Cet article date de plus de quatre ans.

Covid-19 en Afrique du Sud : faute de touristes, des antilopes finissent dans l'assiette des plus démunis

Alors que le nombre de cas recensés de coronavirus est en hausse constante au sein de la nation arc-en-ciel, l'impact sur le tourisme risque d'être très violent. Certains ont entrepris de retourner la situation au profit de ceux qui n'ont rien.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le combat de deux antilopes dans le Parc national Kruger, en Afrique du Sud (photo prise le 12 décembre 2017). (ROSANNA U / IMAGE SOURCE)

L'idée est venue à l'esprit de Piet, le propriétaire d'un petit supermarché au nord de l'Afrique du Sud. "Récemment, je suis allé chasser du gibier avec un groupe de fermiers, raconte-t-il à l'AFP, alors que la saison ouvrait au début du printemps, et je me suis dit : que vais-je en faire ?" Traditionnellement, à pareille époque, ce sont les touristes qui s'en régalent mais, cette année, la crise sanitaire les a tenus éloignés.

Alors, devant les besoins alimentaires grandissants d'une population sans le sou en raison du confinement anti-coronavirus, le patron décide de distribuer ses prises. Il charge son pick-up blanc et fait le tour d'un township voisin pour distribuer gratuitement plusieurs dizaines de kilos de chair d'antilope, accompagnés de miches de pains et de légumes.

"Je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai mangé de la viande", confie une habitante, en recevant un morceu de gazelle à cuire et un sac de patates. Tebogo Mabunda, qui vit d'habitude de petits boulots dans les hôtels et les supermarchés alentour, n'a plus de revenus depuis le début du confinement mis en place le 27 mars 2020. Comme de nombreux Sud-Africains.

"Le township était déjà au bord du gouffre, le coronavirus l'y a précipité"

Avec quatre bouches à nourrir, cette mère de famille de 40 ans confie avoir du mal à acheter l'indispensable farine de maïs et du savon, tout aussi vital en pleine crise sanitaire. Devant le désarroi d'une grande partie de sa population, le gouvernement sud-africain a certes mis en place un système de distribution de colis alimentaires, insuffisant toutefois pour répondre à tous les besoins. 

De son côté, avec la pandémie de Covid-19 venue de Chine, l'industrie touristique, notamment celle des safaris, est à l'arrêt complet en Afrique du Sud, le pays du continent le plus touché avec près de 31 000 cas d'infection déclarés et 643 décès au 31 mai 2020.

Certains propriétaires de lodges désertés par les visiteurs ont donc accepté l'idée de Piet de lui donner quelques-uns des animaux sauvages abattus pour réguler les populations des parcs nationaux. De quoi assurer "des protéines" aux habitants des quartiers pauvres. Avec toutes ses réservations annulées jusqu'en août, Coenrad, à la tête d'une réserve de 200 hectares, participe à ce petit programme humanitaire. Il a décidé d'abattre une centaine d'antilopes pour nourrir le bidonville le plus proche. "Les gens ont faim, explique-t-il. Le township était déjà au bord du gouffre, le coronavirus l'y a précipité."

Corruption et chapardages

Depuis fin mars, Piet et ses associés ont réussi à distribuer plus d'une tonne et demi de viande de gazelle aux plus pauvres.

C'est ainsi qu'ils ont appris que plusieurs habitants du township qu'ils approvisionnent n'avaient toujours pas reçu les colis promis par les autorités. Sans les distributions organisées par Piet, "on serait morts de faim", estime même Eva Ngobeni, une habitante.

Dès le début du confinement, plusieurs affaires de corruption ont éclaté, avec des responsables politiques soupçonnés d'avoir détourné des colis alimentaires pour satisfaire leurs besoins personnels ou ceux de leur clientèle politique. Le porte-parole du gouvernement provincial, Witness Tiva, assure que des sanctions ont été prises contre ceux qui ont commis des détournements.

Piet, quant à lui, affirme avoir été approché par des représentants politiques qui souhaitaient s'associer à son projet humanitaire. Il a sèchement refusé. "Plus il y aura de personnes impliquées, plus il y aura de chapardage", soupire-t-il, sans illusion.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.