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Violences xénophobes à Pretoria : la nation arc-en-ciel accusée «d’ingratitude»

La tension n’a jamais été aussi vive entre Sud-Africains et Nigérians. Abuja exige des mesures de protection contre ses ressortissants, victimes de violences xénophobes en Afrique du Sud. La nouvelle flambée de violences anti-immigrés qui secoue le pays a particulièrement visé la communauté nigériane, accusée de trafic de drogue et de prostitution.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un ressortissant nigérian attaqué par des sud africains dans son quartier le 18 Février 2017 à Prétoria. (Photo Reuters/ James Oatway)

 
La colère gronde à Lagos, la métropole économique nigériane. Dans une déclaration à l’AFP, le président de l’Association nationale des étudiants nigérians, Aruna Kadiri a lancé une sévère mise en garde à l’Afrique du Sud.  
 
«Tous les sud africains au Nigéria doivent quitter le pays dans les 48 heures ou alors nous ne serons pas en mesure de garantir leur sécurité, a-t-il menacé.
 
Des manifestants ont défilé à Abuja pour réclamer l’expulsion des ressortissants sud-africains après les violences subies par des Nigérians en Afrique du Sud. Ils ont brulé le drapeau sud africain qui flottait à l’ambassade avant de vandaliser des symboles et sièges d’entreprises sud-africains parmi lesquels le siège de l’opérateur sud-africain de télécoms MTN.
 


«Nos propres frères se sont retournés contre nous»
Depuis deux semaines, des dizaines de bâtiments occupés par des étrangers et soupçonnés d’abriter des maisons de passe ou de trafic de drogue ont été brûlés par des riverains en colère à Johannesburg et à Pretoria, la capitale sud africaine.
 
Les ressortissants nigérians constituent la principale cible des récents incidents comme en témoigne le représentant de la diaspora nigériane Emeka Johnson au micro de RFI
 
«Cibler les Nigérians est une injustice et nous ne sommes pas contents. Surtout si on pense à tout ce qu’a fait le Nigéria pour l’Afrique du Sud. Nous avons aidé le pays financièrement, nous nous sommes distancés du gouvernement d’apartheid, nous avons coupé tous les liens économiques avec les sociétés qui avaient des liens avec ce régime. Aujourd’hui nous avons l’impression que nos propres frères se sont retournés contre nous», raconte-t-il.
 
De nombreux jeunes nigérians en colère veulent même en découdre avec leurs agresseurs sud africains.
 
«Il ne faut pas qu’ils nous traitent comme des chiens, nous sommes tous des êtres humains. Mais s’ils veulent continuer comme ça, nous allons nous battre. Et s’ils veulent du sang, il y aura du sang»,  menace un jeune nigérian.
 
«Tous les pays africains doivent se défendre»
Les Nigérians ne sont pas les seuls à subir ces nouvelles violences xénophobes. Ils ne sont pas non plus les seuls à dénoncer l’ingratitude des populations sud africaines.  De nombreux internautes africains ne comprennent pas pourquoi ces violences sont devenues récurrentes.
 
En 2015, sept personnes avaient trouvé la mort lors des émeutes et des pillages visant des commerces tenus par des africains à Johannesburg puis à Durban. Les réactions d’indignation se sont multipliées sur les réseaux sociaux.
 
«Tous les pays africains doivent se défendre et le seul moyen d’y arriver, c’est d’attaquer les intérêts de ce pays à commencer par boycotter MTN et tous les supermarchés sud-africains partout où ils sont implantés. Ils se font de l’argent dans les pays africains pour finalement tuer les mêmes africains qui contribuent au développement de l’Afrique du Sud», dénonce un internaute.
 
D’autres dénoncent le silence observé par les gouvernements africains et l’Union africaine face à «cette barbarie d’un autre âge».
 
Des sud africains manifestent contre les immigrés le 24 Février 2017 à Prétoria. (Pjhoto AFP/John Wessels)

«La nation arc-en-ciel fait honte»
Pour le journal burkinabé Le Pays, la nation arc-en-ciel aurait voulu ternir ses couleurs qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
 
«Ce qui se passe en Afrique du Sud relève quasiment de l’inédit. Dans certains pays, des populations ont été manipulées par des hommes politiques pour s’en prendre à des étrangers. Mais dans le cas de l’Afrique du Sud, la décision a visiblement été prise par les populations elles-mêmes. Il y a donc péril en la demeure», s’inquiète le journal.
 
Malgré l’appel au calme lancé par le gouvernement sud-africain, le pays s’interroge sur l’attitude des autorités sud-africaines et leurs responsabilités dans ces violences récurrentes contre les étrangers.
 
«Même s’il est vrai qu’elles n’ont pas, jusqu’à preuve du contraire, suscité de façon directe ces mouvements, elles y ont contribué de façon indirecte. Elles ont jusque-là étalé leur incapacité à trouver des solutions au chômage ambiant des populations ; ce qui n’est pas de nature à apaiser le climat social. D’ailleurs, elles pourraient se frotter les mains en voyant ces populations déplacer le problème. Car cela leur donne du répit, leur permet de souffler un tant soit peu», une manière de se leurrer, estime le journal qui fustige une xénophobie qui a pris des proportions ahurissantes en Afrique du Sud.
 

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