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Facebook et Twitter sont-ils vraiment des "complices" de l'Etat islamique ?

Malgré des actions visant à limiter la diffusion des contenus extrémistes, les réseaux sociaux sont accusés de passivité à l'égard du groupe terroriste.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Capture d'écran de l'outil de signalement de Facebook. (FACEBOOK / FRANCETV INFO)

"Les géants du net sont des complices tacites, je dirais même des collaborateurs passifs de Daech." L'attaque est signée par le député divers gauche Olivier Falorni, vendredi 29 juillet, sur France Info. Selon l'élu de Charente-Maritime, par leur inaction face au groupe jihadiste Etat islamique, les entreprises Facebook, Twitter ou encore Google s'exposent désormais à porter "la responsabilité de nouveaux attentats".

Olivier Falorni s'exprime en tant que membre de la mission d'information parlementaire "sur les moyens de Daech", qui a rendu son rapport, le 20 juillet, à l'Assemblée nationale. Le constat dressé dans le document y est le même : "les grandes plateformes du web social ne sont pas assez proactives dans la lutte contre la propagande de Daech". Ces grands groupes sont-ils si endormis que cela ?

Ce qu'ils font déjà

Depuis plusieurs mois, les principaux réseaux sociaux multiplient les initiatives pour limiter la diffusion des contenus jihadistes. Les utilisateurs de Facebook sont invités à signaler le plus vite possible les messages enfreignant les règles, afin qu'ils puissent éventuellement être supprimés. Les équipes de modération, qui parlent plusieurs langues, enquêtent à partir des comptes repérés afin d'identifier, dans les "amis" ou les "événements", d'autres comptes pro-Etat islamique, selon l'entreprise, citée par The Wall Street Journal (en anglais)

Dans de rares cas, Facebook dit consulter ses avocats sur des messages pouvant représenter une "menace imminente" qui nécessiterait d'alerter les autorités. De même, l'entreprise collabore avec les enquêteurs dans des affaires de terrorisme, notamment en France.

Petit à petit, les sociétés de la Silicon Valley lèvent le voile sur leurs dispositifs anti-jihadisme. Pour la première fois, en février, Twitter a ainsi publié (en anglais) le nombre de comptes liés au terrorisme supprimés depuis la mi-2015. Le chiffre dépassait les 125 000. "Nos efforts ne s'arrêtent pas là", ajoute l'entreprise, qui assure avoir renforcé ses équipes chargées d'étudier les signalements et de repérer les comptes douteux, aux Etats-Unis et en Irlande. Au lendemain de l'attaque de Nice, le 15 juillet, "Twitter a réagi et suspendu des comptes plus rapidement que jamais", a salué l'ONG américaine Counter Extremism Project. 

Sur le terrain de la contre-propagande, les députés français reconnaissent que "ces entreprises ont lancé des initiatives de contre-discours pour permettre à diverses associations de gagner en efficacité dans la diffusion de leurs messages sur internet". Europe 1 présente ces campagnes de communication anti-radicalisation soutenues par les géants du web. 

Ce qu'ils pourraient faire de plus

"Les moyens consacrés au contrôle des messages, en particulier par Facebook et Twitter, ne sont absolument pas à la hauteur", affirme à francetv info le président de la mission parlementaire sur les moyens de Daech, le député du Parti chrétien-démocrate Jean-Frédéric Poisson. L'élu des Yvelines dénonce la "désinvolture" des représentants des grands groupes interrogés par sa mission, un comportement révélateur, selon lui, d'une "prise de conscience pas si nette que cela" sur le sujet.

Le principal reproche adressé aux réseaux sociaux réside dans les faibles moyens humains dédiés à la lutte contre les propos extrémistes. "Twitter a évoqué une centaine de personnes mobilisées à l'échelle mondiale, Facebook n'a donné aucun chiffre, indique Jean-Frédéric Poisson. Ces entreprises gagnent des milliards de dollars par an, elles ont les moyens d'en faire beaucoup plus." 

Renforcer les équipes de modération permettrait un contrôle plus rapide des contenus signalés par les internautes, voire même une intervention avant même qu'un message soit signalé. Jean-Frédéric Poisson s'étonne ainsi que la vidéo publiée par le tueur de deux policiers à Magnanville n'ait été supprimée que onze heures après sa mise en ligne.

Le développement d'algorithmes, permettant la détection, voire la suppression automatique de certains contenus, est un autre axe de travail. Selon Reuters (en anglais), YouTube et Facebook ont déjà commencé, en toute discrétion, à tester un système empêchant de republier une vidéo ou un document signalé comme extrémiste.

Ce qu'ils risquent judiciairement

Aux Etats-Unis, des proches de victimes d'attentats ont porté plainte, à plusieurs reprises, contre Facebook, Twitter ou Google, accusés d'être en quelque sorte complices des attaques. Ils leur reprochent par exemple de mettre en relation des terroristes entre eux, via l'outil de suggestion d'amis. Jusqu'ici, aucune de ces procédures n'a abouti, les firmes américaines n'étant pas jugées responsables du contenu publié par leurs utilisateurs.

En France, ces entreprises sont considérées comme des hébergeurs et ont l'obligation de réagir si des contenus manifestement illégaux leur sont signalés, rappelle le site du Figaro. Elles se sont notamment engagées, auprès de la Commission européenne, à examiner "la majorité" des signalements "en moins de 24 heures".

Certaines voix françaises s'élèvent pour réclamer plus de sévérité contre les réseaux sociaux. Le juge anti-terroriste David Bénichou estime ainsi, sur France Inter, que "le jour où on placera un des membres de Facebook ou Twitter en garde à vue parce qu'on considérera qu'il a été plus ou moins complice de ce qui a été diffusé, peut-être que la ligne de ces médias va changer". Le député Olivier Falorni va jusqu'à imaginer que la Cour de justice européenne puisse "attaquer Facebook, Google, Twitter pour complicité avec l'Etat Islamique". Aucune action de ce type n'a encore été intentée.

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