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Lasagnes à la viande de cheval : un scandale européen

Le groupe agroalimentaire annonce qu'il déposera plainte contre X lundi. Cette décision intervient après la découverte au Royaume-Uni de la présence, parfois à 100%, de viande de cheval dans des lasagnes censées être au bœuf.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 4 min
Findus France a annoncé le 8 février 2013 le retrait temporaire des rayons français de trois de ses plats préparés, dont des lasagnes à la bolognaise. En fait de bœuf, ils contiendraient de la viande de cheval. ( / MAXPPP)

"Nous avons été trompés." Le groupe agroalimentaire Findus a déclaré samedi 9 février qu'il déposerait dès lundi une plainte contre X, à la suite de la découverte, au Royaume-Uni, de viande de cheval dans ses lasagnes censées contenir uniquement du bœuf. Vendredi, Findus France avait annoncé le retrait temporaire des rayons français de trois de ses plats préparés, des lasagnes à la bolognaise, du hachis parmentier et de la moussaka.

"C'est clair, il va falloir qu'il y ait une enquête dans chaque pays mais il faut qu'on aille beaucoup plus loin", a déclaré José Bové, député européen Europe Ecologie-Les Verts. "Il faut une enquête européenne" de l'Olaf, le service anti-fraude de l'Union européenne, sur cette affaire, a-t-il dit.

Retour sur un scandale qui met au jour les failles dans la traçabilitié de ces denrées alimentaires qui traversent l'Europe. 

Un passage par Chypre et les Pays-Bas

Le ministre délégué à la Consommation, Benoît Hamon, a dévoilé samedi les premiers résultats de l'enquête de la répression des fraudes sur l'introduction de viande de cheval roumaine dans des lasagnes au bœuf. Cette enquête révèle que la viande réalise un parcours étonnant à travers plusieurs pays européens avant de finir dans les assiettes. "L'enquête menée par les services de la DGCCRF [Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes] a permis d'établir le circuit de commercialisation de la viande concernée", indique un communiqué. "Le fournisseur de l'usine luxembourgeoise [de l'entreprise Comigel, fournisseur de Findus] est le groupe français Poujol", la holding de tête de la société Spanghero. Poujol "a acquis la viande surgelée auprès d'un trader chypriote, qui avait sous-traité la commande à un trader situé aux Pays-Bas, ce dernier s'étant fourni auprès d'un abattoir et d'un atelier de découpe situés en Roumanie", a précisé le ministre.

Cette architecture "relève avant tout d'une logique financière qui aurait rapporté plus de 300 000 euros", a dénoncé le ministre. Benoît Hamon a ainsi demandé à la DGCCRF "de se rapprocher sans délais" de ses homologues néerlandais et roumains "pour déterminer le stade auquel la fraude ou l'erreur de gestion des viandes doit être imputée".

"L'enquête continue et des sanctions seront prises en conséquence. Les contrevenants encourent une lourde sanction financière pouvant aller à jusqu'à la moitié du bénéfice réalisé, en cas de pratiques commerciales trompeuses, voire une sanction pénale en cas de délit", qui peut aller jusqu'à 2 ans de prison et 37 500 euros d'amende.

Des viandes venues de Roumanie, de Pologne, etc. 

Spanghero, le fournisseur français de la viande pour des lasagnes de Findus, accuse le producteur d'être à l'origine de cette tromperie. Le groupe a ainsi affirmé qu'il poursuivrait le producteur roumain auprès duquel il s'était approvisionné. "Nous avons acheté de la viande de bœuf origine Europe et nous l'avons revendue. S'il s'agissait bien de cheval, nous allons nous retourner contre le fournisseur roumain", a précisé Barthélémy Aguerre, président de Spanghero.

Ce dernier n’était pas en mesure de préciser l’identité du fournisseur roumain, avec lequel Spanghero avait semble-t-il déjà fait affaire dans le passé, indique Sud-Ouest. Selon Barthélémy Aguerre, Spanghero avait acheté cette viande par l’intermédiaire d’un trader basé aux Pays-Bas. D’après lui, la Roumanie ne représente qu’une part minime des approvisionnements extérieurs du groupe, "pour lesquels la Pologne est majoritaire", poursuit le quotidien. "La Hongrie , la Bulgarie, l’Irlande et l’Allemagne figurent aussi parmi les pays d’origine de ces viandes exportées."

... et destinées, entre autres, à la France et à l'Italie 

Selon le président de l'association Romalimenta qui regroupe les patrons roumains de l'alimentaire, Sorin Minea, il existe en Roumanie trois abattoirs qui abattent des chevaux et exportent la viande vers des pays de l'UE, notamment la France et l'Italie"C'est une opération légale qui se fait selon les normes en vigueur", a-t-il souligné. "Je suis sûr que l'importateur savait que ce n'est pas du bœuf, car le cheval a un goût, une couleur et une texture particuliers", a-t-il assuré. 

Sorin Minea a par ailleurs précisé que les importateurs font généralement des analyses pour vérifier la qualité de la viande. "Mais afin de déterminer le type de viande, il faut effectuer une analyse spécifique et cela se fait uniquement si on a une suspicion particulière", a-t-il expliqué. Selon le ministère roumain de l'Agriculture, qui enquête sur l'origine de cette viande,  deux abattoirs roumains seraient impliqués. "S'il s'avère que la viande provenait de Roumanie et que la législation a été violée, les coupables seront sanctionnés", a déclaré le ministère, appelant toutefois à la "prudence" tant que l'origine de la viande n'a pas été déterminée.

Au Royaume-Uni, les politiques s'emparent du dossier

Pour le Premier ministre britannique, David Cameron, cette "histoire très choquante est tout à fait inacceptable". Elle suscite un problème "de confiance", a-t-il estimé vendredi depuis Bruxelles, insistant sur la nécessité d'étiqueter correctement les produits. Le secrétaire d'Etat britannique à l'Environnement, Owen Paterson, a pour sa part annoncé qu'il allait organiser un "sommet de la viande de cheval" avec l'Agence britannique de sécurité alimentaire (FSA) et les distributeurs. "J'ai le désagréable sentiment qu'il s'agit en fait d'un complot criminel et c'est pourquoi il est tout à fait normal que la FSA se rapproche de la police métropolitaine, qui coopère avec d'autres polices en Europe", a-t-il déclaré à la BBC.

A ce stade, Scotland Yard n'a pas ouvert d'enquête, mais les autorités sanitaires britanniques évoquent deux "causes possibles". "La première relève d'une grave négligence, mais la deuxième hypothèse est de nature pénale (...) si quelqu'un a délibérément substitué un produit à un autre", selon la FSA.

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