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Attentats de 13 novembre : le procès est "indispensable" pour les victimes, car "on va se sentir à nouveau unis", explique un psychiatre

Selon Serge Hefez, ce procès sera l'occasion pour les parties civiles de "se faire entendre et de sortir de cette logique victimaire".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le procès des attentats du 13 novembre 2015 débuteront le 8 septembre 2021. (Photo d'illustration) (CARINE SCHMITT / HANS LUCAS)

Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris, a expliqué lundi 6 septembre sur franceinfo que le procès des attentats du 13 novembre qui débute mercredi est "indispensable" pour les victimes, car "on va se sentir à nouveau unis" autour d'une valeur "qu'on a à défendre". Par ailleurs, lors de ces journées d'audience, il y aura "la possibilité pour chacun, en étant partie civile, de se défendre, se faire entendre et de sortir de cette logique victimaire", a-t-il indiqué.

franceinfo : Diriez-vous que c'est un procès exceptionnel, car chaque Français a été concerné ?

Serge Hefez : Bien sûr, chaque Français a été concerné, mais chaque Français n'a pas été touché de la même façon. C'est ce dont on se rend compte aujourd'hui, en écoutant ces témoignages poignants. Ils font à chaque fois monter les larmes aux yeux parce qu'on a un peu oublié. Evidemment, ceux qui n'ont pas été concernés directement dans leur famille, chez leurs amis, sont un peu passés à autre chose. Et tout à coup, cela nous revient à la figure à travers cette souffrance, à travers cette douleur, ces parents qui ont perdu un enfant, ce conjoint qui a perdu la femme qu'il aimait, cette jeune femme qui a été défigurée par les attentats. Tout cela est donc nécessaire, parce qu'effectivement, cela redonne une valeur à ce qui s'est passé. Cela redonne une valeur à ce qu'on a à défendre.

Est-ce un procès absolument indispensable ?

Oui, c'est indispensable parce que c'est une commémoration et ça veut dire qu'à nouveau, on va être tous unis, réunis autour de cette histoire. Evidemment, ceux qui vont témoigner ont souffert dans leur corps, dans leur chair, dans leur vie. Leur vie a été fracassée, mais on va vibrer avec eux de ce qu'ils ont vécu et on va se sentir à nouveau unis autour, encore une fois, des valeurs qu'on a à défendre. Bien sûr, il y a des gens qui préfèrent être dans le déni, qui préfèrent ne pas entendre. Et puis, c'est tellement douloureux, c'est tellement terrible. On préfère ne pas entendre, comme si on préférait ne pas savoir et ignorer ce qui s'était passé. Ce n'est pas du voyeurisme du tout, de revenir sur ces témoignages, sur cette souffrance pour que l’on comprenne bien l'intensité de ce qu'a représenté ce traumatisme.

Ce procès va-t-il laisser des traces ?

Forcément. Et surtout pour les personnes qui ont été atteintes et qui vont rouvrir leurs blessures, ce qui ne veut pas dire qu'ils avaient dépassé le traumatisme. Les choses étaient là comme contenues à l'intérieur, comme un kyste à l'intérieur de soi. Effectivement, tout cela va revenir mais peut-être pour un mieux, tout de même, car il pourrait y avoir quelque chose d'une reconnaissance de cette souffrance. Un de mes patients m'en parlait justement la semaine dernière. Il a perdu la personne la plus chère et la plus proche qu'il avait à ce moment-là et il me disait à quel point à la fois il attendait et redoutait ce moment-là.

Ce procès est-il aussi l'occasion d'être acteur et pas être seulement une victime des attentats ?

Absolument. On ne peut pas être plus une victime que les victimes du Bataclan. Ces personnes étaient là pour un moment festif et tout à coup, leur vie s'est transformée en horreur et en tragédie. C'est la définition même de la victime. Ils n'y sont pour rien, ne s'y attendaient pas. Cela leur est tombé dessus. Sortir de cette position victimaire, c'est la chose la plus difficile. S'emparer de sa vie, reprendre les choses en main, reprendre ses projets, reprendre des relations, toute cette activité, cela demande d'aller à contre-courant par rapport à justement, ce qu'est le traumatisme, c'est-à-dire s'enfoncer dans l'état de victime. Il y a autour de ce procès la possibilité pour chacun, effectivement, en étant partie civile de se défendre, se faire entendre et de sortir de cette logique victimaire.

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