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Nîmes : ce que l'on sait du trafic de drogue qui gangrène le quartier Pissevin, où Gérald Darmanin est attendu vendredi

Alors qu'un enfant de 10 ans et un homme de 18 ans ont été tués à 48 heures d'intervalle, le ministre de l'Intérieur a annoncé jeudi le déploiement de renforts policiers dans la ville du Gard où le trafic de drogue prospère depuis plusieurs années.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des habitants du quartier de Pissevin à Nîmes (Gard), où un enfant de 10 ans et un homme de 18 ans ont été tués par balle, le 22 août 2023. (NICOLAS TUCAT / AFP)

Depuis lundi, le quartier Pissevin, en périphérie de Nîmes (Gard), a été le théâtre de deux fusillades mortelles. Après la mort d'un enfant de 10 ans dans la nuit de lundi à mardi, un homme de 18 ans a été tué dans la nuit de mercredi à jeudi. Ces deux drames, sans lien avéré pour le moment, se sont déroulés dans un quartier dit de "reconquête républicaine". "C'est encore l'horreur qui est en train de se déployer", a déclaré jeudi sur France Bleu Gard Lozère l'adjoint au maire de Nîmes en charge de la sécurité, Richard Schieven. 

Gérald Darmanin, attendu à Nîmes vendredi 25 août, a annoncé jeudi après-midi le déploiement du Raid et l'arrivée d'une nouvelle unité de CRS. Cette compagnie viendra renforcer la brigade spécialisée de la CRS-8, déjà mobilisée sur place. Franceinfo revient sur la situation de ce quartier populaire, gangréné par le trafic de drogue et les règlements de comptes depuis plusieurs années.

Deux morts en 48 heures

Un homme âgé de 18 ans a été tué par balles dans la nuit de mercredi à jeudi dans le quartier Pissevin, sur fonds de trafic de stupéfiants. Appelés vers 4 heures du matin, les secours ont retrouvé la victime inanimée et blessée à l'abdomen au niveau d'un point de deal, a précisé le parquet de Nîmes. La victime vivait à Béziers (Hérault) et était "connue des services de police et de justice". La police judiciaire de Montpellier a été "saisie des faits de meurtre en bande organisée". 

Deux jours plus tôt, un enfant de 10 ans a été tué lors d'une autre fusillade, alors qu'il était en voiture avec son oncle, grièvement blessé. La procureure de Nîmes, Cécile Gensac, a immédiatement écarté l'hypothèse d'une implication de ces deux victimes "dans des faits de nature pénale", ajoutant qu'il s'agissait "indéniablement" de victimes collatérales.

Une centaine d'agents de la CRS-8, une unité spécialisée dans les émeutes urbaines, ont été déployés depuis mercredi pour rassurer les habitants du quartier et sont toujours sur place. L'enquête est menée par la direction du parquet de la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, chargée des dossiers de grande criminalité sur l'arc Sud-Est du pays.  

Un quartier en proie à un trafic de stupéfiants en expansion

Le quartier Pissevin est un des points de vente de stupéfiants les plus importants de Nîmes, selon Le Monde. Quartier dit de "reconquête républicaine", il est en proie à une aggravation des violences liées aux trafics de drogue, selon Richard Schieven, l'adjoint au maire de Nîmes en charge de la sécurité.

En janvier, un homme de 39 ans a été tué par balles à Pissevin, là encore sur fond de trafic de stupéfiants. Et plus tôt cet été, la mairie a décidé de fermer la médiathèque Marc-Bernard face à l'emprise de plus en plus forte exercée par les dealers : palpations en pleine rue, toit transformée en tour de contrôle, menaces et agressions verbales... "Aujourd'hui, il y a un risque d'atteinte grave à la sécurité des agents", estimait déjà le 5 juin le maire de la ville, Jean-Paul Fournier, avant d'annoncer la fermeture de l'établissement culturel le lendemain.

Selon des chiffres de l'ancien procureur de Nîmes Eric Maurel, huit personnes sont mortes lors de règlements de comptes dans la ville en 2020, et trois autres en 2021, dont un adolescent de 17 ans. La plupart de ces homicides se sont déroulés dans trois secteurs en périphérie de Nîmes : Pissevin, le Chemin-Bas d'Avignon et le Mas de Mingue. Ces quartiers sont considérés comme des zones de non-droit et des hommes armés "se promènent impunément dans les rues", écrivait le quotidien local Midi Libre en janvier 2021. 

Des habitants qui se sentent délaissés et en "insécurité totale"

Au lendemain de la fusillade qui a coûté la vie au jeune garçon de 10 ans, les habitants ont estimé vivre dans un quartier laissé à l'abandon par les autorités. "On est dans une insécurité totale. Il ne se passe rien, ils ne veulent pas nous faire déménager", a confié mardi au micro de France Bleu Gard Lozère une mère de famille habitant à Pissevin depuis une vingtaine d'années. "Ils préfèrent nous laisser – excusez-moi du terme – dans la merde."

Aujourd'hui, les habitants réclament une présence policière permanente. "Pourquoi n'y a-t-il pas de commissariat dans un quartier de 15 000 habitants ?", a interrogé Keira Ghezali, membre de l'association Agir ensemble, lors d'une interview accordée à France 3 Occitanie. En février 2020, déjà, des habitants s'étaient mobilisés contre l'insécurité et les fusillades récurrentes dans leur quartier, où 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Une présence policière largement renforcée dans les prochains jours

Les syndicats de police ont unanimement dénoncé ces règlements de comptes meurtriers. "On monte dans l'échelle de la violence et de la délinquance", a réagi la secrétaire départementale du syndicat SGP Police, Sandy Issartel, auprès de France Bleu Gard Lozère mardi. Elle a également demandé "au moins entre 50 et 100 renforts" pérennes et non temporaires, pour faire face à la situation actuelle. Selon Eddy Sid, porte-parole du syndicat Unité SGP Police FO, le mode opératoire et l'âge des tueurs à gages change :"On a des auteurs et des victimes qui n'ont pas plus d'une vingtaine d'années, qui passent beaucoup plus facilement à l'acte qu'il y a quelques années",  a-t-il déclaré sur BFMTV.

"Nous avons une guerre contre la drogue qui est difficile, a concédé jeudi face aux médias le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Et nous avons des résultats. Ces résultats font sans doute naître ces règlements de comptes", a-t-il estimé, avant de rappeler qu'il y a "40% de policiers de plus depuis quatre ans" à Nîmes et que trois tonnes de cannabis ont été saisies dans le département du Gard en 2022, contre moins d'une tonne il y a quatre ans.

En réponse aux événements des derniers jours, le ministre de l'Intérieur, qui a présidé jeudi matin depuis Paris une réunion de sécurité sur Nîmes, a annoncé qu'une unité de CRS restera en poste plusieurs semaines dans le Gard. La compagnie, mobilisée depuis Montpellier, sera composée d'environ 75 hommes, a appris franceinfo, de source proche du dossier. Ces policiers seront principalement employés en journée. Le Raid a également été appelé en renfort pour procéder à des interpellations. Par ailleurs, une quinzaine d'officiers de police judiciaire vont venir prêter main forte aux effectifs déjà mobilisés pour les enquêtes en cours. 

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