Reportage Emeutes en Nouvelle-Calédonie : sur les barrages, de jeunes manifestants réclament "la démission de tous les élus, loyalistes et indépendantistes"

Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue, Eric Audra
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des jeunes sur un barrage à Nouméa ont inscrit sur la carcasse d'un véhicule "Abat la colonisation, vive la kanaky libre". (ERIC AUDRA / FRANCEINFO)
Alors que la CCAT a appelé à lever le pied sur la mobilisation, les jeunes Kanaks n'entendent pas relâcher la pression et restent mobilisées sur les barrages.

Les opérations de sécurisation se poursuivent en Nouvelle-Calédonie. Sept personnes dont deux gendarmes sont mortes. 136 policiers et gendarmes ont été blessés et près de 535 individus interpellés depuis le début des émeutes, selon le Haut commissariat de la République. Dans plusieurs quartiers de Nouméa, des jeunes entendent poursuivre la mobilisation jusqu'au bout sans tenir compte des consignes de la CCAT, qui appelle à lever le pied. C'est notamment le cas à Rivière Salée, quartier populaire du Nord de Nouméa où plusieurs dizaines de jeunes tiennent encore les barrages. Ces derniers, malgré les déblaiements des forces de l'ordre, se reforment sans cesse.

À l'entrée du barrage, le premier visage est entièrement cagoulé, lunettes de soleil sur le nez. "Le plus important c'est que les ambulanciers passent. À 18h, on bloque, personne ne passe", explique Jokes, 39 ans, au chômage. Un adolescent joufflu parade devant des drapeaux kanaks plantés dans des carcasses de voiture. Sur lui, un gilet pare-balles "Police municipale",  le commissariat du coin a été pillé la semaine dernière. Sur place, Laly représente la CCAT, la cellule de coordination des actions de terrain. Cette organisation indépendantiste a été créée fin 2023 pour mettre en place dans tout le territoire calédonien la mobilisation à l'approche du vote sur le dégel du corps à l'Assemblée. 

"On est là pour gérer un peu la jeunesse parce qu'ils sont tellement nombreux que c'est difficile de les contenir."

Laly, représentant de la CCAT

à franceinfo

"Il y a un nouveau mot d'ordre qui a été lancé de laisser les forces de l'ordre faire leur boulot. On ne répond pas, mais la mobilisation reste", rapporte Laly. Il estime aussi que si les jeunes Kanaks sont révoltés, c'est parce qu'ils ont du mal à trouver leur place dans la société, même lorsqu’ils ont fait des études. De fait, ils sont les premiers touchés par le chômage, dont le taux est en Nouvelle-Calédonie plus élevé qu'en métropole.

Les jeunes maintiennent les barrages dans certains quartiers de Nouméa. (ERIC AUDRA / FRANCEINFO)

"On dort sur les barrages, on vit barrage"

Longues dreadlocks et regard ardent, Abraham travaille en temps normal dans le bâtiment. "Du coup en ce moment mon travail c'est la lutte. Je consacre toute ma vie, toute mon énergie et toutes mes journées pour ça", confie-t-il. Et sa première revendication est "la démission de tous les élus, loyalistes et indépendantistes. Tout le monde dans le même panier, on veut que tout le monde démissionne. Il faut laisser la jeunesse s'exprimer." Il a 28 ans et plein de choses sur le cœur.

"On sait qu'ils ont fait la lutte dans les mouvements indépendantistes mais maintenant au bout de 40 ans nous on a quoi ? Rien."

Abraham, un jeune Kanak sur les barrages

à franceinfo

"Ils (les élus indépendantistes) ne sont pas là tous les jours avec nous. Nous on dort sur les barrages, on vit barrage. Eux ce sont des magouilleurs, ils ont trop d'intérêts personnels, des intérêts que nous, on ne connaît pas mais pour lesquels eux, ils se battent", dénonce Abraham. "Le dégel du corps électoral c'est que du blabla nous, on veut passer à l'action. Tout ce que l'on veut c'est qu'ici on soit reconnus. Il y avait des rois ici. On veut la remise en place de tout ça, de notre culture, de la hiérarchie kanake, des grands chefs", ajoute Abraham.

Abraham, mobilisé sur les barrages, appelle à la démision de tous les élus. (ERIC AUDRA / FRANCEINFO)

"C'est pas à nous de se remettre en question, c'est à l'envahisseur de se remettre en question. Quand on vient dans la maison des gens on doit se faire petit,on ne vient pas pour tout déranger et après dire 'non mais c'est eux ils foutent la merde ils sont cons'", s'insurge-t-il. En ce qui concerne les consignes de la CCAT, Abraham est catégorique : "Il n'y a que nous qui avons le pouvoir de faire bouger ça, eux, ils n'ont aucun pouvoir". Il lève le poing et s'éloigne, car il est 18h et le couvre-feu vient de démarrer.

En Nouvelle-Calédonie, de jeunes manifestants réclament "la démission de tous les élus, loyalistes et indépendantistes" : reportage de Sandrine Etoa-Andegue et Aric Audra

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