Cet article date de plus de huit ans.

Inondations : pourquoi Paris ne va probablement pas revivre la crue historique de 1910

Si les intempéries ont provoqué des inondations depuis mardi dans le Loiret, le long du Loing, les experts s'accordent pour dire que la capitale sera épargnée.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La statue du Zouave du pont de l'Alma, les pieds dans l'eau, le 31 mai 2016 à Paris. (MAXPPP)

A Paris, le Zouave du pont de l'Alma s'est réveillé les pieds dans l'eau, mercredi 1er juin. Comme à chaque élévation anormale du niveau de la Seine, la célèbre statue sert de repère aux Parisiens. Dans les esprits, plane le spectre de la grande crue de 1910 et les inondations monstres qui avaient suivi.

>> Inondations : suivez l'évolution de la situation dans notre direct

Mais si les intempéries provoquent des dégâts et des évacuations, notamment à Orléans, mais aussi le long du Loing à Montargis (Loiret) ou Nemours (Seine-et-Marne), dans la capitale, la crue centennale ne se produira pas cette fois. Voici pourquoi.

Parce qu'on est très loin des niveaux de 1910

"Il n'y aura pas de crue centennale sur Paris, assure à francetv info Bruno Janet, responsable du pôle modélisation à Vigicrues. On est loin des niveaux de la crue de 1910 et on ne les atteindra pas. Au pont d'Austerlitz, la Seine atteint actuellement 4,20 m. En 1910, elle était montée à 8,20 m et avait atteint le niveau record de 8,62 m au pont de l'Alma."

"Nous n'y sommes pas du tout", confirme Ludovic Faytre, responsable des études "risques majeurs" à l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France, interrogé par L'Obs. On est même "bien loin", rappelle l'expert, "des 7 m de la crue cinquantennale de 1955".

La Seine en crue à Paris le 31 mai 2016. (JOEL SAGET / AFP)

Parce que les conditions ne sont pas réunies

"Dans le bassin de la Seine, on n'a pas la même situation du tout qu'en 1910. Fort heureusement, les conditions requises pour une crue centennale ne sont pas réunies, assure Bruno Janet. A l'époque, les pluies avaient été bien plus abondantes : l'épisode pluvieux avait duré un mois. Et d'autres facteurs aggravants s'y étaient ajoutés : la crue s'était produite en janvier, les sols étaient gelés, empêchant l'eau de s'infiltrer, la fonte des neiges était venue grossir les cours d'eau."

"Dès septembre, c'était 1,5 à 2 fois les précipitations habituelles qui étaient tombées. Là, ce n'est pas le cas. L'hiver n'a pas été particulièrement pluvieux", abonde Simon Carrage, spécialiste des risques inondations à I'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France, contacté par BFMTV.

A l'heure actuelle, seul le Loing est placé en vigilance rouge par Vigicrues, et ce, sur toute sa longueur, en amont comme en aval, et présente un risque de crue majeure, soit une menace directe pour les habitants. Les autres cours d'eau de la région ne sont qu'en vigilance jaune et la Seine, elle, est même encore en partie en vert, c'est-à-dire sans vigilance particulière.

"Sur le Loing, la crue actuelle est à peu près équivalente à celle de 1910. Mais le Loing seul ne va pas entraîner une crue historique de la Seine, affirme Bruno Janet. Lors de la crue de 1910, la Marne et l'Yonne étaient également en crue. Tous les cours d'eau, affluents de la Seine, réagissaient de manière très forte."  Et si les hauteurs d'eau sont comparables, les débits sont, eux, très différents. "Sur le Loing, le débit d'eau est de 150 m3/seconde. En 1910, il était de 1 800 m3/seconde", insiste Bruno Janet. 

Une rue du village de Fay-aux-Loges (Loiret) inondée le 31 mai 2016 après que le canal d'Oréans a débordé à cause des intempéries. (MAXPPP)

Parce que la situation va s'améliorer

Dans le Loiret, il est tombé l'équivalent de 20 jours de précipitations en 72 heures. Mais les fortes pluies, qui se sont abattues sur un grand quart nord-est de la France durant quelques jours, se sont atténuées dans la nuit de mardi à mercredi et se sont décalées vers le sud en direction du Limousin et de l'Auvergne, observe Météo France. "On va vers une amélioration de la météo sur le week-end prochain", relève Bruno Janet. Sur le tronçon en amont du Loing, les relevés de hauteurs d'eau de Vigicrues indiquent, mercredi, matin que la crue a plafonné. Par endroits, la décrue semble même s'amorcer.

Une rue de Nemours (Loiret) inondée le 1er juin 2016. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Le niveau de la Seine va, lui, encore monter à Paris, mais il ne devrait pas atteindre celui de 1910, selon Jérôme Cerisier, météorologue à MétéoGroup contacté par francetv info. "L'onde de crue va se déplacer. Du Loing, elle va gagner la Seine et Paris. Le niveau du fleuve va monter encore pendant 48 heures dans la capitale. Et on va sans doute dépasser les 5 m vendredi. Mais on restera en dessous des 6 m, le niveau atteint lors de la crue de janvier 1982. Ce sera une crue significative et remarquable. Mais on sera loin de la crue centennale et des 8,62 mètres observés en 1910." 

"On parle de crue majeure à partir de 7 m. Mais il faut plusieurs jours pour atteindre ce niveau, tempère Magali Reghezza, enseignante et chercheuse en géographie à l'Ecole normale supérieure jointe par BFMTV. Pour la Seine, il faudrait des précipitations pendant plusieurs mois sur l'ensemble du bassin versant, c'est-à-dire sur les territoires drainés par la Seine et ses affluents, comme la Champagne ou l'Yonne. Et des précipitations bien supérieures aux moyennes de saison. Sans compter des phénomènes aggravants." La crue centennale n'est visiblement pas, heureusement, pour tout de suite.

Consultez lamétéo
avec
voir les prévisions

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.