Report du Congrès, retrait de la réforme, nouveau référendum… Les pistes évoquées pour sortir de la crise en Nouvelle-Calédonie

"L'exécutif poursuit la construction de la solution politique pour le territoire", a déclaré la porte-parole du gouvernement, quelques heures avant une visite d'Emmanuel Macron dans l'archipel.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des barricades sont érigées à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), le 21 mai 2024. (DELPHINE MAYEUR / AFP)

Emmanuel Macron va prendre l'avion mardi 21 mai pour la Nouvelle-Calédonie afin d'y installer "une mission", a annoncé l'Elysée. Alors que le président de la République a constaté lundi "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre", il semble décidé à engager une sortie de crise. "Le retour à l'ordre [est] le préalable à tout dialogue", mais "l'exécutif poursuit (...) la construction de la solution politique pour le territoire", a souligné la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot.

Le territoire français du Pacifique sud est frappé depuis une semaine par des émeutes d'une ampleur inédite depuis quarante ans. Six personnes ont été tuées, dont deux gendarmes, et malgré l'arrivée de renforts massifs de forces de l'ordre, la situation reste très tendue sur place.

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral pour les scrutins provinciaux, au risque de marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak", selon les indépendantistes. Elle a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi dernier et doit désormais faire l'objet d'une réunion des deux assemblées en Congrès avant la fin juin. Mais face à la flambée de violence, partis politiques, élus locaux et autres acteurs avancent divers scénarios pour apaiser la situation dans l'archipel. Franceinfo fait le tour des propositions. 

Le report de la réforme

Premier scénario évoqué, de la gauche à l'extrême droite en passant par la majorité et jusqu'à la maire de Nouméa : un report du Congrès de Versailles visant à entériner la réforme constitutionnelle. Emmanuel Macron a "compris" qu'il ne fallait pas convoquer le Congrès dans l'immédiat et qu'une "pause" s'imposait pour un retour au calme, a déclaré la maire Renaissance de Nouméa, Sonia Lagarde, au Monde, lundi. "Je ne suis pas du tout d'accord pour qu'on y aille en force. Je crois qu'il faut de la sagesse et de la raison", a-t-elle ajouté, demandant une mission de dialogue avec les indépendantistes et refusant "de signer un accord ou de cautionner un accord à la hâte". Sur BFMTV, elle a répété la nécessité de "remettre les gens autour d'une table". "Nous n'avons pas d'autre solution aujourd'hui que celle-là."

Elle partage sur ce sujet la position de la gauche, de l'extrême droite et de plusieurs cadres de la majorité, y compris la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, en faveur d'un report couplé à une mission de dialogue, afin d'aboutir à un "accord global" sur l'avenir de l'ancienne colonie française.

Le retrait du texte

D'autres vont plus loin et réclament le "retrait immédiat" de la réforme, à l'instar de quatre présidents de régions ultramarines (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion), signataires avec une vingtaine de parlementaires ultramarins d'une tribune, rapporte Outre-mer la 1ère. Pour les signataires, le retrait du texte est "un préalable à la reprise d’un dialogue apaisé". "Seule la réponse politique mettra fin à la montée des violences et empêchera la guerre civile", écrivent-ils. 

Même demande du côté de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), collectif indépendantiste accusé par l'Etat d'attiser les violences, mais qui affirme rester "dans une démarche pacifique". "Il va falloir qu'on soit entendus et qu'il y ait des gestes forts du gouvernement", fait valoir Dominique Fochi, secrétaire général de l'Union calédonienne, le principal mouvement indépendantiste de l'archipel. Celui qui est aussi l'un des chefs de file de la CCAT a également défendu la nécessité de "reprendre le fil du dialogue" avec le gouvernement. Des pourparlers qui ne doivent pas mener à un nouveau référendum, d'après eux : "Je pense qu'il faut discuter avec l'Etat français sur les modalités de transfert des compétences régaliennes. Puis, voir comment on essaie d'avancer ensemble", car "il y a moyen de trouver des solutions", a complété auprès de franceinfo Christian Tein, responsable de la CCAT.

Le maintien du calendrier

D'autres sont, au contraire, pour le maintien du calendrier, afin que la réforme qui embrase l'archipel aille à son terme. C'est le cas de la droite, qui, par la voix du président des Républicains, Eric Ciotti, rejette "toute logique de temporisation" et affirme dans un communiqué qu'"il n'y a pas lieu de suspendre" le processus législatif. 

Dans l'archipel, les principales figures non indépendantistes ont aussi appelé, mardi, à poursuivre l'examen du projet de loi constitutionnelle. Son retrait serait "une erreur gravissime" qui donnerait "raison aux casseurs, aux pilleurs et aux émeutiers", a asséné le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf. La présidente du groupe Rassemblement-LR au Congrès calédonien, Virginie Ruffenach, a de son côté estimé que "le terrorisme ne doit pas gagner, la violence ne doit pas gagner".

"Ce serait pire que tout pour la situation, en termes de paix pour la Nouvelle-Calédonie", a également estimé Sonia Backès, ex-secrétaire d'Etat à la Citoyenneté et principale figure du camp non indépendantiste en Nouvelle-Calédonie, pour qui "la première nécessité est de remettre de l'ordre".

Sonia Backès

La tenue d'un nouveau référendum

Au risque d'ouvrir un débat supplémentaire, le patron du Parti communiste, Fabien Roussel, s'est de son côté prononcé pour "une forme d'indépendance" de la Nouvelle-Calédonie, lors du "Grand rendez-vous" de CNews-Europe 1-Les Echos. Quitte à convoquer un quatrième référendum pour permettre aux habitants de l'archipel de trancher à nouveau cette question. "Si c'est ce qu'ils décident, faisons-le !" Il a toutefois plaidé pour le maintien de "liens étroits, pacifiques, fraternels avec la communauté calédonienne", en particulier en matière de défense.

Une piste également évoquée cette semaine par Marine Le Pen, qui a proposé sur France 2 d'organiser cette consultation dans quarante ans, à rebours de sa position précédente sur l'appartenance "définitive" du territoire à la France. 

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