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Attentats du 13 novembre : "L'armée de terre est sous-dimensionnée pour faire face"

Le déploiement des soldats dans l'Hexagone atteint son niveau maximum. Mais quelle est l'efficacité de cette mesure ? Le général à la retraite Jean-Philippe Wirth répond à nos questions.

Article rédigé par Pierre Godon - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des soldats patrouillent sous la tour Eiffel, le 7 janvier 2015, à Paris. (JOEL SAGET / AFP)

Parmi les mesures annoncées en urgence au lendemain des attentats du 13 novembre à Paris figure le renforcement de la présence militaire dans les rues de la capitale. Pour quelle efficacité ? L'éclairage du général à la retraite Jean-Philippe Wirth.

Francetv info : François Hollande a annoncé le renforcement de la présence militaire sur le territoire national, avec 10 000 soldats déployés. Est-ce le rôle de l'armée française de monter la garde devant des écoles ou au pied de la tour Eiffel ? 

Jean-Philippe Wirth : Oui, mais son rôle ne doit pas se résumer à cela. Sur le territoire, il y a des besoins de protection, mais ce n'est pas cela, la nature profonde des militaires. Quand nous étions au Kosovo, les Américains se plaignaient avec leur franc-parler habituel : est-ce qu'il y a vraiment besoin de la 101e division aéroportée pour amener des enfants à l'école à Pristina ? Les soldats français ne sont pas équipés, formés ni entraînés pour faire cela, mais ils savent faire, comme ils savent garder un dépôt de munitions. Mais ils pourraient avoir un rôle plus actif sur le territoire national, organiser des patrouilles, monter des actions pour faire basculer l'insécurité chez l'ennemi, ici en France... Une réflexion est en cours à ce sujet au ministère de la Défense.

Ne peut-on pas déployer davantage de soldats sur le territoire ? 

Non. Ces 10 000 hommes représentent le maximum que peut fournir l'armée de terre, dans sa configuration actuelle. Et la situation est vraiment tendue. Pour bien s'en rendre compte, il faut se dire que l'armée de terre tout entière tient dans le Stade de France (80 000 places). 

Créer une garde nationale, comme l'a proposé François Bayrou, servirait-il à quelque chose ? 

Ce n'est pas applicable. Il faudrait commencer par redonner des moyens aux forces de défense et de sécurité. On a commencé à amputer les moyens depuis vingt ans. Aujourd'hui, l'armée française est gravement sous-dimensionnée par rapport à ses ambitions stratégiques [opérations extérieures comme au Sahel ou en Centrafrique et sécurisation du territoire national]. Si on décidait d'abaisser nos ambitions, on serait en cohérence avec nos moyens.

Pour caricaturer, on pourrait dire que la France a les ambitions des Etats-Unis avec les moyens du Danemark ? 

Il y a des situations intolérables pour le haut commandement militaire. En Centrafrique, on n'a pas voulu ne pas intervenir. Mais on sait pertinemment qu'il aurait fallu trois fois plus de moyens, matériels et humains, pour faire la différence sur le terrain. C'est pour cela que la situation s'enlise.

Peut-on imaginer que les attentats de vendredi, après ceux de janvier, créent un électrochoc au sein de la classe politique ?

Ils commencent à peine à être réceptifs à la pression. Après les attentats de Charlie Hebdo, il y a eu une flambée d'émotion, mais le soufflet est vite retombé. François Hollande s'est borné à freiner la baisse des effectifs dans l'armée. Cela ne suffit pas. Car on ne recrute pas d'un claquement de doigts. Un changement de politique se sentira dans la durée, dans cinq ans. C'est ce déficit d'anticipation des politiques qui est le plus difficile à admettre.

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