Météo : faut-il craindre un "super El Niño" en 2014 ?
Les scientifiques redoutent l'apparition d'un épisode El Niño dans les prochains mois. En 1997-1998, ce phénomène climatique avait causé plus de 20 000 morts dans le monde.
Inondations, incendies, l'épisode météorologique El Niño s'accompagne souvent de phénomènes extrêmes. Cette anomalie de grande échelle apparaît tous les deux à sept ans aux alentours de Noël, d'où son nom d'El Niño (l'enfant) en référence à Jésus. L'Organisation météorologique mondiale (OMM), une agence de l'ONU, a jugé mardi 15 avril qu'un tel épisode était "probable" en 2014. Comment se manifeste cette anomalie météorologique ? Doit-on s'attendre à de nouvelles catastrophes climatiques ? Francetv info s'est penché sur ces questions.
El Niño, qu'est-ce que c'est ?
C'est une "élévation anormale de la température de l'océan Pacifique le long de l'Amérique du Sud" explique le prévisionniste de MeteoGroup Jérôme Cerisier, consultant de France Télévisions. Pourquoi anormale ? Parce qu'en temps ordinaire, les eaux du sud de l'océan Pacifique sont froides du côté de l'Amérique (à l'est) et chaudes du côté de l'Australie (à l'ouest). Pendant un épisode El Niño, il y a une baisse du régime des alizés, les vents qui circulent d'est en ouest. Conséquence : le réservoir d'eau chaude se déplace vers l'Amérique du Sud.
Le "Niño du siècle" aura-t-il lieu en 2014 ?
Difficile à dire. "Pour le moment, on a des éléments (sur la température de l'eau notamment) qui suggèrent qu'un épisode El Niño aura lieu d'ici la fin de l'année", commente Olivier Proust. "Mais il est difficile d'en connaître l'intensité." Le prévisionniste rappelle que le phénomène a été mis en évidence dès le 17e siècle et qu'il se manifeste régulièrement depuis. Mais la fin du 20e siècle a été marqué par deux événements particulièrement dévastateurs, en 1982/1983 et en 1997/1998. Plus de 20 000 personnes sont mortes lors de ce dernier.
"Le réchauffement climatique pourrait rendre plus intense le phénomène", considère Olivier Proust. Une étude scientifique publiée dans la revue Nature Climate Change en janvier 2014 suggère que le nombre d'épisodes extrêmes d'El Niño pourrait doubler au cours du 21e siècle.
"Au niveau global, El Niño 2014 pourrait coûter plusieurs dizaines de milliards d'euros", conclut Olivier Proust.
Quelles sont les conséquences d'El Niño ?
Sur place. Les eaux froides sont riches en plancton. On y trouve donc plus de poissons. Une eau plus froide limite aussi les précipitations. En temps normal donc, on trouve des eaux froides, poissonneuses et un temps sec le long de la côte Pacifique de l'Amérique du Sud. A l'inverse, les intempéries sont plus nombreux et fréquents sur les eaux très chaudes.
Avec El Niño, la température des eaux le long de l'Amérique du Sud augmente de 5 à 6°C jusqu'à atteindre 26°C ou 27°C. Les poissons, en particulier les anchois, ne supportent pas une telle température. Ils meurent ou bien se déplacent, impliquant une plus faible pêche. Cette hausse de la température des eaux s'accompagne de fortes pluies pouvant provoquer des inondations et des destructions agricoles, le tout pouvant conduire à des famines.
De l'autre côté de l'océan Pacifique, l'Australie, l'Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée sont baignées par des eaux plus froides qu'à l'ordinaire. Le temps est donc beaucoup plus sec, pouvant causer des sécheresses et de violents incendies.
Dans le reste du monde. Une telle anomalie dans l'océan Pacifique - le plus vaste du monde - a des conséquences dans le monde entier. "En Inde, on a remarqué que les moussons -dont dépend énormément l'agriculture- sont moins abondantes lors des épisodes El Niño", explique Olivier Proust, prévisonniste à Météo France, également contacté par francetv info. Les risques de cyclone sont également plus élevés en Polynésie mais moins élevés dans les Antilles (Atlantique nord). "Un autre exemple : la sécheresse au Sahel s'aggrave lors d'El Niño", ajoute Olivier Proust.
En France. Incendies, sécheresse ou au contraire pluies torrentielles, El Niño peut endommager de nombreuses cultures dans le monde. Et qui dit baisse de la production, dit augmentation du prix des matières premières agricoles. En France, les conséquences d'El Niño pourraient donc être économiques. "Les traders utilisent les prévisions météorologiques à long terme pour spéculer sur le cours des matières premières", confirme Olivier Proust.
Au niveau global. "On constate une élévation de la température au niveau global l'année qui suit un épisode El Niño", décrit le prévisionniste de Météo France. 1998 a par exemple été l'année "la plus chaude jamais observée", juste après un fort épisode d'El Niño.
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