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Entre vague de solidarité et dépit, le combat de professeurs de Seine-Saint-Denis pour sortir six lycéens de la rue

Les enseignants du lycée Auguste-Blanqui, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), se démènent depuis la rentrée pour garantir un toit à six de leurs lycéens en situation de grande précarité. 

Article rédigé par franceinfo - Axel Roux
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Le lycée Auguste-Blanqui, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). (CAPTURE D'ECRAN GOOGLE MAPS / FTVI)

Elle ne s'attendait pas à rencontrer un tel élan de générosité. "Des personnes nous proposent des chambres, il y en a même qui viennent déposer de l'argent au lycée", lance enjouée Alice Mauricette, vendredi 16 décembre. Pourtant, pendant de longs mois, cette professeure d'espagnol et ses collègues du lycée Auguste-Blanqui, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), ont dû se débrouiller avec leurs propres deniers. Le système D pour sortir de la rue six de leurs élèves.

Depuis la rentrée, deux garçons et quatre filles scolarisés dans cet établissement vivent dans une situation de grande précarité. Pour pallier les insuffisances du 115, le dispositif d'hébergement d'urgence, saturé par les demandes, les enseignants ont décidé de s'organiser. Une cagnotte a été mise en place pour financer quelques nuits d'hôtel et pour assurer les besoins alimentaires de base. Une solution à court terme qui ne permet pas de régler le problème. Si les six lycéens ont aujourd'hui un toit sur la tête (quatre sont provisoirement pris en charge par le 115, deux autres par des particuliers), la situation peut toujours se dégrader.

"Est-ce à nous de pallier la déficience des pouvoirs publics ?"

Le 10 décembre, les enseignants interpellaient les pouvoirs publics avec une lettre ouverte. Leur message a notamment été relayé sur Twitter par un journaliste du Bondy Blog, Mehdi Meklat, ancien élève du lycée. Dans leur courrier, les professeurs reprochent aux autorités de se renvoyer la balle sur le dossier. "Est-ce notre rôle d'enseignants de pallier la déficience des pouvoirs publics qui, sous des prétextes administratifs, fuient leurs responsabilités ?"

Alice Mauricette et ses collègues ne s'attendaient pas à une telle visibilité. "Depuis, des personnes nous appellent pour proposer de l'argent, des logements... Il y a beaucoup de solidarité, les gens veulent aider." Une aide qui pose de nouvelles questions, pas forcément anticipées par les enseignants. "Doit-on maintenant fermer la cagnotte ? Que va-t-on faire si on reçoit trop d'argent ? Il ne faudrait pas que l'on se noie dans quelque chose qui ne devrait pas nous revenir", souffle l'enseignante, qui rappelle qu'elle et ses élèves sont actuellement en période de bac blanc.

Le volte-face de la région Ile-de-France

En dépit du coup de projecteur, la dynamique reste difficile à transformer institutionnellement. Si mardi 12 décembre, la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse a annoncé vouloir "trouver une solution rapidement", ses services indiquent vendredi que la situation des lycéens ne relève finalement pas de son champ d'action. "Leurs familles sont sans revenus, elles ne peuvent pas relever d'un logement social, mais d'un dispositif hébergement d'urgence", explique le service presse de la présidence, contacté par franceinfo. Renvoyant la balle dans le camp de la préfecture.

Suivant de près le dossier, Frédéric Gouffier, professeur d'histoire-géographie au lycée Auguste-Blanqui, reste très inquiet. "On espère que leurs dossiers vont passer en priorité... Mais on sait tous que la situation des hébergements d'urgence dans le 93 est complètement bouchée", se désole l'enseignant auprès de franceinfo. Il ajoute : 

On a l'impression de retourner au point de départ. Le sentiment que les autorités ne peuvent rien faire.

Frédérique Gouffier

à franceinfo

Si rien ne bouge, ses collègues et lui iront manifester le 5 janvier prochain, devant les locaux de la sous-préfecture de Seine-Saint-Denis. Contactés par franceinfo, les services de la préfecture d'Ile-de-France n'ont pas donné suite à nos sollicitations.

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