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Attaque à Ouagadougou : comment Al-Qaïda cherche à reprendre du terrain sur l'Etat islamique

Derrière l'attentat jihadiste qui a fait 29 morts dans la capitale du Burkina Faso se joue aussi une rivalité entre Al-Qaïda et le groupe Etat islamique.

Article rédigé par Marthe Ronteix
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Les enquêteurs français et burkinabés commencent leurs investigations devant l'hôtel Splendid de Ouagadougou (Burkina Faso), le 17 janvier 2016. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Le Burkina Faso a connu, vendredi 15 janvier, une attaque terroriste d'ampleur inédite. Trois assaillants ont mitraillé un café et pénétré dans l’hôtel Splendid de Ouagadougou, fréquenté par de nombreux occidentaux, causant la mort de 29 personnes, dont trois Français. Après un assaut des forces burkinabées soutenues par les militaires français et américains, les trois assaillants ont été tués. L’attaque a été revendiquée quelques heures plus tard par le groupe Al-Mourabitoune, une branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Deux mois après un attentat dans un hôtel de Bamako au Mali, Al-Qaïda semble revenir sur le devant de la scène jihadiste. Le groupe terroriste doit faire face sur son propre territoire à un nouveau concurrent de taille : l'organisation Etat islamique. Francetv info fait le point sur les rivalités entre les deux groupes terroristes.

Al-Qaïda cherche à protéger ses zones d'influence

Si l'Etat islamique est très visible en Syrie (où la coalition internationale concentre ses frappes), il cherche à étendre son influence en Afrique. Un continent dominé par Al-Qaïda. "Daech a réussi une percée en Libye dans la région de Syrte où il tient 250 km de côtes et a progressé vers le sud. Mais il n'y rencontre pas tous les succès fulgurants qu'il y attendait, s'opposant à d'autres groupes islamiques radicaux, dont Aqmi, qui est implanté dans le pays depuis très longtemps"explique Alain Rodier, directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement, cité par Atlantico.

Et le spécialiste de poursuivre : "Cela ne l'empêche pas de mener des actions terroristes d'envergure en Tunisie mais, là aussi, Daech est en concurrence avec Aqmi via sa branche 'Okba Ibn Nafa'." Les deux groupes terroristes sont en concurrence dans plusieurs régions : en Libye, en Egypte, dans le Sahel et dans la péninsule arabique. Le groupe Etat islamique a, quant à lui, commis son premier attentat en Asie du Sud-Est comme le montre l'attaque de Jakarta (Indonésie) du 14 janvier dernier.

Al-Qaïda veut gagner en visibilité médiatique

"Al-Qaïda veut prouver qu'il peut mener des actions aussi efficaces et spectaculaires que ses rivaux", renchérit l'islamologue Mathieu Guidère dans Le Parisien. C’est pourquoi on assiste à une véritable surenchère de violence. Depuis le début de l’année, les deux groupes jihadistes ont déjà commis trois attentats et fait plus de 40 morts. "L'objectif est sans doute de montrer qu'Al-Qaïda existe toujours et que l'organisation est capable de mener des actions sur le terrain. Elle marque son territoire", affirme le journaliste Lemine Ould M. Salem sur France 3.

Ces attentats sont donc un moyen d'affirmer sans cesse leur importance sur l'échiquier international. Cela leur permet également d'avoir une certaine publicité médiatique qui peut "susciter des attaques de loups solitaires", poursuit Alain Rodier, interrogé par le journal 20 Minutes

Al-Qaïda entend attirer de nouveaux combattants

Si son influence en Afrique est encore limitée, de nombreux groupes jihadistes font allégeance à l'Etat islamique. "Daech a siphonné une bonne partie des combattants d'Al-Qaïda", affirme Pierre Servent, expert en questions de défense. C’est le cas de Boko Haram qui sévit au Nigeria ou encore du groupe Ansar Al-Charia présent en Libye et en Tunisie. Certains groupuscules d’Al-Qaïda ont même fait défection pour rejoindre l’Etat islamique comme des Soldats du Califat dans le nord de l’Algérie, qui avait enlevé et décapité le guide de haute montagne Hervé Gourdel en 2014.

Cependant, l’attaque de Ouagadougou a été menée par Mokhtar Belmokhtar, le leader du groupe Al-Mourabitoune, qui a rallié Al-Qaïda en décembre 2015. "On est en train d'affaiblir Daech en Irak et en Syrie. Par ricochet, Aqmi se renforce et on assiste déjà d'ailleurs à un reflux des jihadistes partis vers Daech qui rejoignent Al-Qaïda", affirme Mathieu Guidère, professeur agrégé d'islamologie et de la pensée arabe, interrogé par Le Parisien.

Al-Qaïda est forcé de changer ses méthodes

Sur le papier, Al-Qaïda et l'Etat islamique mènent tous deux la guerre contre l'Occident. Pour Mathieu Guidère, Al-Qaïda cherche à "tuer le tourisme dans ces pays comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Niger, comme Daech l'a fait en Tunisie".

Pour parvenir à leurs fins, les méthodes ont longtemps divergé, explique Alain Rodier à Atlantico : "Al-Qaïda tente de 'cibler' ses objectifs (des journalistes ayant croqué le prophète, des Juifs, des représentants de l'autorité – militaires, policiers, fonctionnaires –, etc.), en limitant les 'pertes collatérales' alors que Daech considère que tout est bon à tuer (attentats de novembre de Paris visant indistinctement des civils de tous types et confessions différentes)." Mais cette fois-ci, Al-Qaïda, spécialisé dans les enlèvements ou les attaques des forces sécuritaires, "s'est aligné sur le mode opératoire de l'Etat islamique", précise le spécialiste. 

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