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Des familles de victimes de l'attentat de Karachi en 2002 comptent porter plainte contre Chirac et Villepin

Elles entendent les poursuivre pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "homicide involontaire".Elles réagissaient ainsi, selon Médiapart, à un nouveau témoignage devant le magistrat instructeur qui a affirmé avoir informé des risques que présentaient l'arrêt du versement des commissions nées de la vente d'armes.
Article rédigé par France2.fr avec AFP
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L'avocat Olivier Morice et la fille d'une des victimes de l'attentat de Karachi (18 novembre 2010) (AFP/BERTRAND GUAY)

Elles entendent les poursuivre pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "homicide involontaire".

Elles réagissaient ainsi, selon Médiapart, à un nouveau témoignage devant le magistrat instructeur qui a affirmé avoir informé des risques que présentaient l'arrêt du versement des commissions nées de la vente d'armes.

Les révélations de Michel Mazens
Au cours de son audition, révélée vendredi par Mediapart, l'ancien PDG de la Sofresa, Michel Mazens, a expliqué au juge Van Ruymbeke qu'il avait été chargé en 1995 d'interrompre le versement de commissions sur le contrat Sawari II de vente de frégates à l'Arabie saoudite.

Un dirigeant de la Direction des constructions navales (DCN), Dominique Castellan, l'a alors mis en garde contre les "risques" encourus par "ses personnels" en cas d'arrêt du versement de commissions sur un contrat franco-pakistanais.

"J'informais M. de Villepin (secrétaire général de l'Elysée, Ndlr) en temps réel de l'évolution de ce dossier", a dit M. Mazens à propos du contrat Sawari II. "Entre-temps il m'a demandé d'aller voir M. Castellan et de lui dire d'appliquer la même procédure pour le Pakistan", a-t-il déclaré au juge.

"Un soir je suis ainsi allé voir M. Castellan dans son bureau pour lui faire part de la directive de M. de Villepin. Il a réagi en disant que pour lui c'était compliqué car c'était faire courir des risques au personnel", a ajouté le responsable.

Le 8 mai 2002, 11 salariés de la DCN figuraient parmi les 15 victimes de l'attentat.

Les familles scandalisées
"Nous sommes scandalisés de voir que la DCN et l'Etat, notamment MM. Chirac et de Villepin, savaient qu'il y avait des risques pour le personnel en arrêtant le versement des commissions", a dénoncé Magali Drouet, porte-parole de familles de victimes.

Jeudi, elles avaient déjà réagi à la déposition de l'ex ministre de la Défense Charles Millon, qui a accrédité l'hypothèse qu'une affaire de corruption lors de la présidentielle de 1995 puisse être liée à l'attentat antifrançais de Karachi en 2002. Charles Millon a confirmé l'existence de commissions dans l'affaire de Karachi.

"Notre plainte va viser le cheminement menant à la décision d'arrêter les commissions, elle vise Jacques Chirac, Dominique de Villepin, Michel Mazens et Dominique Castellan", a précisé l'avocat des familles des victimes, Me Olivier Morice.

Jeudi, ces familles avaient déjà réclamé l'audition par un juge de MM. Chirac, Villepin et de Nicolas Sarkozy, ex-ministre du Budget et porte-parole de la campagne de M. Balladur.

Leur plainte devrait être déposée la semaine prochaine auprès du juge antiterroriste Renaud Van Ruymbeke chargé de l'enquête sur l'attentat. Selon l'avocat, "il reviendra au parquet de Paris de prendre un réquisitoire supplétif" pour élargir le champ des investigations sur les faits imputés à MM. Chirac et Villepin.

Un dossier très délicat
La justice s'interroge sur l'existence d'éventuelles rétrocommissions versées jusqu'en 1995, liées à la vente de sous-marins au Pakistan et qui auraient été destinées au financement de la campagne présidentielle de l'ex-Premier ministre Edouard Balladur, dont le porte-parole était Nicolas Sarkozy.

Selon cette hypothèse, l'attentat de Karachi de 2002 -qui avait coûté la vie à 14 personnes dont 11 Français salariés de la construction navale- pourrait être lié à l'arrêt par Jacques Chirac du versement de commissions promises au Pakistan par le gouvernement Balladur.

"Pour le contrat pakistanais, au vu des rapports des services secrets et des analyses qui ont été effectuées par les services du ministère (de la Défense, NDLR), on a eu une intime conviction qu'il y avait rétrocommissions", a rapporté Charles Millon. Celui-ci a également cité le contrat Sawari II (vente de frégates à l'Arabie saoudite).

Au cours de cette audition, dont Le Nouvel Observateur fait également état dans son édition de jeudi, l'ancien ministre précise avoir été "en lien direct" avec les collaborateurs de Jacques Chirac, "en particulier avec le secrétaire général, Dominique de Villepin. Il a dit l'avoir tenu "régulièrement informé des investigations".

Secret du délibéré
Le président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré a opposé, de son côté, le secret du délibéré à la justice dans l'affaire Karachi. La justice réclame les comptes-rendus des échanges entre les membres du Conseil qui ont validé les comptes de campagne d'Edouard Balladur.

Les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient prôné en 1995 un rejet des comptes de campagne de l'ancien Premier ministre. Un avis finalement non suivi par le Conseil, alors présidé par le socialiste Roland Dumas, qui avait validé ces comptes. Selon Jean-Louis Debré, l'article 63 de la Constitution "fixe à 25 ans, à compter de leur date, le délai d'accès à ces documents".

Le 20 octobre dernier, quand elle était encore garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie (aujourd'hui ministre de la Défense) avait pourtant assuré à l'Assemblée que le magistrat instructeur pouvait avoir accès aux débats internes du Conseil "dans le cadre de la procédure judiciaire ouverte" sur l'attentat de Karachi.

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