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Ils ont vécu le coup d'Etat au Burkina Faso : "Ça a été une semaine de peur"

Des habitants de Ouagadougou ont raconté à francetv info ces quelques jours qui ont failli faire basculer le pays. 

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des manifestants, après l'annonce du retour du président Michel Kafando au pouvoir, le 23 septembre 2015, à Ouagadougou. (OLYMPIA DE MAISMONT / AFP)

"Le putsch est terminé, on n'en parle plus." Le général Diendéré a clos le dossier, mercredi 23 septembre, une semaine après avoir été propulsé à la tête du Burkina Faso par un coup d'Etat. Michel Kafando, le président par intérim pris en otage pendant plusieurs jours par les putschistes, est de retour aux affaires.

Tout semble donc résolu au Burkina Faso. Sauf qu'à Ouagadougou, le coup d'Etat est encore sur toutes les lèvres. "Ça a été une semaine de peur, mais surtout, une semaine de perdue pour notre pays", affirme Ablassé, 29 ans, la voix toujours pleine d'amertume.

"On a entendu l'annonce à la radio"

Le musicien burkinabé se rappelle de l'annonce du coup d'Etat, mercredi 16 septembre. "J'étais avec des amis dans la rue, quand j'ai reçu un message qui me disait qu'un coup d'Etat était en cours. Que l'on devait se mettre à l'abri, raconte cet habitant de Ouagadougou, la capitale. Mes amis n'y croyaient pas."

En cette période pré-électorale, les intox ne sont pas rares. Ablassé et ses amis étaient donc méfiants. Mais lorsqu'il a allumé la radio, ce fut la grande surprise. "On a entendu l'annonce. On s'est tous regardés et on s'est rendus immédiatement sur la place de la révolution." Ce même lieu qui a fait tomber l'ex-président Blaise Compaoré en octobre 2014.

Des manifestants, sur la place de la République à Ouagadougou, le 16 septembre 2015. (AHMED OUOBA / AFP)

Comme beaucoup de jeunes de la ville, le groupe se déplace à moto. Soleïla, Française expatriée à Ouagadougou depuis la rentrée, se rappelle d'un long convoi de scooters se dirigeant vers le lieu emblématique de Ouagadougou. "Ils manifestaient à coup de klaxon. Ils étaient très nombreux." Agée de 30 ans, cette conseillère principale d'éducation au lycée français est rentrée immédiatement chez elle après l'annonce du coup d'Etat. Par SMS, l'ambassade française a conseillé à ses ressortissants de rester confinés à leur domicile.

"On pensait qu'ils étaient prêts à nous tuer"

Amassés sur la place de la Révolution, les manifestants ont réclamé la libération du président et du Premier ministre, retenus captifs par les putschistes. Les militaires du RSP, fidèles au général Diendéré, ont encerclé les loyalistes.

Les militaires du RSP montent la garde autour de la place de la révolution, à Ougadougou, le 17 septembre 2015. (AHMED OUOBA / AFP)

"Ils ont commencé à disperser la foule en tirant en l'air, raconte Ablassé. On a eu peur. Ils ont réussi à prendre nos dirigeants en otages, on pensait qu'ils étaient prêts à nous tuer. Mais le lendemain, on est revenus." En quatre jours, la répression des manifestations a fait au moins 10 morts et plus de 100 blessés.

"Le RSP tenait la ville"

Ibrahim a lui aussi participé aux manifestations. "On était surtout des jeunes, à partir de 10 ans, explique l'homme de 22 ans. Les anciens voulaient que l'on reste enfermés. Ils disaient que l'on allait se faire tuer. Le RSP [Régime de sécurité présidentiel, qui a appuyé le putsch] tenait la ville, il y avait des barrages partout."

Certains quartiers centraux, comme celui de Soleïla, ont été complètement bouclés. "Ma rue est très bruyante d'habitude. De ma fenêtre, je l'ai vu complètement vidée. C'était surréaliste." Un couvre-feu a été instauré de 19 heures à 6 heures. La journée, la plupart des commerces sont restés fermés, comme les banques.

Un hommes assis sur sa moto, devant des commerces fermés à Ouagadougou, le 22 septembre 2015.  (SIA KAMBOU / AFP)

"La ville était morte" 

"Les gens ne sortaient plus. On ne pouvait plus travailler et donc plus nourrir nos familles", raconte Ibrahim. Vendeur de crédit téléphonique, il explique gagner en temps normal de quoi vivre au jour le jour. "Du coup, là, ça a été très dur. La ville était morte."

Ablassé a réussi à "se débrouiller" en ouvrant son petit café durant quelques heures, le matin. "Ça me permettait de gagner un peu d'argent pour acheter un kilo de riz pour manger ou un peu d'essence pour la moto." Dans sa boutique, une fois le rideau fermé, il cuisinait pour nourrir ses amis manifestants.

Un homme remplit le réservoir de sa moto, avec de l'essence acheté auprès d'un vendeur de rue à Ouagadougou, le 22 septembre 2015.  (SIA KAMBOU / AFP)

"Il ne doit pas y avoir d'amnistie cette fois"

Depuis que le calme est revenu, la vie a repris doucement à Ouagadougou. Les commerces rouvrent peu à peu leurs portes. "Ce n'était plus vivable. Quand le RSP a renoncé au pouvoir, ça a été une victoire", s'exclame Ablassé. Comme beaucoup d'habitants de la ville, il réclame désormais que les ex-putschistes soient désarmés.

Le RSP a refusé de rendre les armes, vendredi 25 septembre, réclamant des garanties de sécurité pour eux et pour leurs familles. "Ils doivent être jugés, s'insurge Ablassé. Il ne doit pas y avoir d'amnistie cette fois." Mais pour le musicien, le destin des putschistes est lié à celui de l'ancien président burkinabé. "Gilbert Diendéré était le bras droit de Compaoré. L'un ne peut pas être jugé si l'autre ne l'est pas."

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