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Cinq choses à retenir sur le projet de loi "pour une République numérique"

Le texte participatif, élaboré avec l'aide des internautes et défendu par Axelle Lemaire, contient une quarantaine d'articles. Francetv info résume son contenu.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La secrétaire d'Etat au Numérique Axelle Lemaire à Matignon, à Paris, le 3 décembre 2015. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Protection de la vie privée, droit des consommateurs, accès aux données... Le projet de loi "pour une République numérique", qui touche à ces questions sensibles, est discuté depuis le mardi 19 janvier à l'Assemblée nationale et devrait susciter de nombreux amendements. Que retenir de ce texte de 41 articles, certes moins ambitieux que prévu, mais comportant néanmoins des avancées pour les citoyens ? Résumé en cinq points.

1Les internautes ont participé à l'élaboration de la loi

La démarche est inédite. Fin septembre, la secrétaire d'Etat au numérique Axelle Lemaire a mis en ligne la première version du texte et incité les citoyens à contribuer à l'élaboration du projet de loi. "Au total, se félicite le gouvernement, ce sont 21 330 contributeurs qui ont voté près de 150 000 fois et déposé plus de 8 500 arguments, amendements et propositions de nouveaux articles sur le site république-numérique.fr". Et de continuer, dans un texte pour remercier ces internautes : "Les 30 articles du texte initial ont été reçus très favorablement dans leur ensemble, avec près de 75% de votes positifs en moyenne." 

Un rapide coup d'œil aux cinq contributions les mieux classées jette toutefois une ombre sérieuse au tableau : elles n'ont pas été retenues. L'une réclame l'utilisation du logiciel libre à l'université et à l'école ? Si le gouvernement affirme, main sur le cœur, vouloir promouvoir le code ouvert, dans les faits, le ministère de l'Education nationale a signé fin novembre un partenariat avec Microsoft. Soit "le géant américain de l'informatique propriétaire", remarque Libération. Une autre proposition estime qu'il faut "donner la priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts dans le service public national et local" ? L'exécutif répond que cette obligation pourrait imposer "des charges trop lourdes aux collectivités" en coût de formation de leurs agents. Trop cher, trop tôt... Le gouvernement a réponse à tout, et la discussion est désormais close.

2Les connexions internet ne pourront être plus coupées

La loi prévoit néanmoins de réelles avancées pour le grand public, à commencer par le droit au maintien de la connexion internet en cas de facture impayée. "Internet est un besoin essentiel, au même titre que l’accès à l’eau ou à l’électricité", martèle Axelle Lemaire. Comment la secrétaire d'Etat au numérique pourrait-elle soutenir le contraire, alors que nombre de services publics exigent désormais de l'usager des démarches en ligne (l'inscription à Pôle emploi, par exemple, se fera obligatoirement sur internet à partir de mars) ? Conséquence logique : le coût du dispositif, qui effrayait les opérateurs télécoms, sera assumé en partie par l’Etat et les collectivités, assure Le Monde.

3Les droits du consommateur seront mieux garantis

Si le projet de loi est approuvé, le consommateur va acquérir de nouveaux droits et notamment le "droit à l'oubli" pour les mineurs (obtenir des réseaux sociaux la suppression de certaines photos gênantes), ainsi que le droit à une "mort numérique" (organiser la conservation et/ou la suppression de ses données post-mortem). 

Ces droits sont les plus médiatisés, masi ce ne sont pas les seuls. Le texte requiert ainsi des opérateurs la "portabilité", c'est-à-dire la possibilité de transférer ses données d’un service à un autre. "Un utilisateur devra pouvoir transférer simplement et gratuitement ses messages et ses contacts d’un fournisseur de mail à un autre, et récupérer facilement non seulement les contenus (photos, vidéos…) qu’il a mis en ligne, mais aussi les données associées à son compte (des classements de contenus, par exemple) dans un format exploitable", explique Libération. Vos listes musicales favorites doivent ainsi pouvoir migrer sans problèmes d'iTunes à Deezer ou Spotify.

Autre obligation présente dans la loi : la loyauté à destination des consommateurs. Moteurs de recherche, distributeurs ou agrégateurs de contenus devront expliciter clairement "leurs modalités de référencement, de classement et de déréférencement". Ils devront également, stipule l'article 22, "faire apparaître clairement l’existence éventuelle d’une relation contractuelle ou de liens capitalistiques avec les personnes référencées, l’existence éventuelle d’une rémunération des personnes référencées et le cas échéant l’impact de celle-ci sur le classement des contenus et des services". En théorie, donc, un restaurateur pourrait demander à Google des explications sur son mauvais référencement et les secrets de son algorithme (bon courage). Mais l'article inquiète moins les géants du web que les grandes plateformes françaises (revente, grande distribution, transports...) adeptes, elles aussi, de partenariats qu'elles considèrent comme des secrets commerciaux.

Enfin, le projet prévoit "une régulation des avis en ligne, qui constitue aujourd’hui une des principales sources d’information des utilisateurs". En clair, il s'agira de veiller à ce qu'un hôtelier ne poste pas une pluie d'avis favorables sur son établissement pour le faire grimper dans les classements de tel ou tel site de conseils touristiques basé sur des recommandations.

4L'accès aux données publiques sera élargi

Autre priorité affichée du projet : "favoriser la circulation des données et du savoir". L'accès aux données publiques à des fins statistiques ou de recherche publique sera en principe facilité. Mais avec un sérieux bémol, avertit Libération, puisqu'"une autre loi est venue récemment définir un bataillon d’exceptions à la gratuité".

Selon le classement de l'Open Data Knowledge, une association qui entend "promouvoir le savoir libre", la France a perdu sept places dans l’Open Data Index 2015, passant de la 3e à la 10e place. "Cette chute traduit avant tout une incapacité de notre pays à ouvrir plusieurs jeux de données fondamentaux. Le cadastre, les données géographiques ou celles sur les entreprises restent ainsi uniquement accessibles contre une importante redevance", déplore l'association.

5Mais le "domaine commun" de la connaissance n'est pas protégé 

Un petit pas en avant pour l'open data, un grand bond en arrière pour les "biens communs" ?  Porte-parole et coordonnatrice des campagnes de la Quadrature du Net, Adrienne Charmet-Alix, contactée par francetv info, déplore qu'il n'y ait pas eu dans ce projet de loi de "reconnaissance positive" des biens "communs" dans le domaine de la connaissance. Pourtant, internautes et associations de défense des droits et des libertés du citoyen sur internet (comme la Quadrature du Net) se sont fortement mobilisés sur le sujet. 

Que réclamaient-ils ? La protection des "biens communs" de la connaissance, qui sont parfois détournés à des fins privées (l'"emprunt" - sans mention- d'articles de l'encyclopédie libre et collaborative Wikipedia par Michel Houellebecq dans La Carte et le Territoire, en avait donné un exemple). Mais les sociétés de droit d'auteur n'ont pas voulu qu'un régime spécifique reconnaisse et protège cette production destinée au partage et échappant au droit d'auteur classique.

Et leur lobbying a payé. Résultat, comme le note NextInpact : "L'article destiné à donner une définition positive du domaine public et à protéger le 'domaine commun informationnel' et visant à prohiber les pratiques de 'copyfraud' (qui vise à revendiquer des droits sur des éléments du domaine public) a purement et simplement disparu." Ce que déplore sur Rue 89 la députée écologiste Isabelle Attard : "Le 'domaine commun informationnel', qui faisait partie du premier projet de loi, a été retiré en entier." 

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