisations du Cameroun prévue pour juillet 2022. Elle parcourra la ville de Paris en passant par la tour Eiffel, le musée du quai Branly et terminera sa course au Théâtre de la ville. Des danseurs et des musiciens participeront à cette parade durant laquelle il y a aura aussi des performances plus contemporaines. L'autre temps fort est "La nuit des chefferies", de 18 heures à minuit, organisée au Théâtre de la ville de Paris qui réunira les chefs traditionnels de tout le Cameroun et le public désireux d'en apprendre davantage sur ce monde spécifique, autour d'une série de rencontres et d'un récital de chants ékang [les Ekang sont un peuple de la forêt connus pour leurs chants épiques] donné par le ténor camerounais Jacques-Greg Belobo.

Autour de ces temps forts, des manifestations auront lieu dans plusieurs lieux de la capitale. Carte blanche a été donnée, par exemple, à l'artiste pluridisciplinaire Blick Bassy, qui propose une série d'événements autour de la culture et du Cameroun au musée du quai Branly. Autour de l'exposition, il y aura notamment des journées dédiées à la mise en avant d'une chefferie en particulier, avec une programmation impliquant sa communauté. Nous accueillerons également deux grandes écrivaines camerounaises, Djaïli Amadou Amal et Osvalde Lewat, toutes deux récompensées pour leurs derniers ouvrages. Au Théâtre de la ville, un "village Cameroun" sera installé dans les jardins au mois de juillet. 

Sylvain Djache Nzefa au cœur de l’exposition "Sur la route des chefferies du Cameroun", dont il est le commissaire, au Musée du quai Branly à Paris. (LA ROUTE DES CHEFFERIES)

Plus qu'une exposition, "La route des chefferies" est avant tout un vaste chantier culturel. En quoi consiste-t-il et quels sont ses objectifs ? 

"La route des chefferies" est un programme initié par la diaspora camerounaise regroupée au sein de l'association Pays de la Loire Cameroun à Nantes (APLC) et par les chefs traditionnels des Grassfields désireux de protéger et de valoriser le patrimoine dont ils sont les garants. Né en 2006 avec l'élaboration et la ratification par les chefs de la Charte éthique de "La route des chefferies", le programme est depuis 2010 devenu une association autonome de droit camerounais. "La route des chefferies" est à la fois une organisation et un concept qui accompagnent les populations dans la réappropriation de leur patrimoine et de leur identité et, depuis peu, qui évolue dans le développement et la valorisation des diverses industries culturelles et créatives.

Plusieurs pôles composent le programme : conservation, architecture et patrimoine, développement culturel et tourisme avec l'Office régional de tourisme de l'Ouest Cameroun (ORTOC). Ce qui nous permet d'avoir une large expertise dans le patrimoine ainsi que l'aménagement culturel et touristique des territoires. Ce programme consacre une part importante à la muséographie avec la création d'expositions et d'espaces muséaux qui répondent aux besoins et aux spécificités des peuples qui les accueillent. Parmi ceux-ci, les "cases patrimoniales" ou "musées communautaires" construits au cœur des chefferies qui contiennent le patrimoine de la chefferie, un patrimoine considéré comme "vivant", toujours utilisé dans des cultes. Pour les besoins de cette exposition, par exemple, une partie de ces objets ont été, après accord des communautés traditionnelles et sociétés secrètes, "déchargés", c'est-à-dire qu'ils ont fait l'objet de rites leur permettant de quitter leur terre natale.

"La route des chefferies" est aujourd'hui un réseau qui comprend une trentaine de musées, parmi lesquels le musée des Civilisations (Dschang), le musée de l'Eau (Yabassi) ainsi que 15 musées dans le Sahel (régions de l'Adamaoua, Nord et Extrême-Nord) qui bénéficieront d'un accompagnement. 

"La route des chefferies" débute cette année la construction de la Cité du patrimoine et des industries culturelles et créatives, avec le soutien de l'Agence française de développement. C'est un lieu innovant de réflexion sur le patrimoine, avec un centre de formation dédié aux métiers du patrimoine et des industries culturelles et créatives. Le programme a de nombreux autres projets qui sont en cours, dans tout le territoire, et même à l'international avec notamment cette exposition au musée du quai Branly et le concept de la Saison culturelle du Cameroun destinée à s'installer dans d'autres capitales du monde.

Avant d'être accueillie en France et de se lancer à la conquête du monde, "La route des chefferies" est une exposition qui a fait le tour du Cameroun. Comment l'événement et le projet ont-ils été reçus dans votre pays ?
"La route des chefferies" est une initiative très bien accueillie au Cameroun puisque nous travaillons avec les autorités et sociétés traditionnelles, mais aussi avec les collectivités locales qui nous soutiennent dans nos nombreuses activités. Nous avons débuté notre activité dans la zone des Grassfields mais nous nous étendons désormais sur tout le territoire, à travers "La route de l'eau" (aire culturelle sawa), "La route des seigneurs de la forêt" (aire culturelle fang-beti-boulou) et "La route du Sahel" (aire culturelle soudano-sahélienne) ainsi que des projets de musées et d'aménagement des territoires.

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