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Vidéo Pendant une semaine, j'ai mesuré la qualité de l'air que je respire (et le résultat n'est pas rassurant)

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Le capteur de pollution personnel, Flow, développé par Plume Labs. (FRANCEINFO)

La start-up française Plume Labs vient de lancer un objet connecté, capable de repérer quatre polluants. Franceinfo a pu l'essayer en avant-première.

Une simple pression du doigt, quelques secondes de patience et le verdict : le voyant est rouge. L'air que je respire sur le trottoir devant France Télévisions, au ras des voitures, est pollué. Je m'en doutais un peu, Flow me le confirme. Pas plus encombrant qu'un smartphone, ce nouveau capteur de pollution, lancé vendredi 7 décembre, mesure toutes les minutes quatre polluants – les particules fines PM10 et PM2.5, le dioxyde d'azote (NO2) et les composés organiques volatiles (COV). Je peux ensuite consulter le résultat des analyses sur mon téléphone, dans une application dédiée.

"L'objectif est d'amener au grand public la possibilité de mesurer son exposition à la pollution au quotidien et avoir des solutions à porter de main pour mieux respirer", explique David Lissmyr, co-fondateur de Plume Labs, la start-up française à l'origine du produit. L'idée est d'aider l'utilisateur à trouver un chemin moins exposé ou des horaires où l'air est plus respirable, alors que la pollution de l'air est responsable de 48 000 morts prématurées dans l'Hexagone, selon Santé publique France.

Pendant une semaine, j'ai testé Flow pour franceinfo. L'objet m'a accompagné dans toutes mes activités et déplacements : métro, boulot, dodo et le reste. Je n'ai pas découvert de nouvelles sources de pollution, mais ces mesures m'ont permis de réaliser à quel point l'air respiré chez moi ou dans le métro était mauvais. Je n'ai pas beaucoup vu la couleur verte, qui signale sur l'appareil une faible pollution. Flow m'a affiché plus souvent du orange – pollution modérée –, du rouge – pollution forte – ou du violet – pollution très élevée.

on a testé le capteur de pollution personnel
on a testé le capteur de pollution personnel on a testé le capteur de pollution personnel

L'enfer du métro

Au bout de quelques jours d'utilisation, il apparaît clairement que deux pics marquent la courbe de pollution de ma journée type : le trajet entre mon domicile et mon lieu de travail. Mon moyen de transport privilégié est le métro. C'est aussi le plus pollué. Régulièrement, sur la ligne 8 qui me conduit au siège de France Télévisions, le capteur se pare de violet ou de rouge, rarement d'orange, jamais de vert. Selon les données du capteur, le taux de PM10 est par exemple monté jusqu'à 235 µg/m3 un lundi matin et était en moyenne de 137,13 µg/m3, bien au-delà de 50 µg/m3, la moyenne journalière recommandée par l'OMS. On se trouve également nettement au-dessus du niveau d'alerte fixé par la préfecture – 80 µg/m3 de moyenne journalière : si je respirais cet air dans la rue, Paris serait en alerte pollution.

Made with Flourish

D'où vient cette pollution ? "La source de ces particules est essentiellement liée au freinage des rames, qui se fait par friction, dans une enceinte fermée, et à une mauvaise ventilation", explique Gilles Dixsaut, médecin hospitalier et membre de la Fondation du souffle, qui a rencontré l'équipe de Plume Labs lors de l'élaboration de leur site Plume Air Report. En septembre 2017, des mesures réalisées par la RATP avaient déjà établis que l'air de certaines stations étaient plus polluées que le périphérique parisien. La régie s'est depuis engagée à publier ces données, à renouveler son matériel roulant et à renforcer sa ventilation.

Des pollutions différentes en voiture et en vélo

Le périphérique justement. Un soir, j'accompagne l'un de mes collègues qui prend sa voiture tous les jours pour aller au bureau, comme deux millions de Franciliens. Coincé dans les embouteillages, je constate que l'indicateur ne s'affole pas autant que dans le métro : il oscille entre orange et rouge, avec quelques rares pointes dans le violet. Les particules PM10 font un pic jusqu'à 146 μg/m3 lorsqu'on ouvre la fenêtre mais s'établissent en moyenne à 11,1 μg/m3. Le dioxyde d'azote affiche jusqu'à 110 parties par milliard (110 ppb, soit 210,98 μg/m3), mais tourne autour de 11,75 en moyenne (22,54 μg/m3). On reste loin du niveau d'alerte fixé par la préfecture : 400 µg/m3.

Les composés organiques volatils s'établissent eux à 1019 ppb. Difficile de juger de la dangerosité de cette mesure : il n'existe pas de valeur limite pour les COV totaux et Flow ne fait pas de distinction entre tous les types de composés – benzène, monoxyde de carbone, acétaldéhyde – qui se cachent derrière ce sigle. Le danger varie selon le composé. L'air est donc pollué, mais nettement moins que dans le métro pour les particules fines.

Reste le vélo, présenté par l'application Flow comme "votre meilleur ami" pour éviter la pollution. Un mardi matin, j'enfourche une bicyclette pour traverser Paris d'est en ouest. Que ce soit au milieu du trafic automobile ou sur les quais sans circulation, on respire mieux que dans le métro mais moins bien que dans l'habitacle d'une voiture en matière de particules fines. Les PM10 grimpent jusqu'à 157 μg/m3 et sont de 68,16 en moyenne. Il y a cependant nettement moins de dioxyde d'azote (2,09 ppb en moyenne) et de composés organiques volatils (148,92 ppb) qu'à l'intérieur d'un véhicule. En résumé, prendre la voiture ou le vélo expose moins à la pollution que le métro et ces deux modes de transport exposent à des polluants différents.

Des composés organiques volatiles à la maison

Pendant ma semaine de test, le capteur s'est aussi affolé... dans mon appartement. Peu de particules fines, mais des composés organiques volatils en quantité. Derrière ce terme un peu barbare se cachent "une multitude de substances, qui peuvent être d'origine biogénique (naturelle) ou anthropique (humaine)", explique l'Ademe sur son site.

A la maison, ces composés sont principalement produits par les solvants utilisés dans les peintures ou sur le mobilier, mais aussi par les activités comme la cuisine. "Quand vous brûlez des corps gras pour cuisiner, vous allez mettre des COV dans l'air. (...) Et les meubles modernes sont constitués de beaucoup de colles et de plastiques, rappelle Gilles Dixsaut. Vous retrouvez souvent la pollution extérieure, à laquelle on ajoute la pollution intérieure." Les produits d'entretien chimique peuvent également en générer, mais je préfère utiliser du bicarbonate, du vinaigre blanc et du savon noir.

Un peu angoissé par la "forte pollution" qui m'accueille un soir en rentrant – environ 250 ppb –, j'entreprends d'aérer pour la deuxième fois de la journée, malgré le froid. L'indicateur redescend. Mais une vingtaine de minutes après avoir fermé les fenêtres, les petites leds du capteur se colorent à nouveau de rouge. Pas découragé, je me lève pour aérer une troisième fois mais je suis stoppé net dans mon élan. "Tu ne peux rien faire à part vider l'appartement, gratter toutes les peintures et revenir dans trois mois", me lance-t-on, un brin agacé par tout ce remue-ménage. Soit.

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Des expositions finalement "assez faibles"

Selon Airparif, l'organisme chargé des mesures en Ile-de-France, si l'air était de meilleure qualité, chaque habitant gagnerait six mois d'espérance de vie. "La pollution est un facteur d'augmentation de risque d'un certain nombre de pathologies, comme l'asthme ou les maladies cardio-vasculaires", développe Gilles Dixsaut, de la Fondation du Souffle, avant de rappeler que "nous ne sommes pas tous égaux face à l'effet des polluants".

Je me rassure en calculant mon exposition moyenne sur ces sept jours pleins : 8,4 µg/m3 pour le dioxyde d'azote, 1 180 ppb pour les COV, 19 µg/m3 pour les PM10 et 7,67 µg/m3 pour les PM2.5. Bilan, concrètement ? "Toutes ces expositions sont assez faibles", analyse Charlotte Songeur, ingénieure chez AirParif.

Avec un microcapteur, ce sont plus les fluctuations qu'il faut regarder. Les chiffres en eux-mêmes, il faut les prendre avec des pincettes.

Charlotte Songeur

à franceinfo

Les variations entre les mesures et la réalité peuvent aller "du simple au double", selon elle. De fait, sur la même période, la station urbaine Paris-Centre de l'organisme de mesure – considérée comme une station de fond, où l'exposition est minimale – a par exemple relevé une concentration moyenne de 38,24 µg/m3 pour le dioxyde d'azote, 25,73 µg/m3 pour les PM10 et 23,87 µg/m3 pour les PM2.5.

Un appareil avec ses limites

J'ai pu parfois constater des pics incohérents, des changements de niveau au même endroit dans un temps très court ou une amélioration subite après le redémarrage, faute de batterie, de l'objet. AirParif a récemment réalisé une série de tests sur de petits capteurs fixes et un capteur mobile comparable à Flow, le Air Beam 2. Plume Labs n'a pas participé à ce concours, organisé sur la base du volontariat.

Ce sont des outils importants de pédagogie et de sensibilisation. Mais leur gros défaut, c'est la fiabilité, le chiffre n'est pas toujours bien calibré. On n'a pas la même performance qu'un appareil de référence qui coûte de 30 000 à 120 000 euros.

Charlotte Songeur

à franceinfo

L'une des plus grandes faiblesses de ce type d'appareil, selon Airparif, est l'humidité. "Si le temps est très humide, des gouttelettes d'eau vont être prises pour des particules fines", explique Charlotte Songeur. Une observation que j'ai pu corroborer en allant courir dans un parc un jour de brouillard : Flow a mesuré jusqu'à 243 µg/m3 de particules PM10 ce matin-là. "Le but n'est pas de faire de la précision, de chercher une gradation très fine, c'est plutôt de montrer les variations, les pics et les intensités", justifie David Lissmyr.

On a cherché le compromis optimal entre précision, coût et encombrement.

David Lissmyr

à franceinfo

Ce capteur se heurte aussi à un autre obstacle : après une semaine de test, je n'ai pas trouvé de solution miracle pour limiter mon exposition. J'ai simplement pu optimiser cinq minutes de mon trajet quotidien : pour rejoindre France Télévisions depuis la station de métro Balard, il vaut mieux passer par la rue du Professeur-Florian-Delbarre que par le boulevard Valin, où circulent de nombreuses voitures.

"Vous avez raison, la pollution ne disparaît pas simplement, elle est là", reconnaît David Lissmyr. Avec les données collectées par l'application, la start-up espère pouvoir à terme "construire des cartes plus fines et en temps réel" pour apporter des solutions à ses utilisateurs comparables à ce que proposent certaines applications pour éviter les bouchons. Plume Labs devra aussi s'assurer que son outil ne finisse pas par lasser ses utilisateurs, découragés de constater tous les jours la mauvaise qualité de l'air qu'ils respirent. "Beaucoup de gens savent que les niveaux de pollution sont élevés, répond David Lissmyr. Un autre aspect anxiogène, c'est de se sentir sans défense et de ne rien pouvoir faire." Il veut croire que son entreprise apporte "une solution" à cette angoisse.

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