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Présidentielle : "C'est comme si la France avait raté son élection", analyse un spécialiste en communication

Philippe Moreau-Chevrolet attend mercredi un débat "très conservateur, à fleurets mouchetés pour éviter les dérapages". Selon lui, Emmanuel Macron cherche les "50+1% des voix". "S'il allume la querelle sur le voile, c'est pour pousser Marine Le Pen vers la faute".

Article rédigé par franceinfo
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Un débat d'entre-deux-tours opposera mercredi 20 avril les deux prétendants à l'Élysée, le président-candidat Emmanuel Macron et la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"C'est comme si la France avait raté son élection", analyse le spécialiste en communication Philippe Moreau-Chevrolet lundi 18 avril sur franceinfo, à six jours du second tour de l'élection présidentielle. Le professeur à SciencesPo et PDG de MCBG Conseil note qu'on "ne sent pas une très grande ferveur de campagne" ni dans le camp du président sortant Emmanuel Macron ni dans celui de Marine Le Pen.

>> Présidentielle 2022 : suivez en direct le duel que se livrent à distance Emmanuel Macron et Marine Le Pen à J-6 du second tour.

franceinfo : Que pensez-vous de la campagne d'entre-deux-tours ?

Philippe Moreau-Chevrolet : On ne sent pas une très grande ferveur de campagne, dans un camp comme dans l'autre. On sent que c'est plutôt très conservateur et on s'attend à un débat très conservateur lui-même, à fleurets mouchetés pour éviter les dérapages. On voit que le plus gros problème est de déminer ce qui pourrait être reproché à l'autre plus que d'affirmer des choses finalement, même si chacun essaie de remplir son carnet de bal avec des propositions pour séduire telle ou telle poche d'électeurs. C'est jouer la sécurité sachant que tous les deux sont sur des rails, ils ont bien ciblé leur électorat.

"C'est un duel dont personne ne voulait. Les Français étaient, à plus de 70%, opposés à ce deuxième tour entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron."

Philippe Moreau-Chevrolet, professeur à SciencesPo et PDG de MCBG Conse

à franceinfo

Chacun a des coups à prendre. On sent que l'attitude est plus de se prémunir d'un dérapage, d'un reproche, d'une sortie de route que véritablement d'essayer d'être élu sur des bases d'enthousiasme et de concorde. Reprocher à Marine Le Pen d'aller au combat en charentaises [comme l'a affirmé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal] est un peu paradoxal parce qu'en réalité le président n'a pas fait campagne non plus. Cette absence de campagne, c'est un peu un échec collectif. C'est comme si la France avait raté sa campagne présidentielle en quelque sorte ou raté son élection.

Comment va faire Emmanuel Macron pour convaincre les électeurs de le réélire ?

Je pense qu'Emmanuel Macron a envie d'être réélu pour faire quelque chose, il faut qu'il donne du sens à sa candidature. Le problème, c'est que comme il est entré très tard en campagne, il a laissé les choses se faire. Il doit donner du sens à sa campagne et un sens qui soit plutôt à gauche, ce qui est compliqué parce que tout le premier tour, il l'a gagné essentiellement avec un ou deux clins d'œil à l'électorat de droite pour siphonner Les Républicains, ce qui a été fait. C'est très compliqué parce que c'est un peu le pendant du "en même temps". "En même temps", ça fonctionne très bien quand on est au gouvernement pour donner des signes, ça fonctionnait très bien en 2017 pour dire qu'il allait rénover la vie politique, prendre les meilleurs à droite et les meilleurs à gauche, mais ça fonctionne moins bien en campagne parce que les gens n'ont pas envie d'entendre deux messages en un, ils ont envie d'entendre le message pour lequel ils ont envie de voter. Les électeurs ne sont pas dupes, par contre beaucoup d'électeurs de gauche n'ont pas envie d'avoir Marine Le Pen comme présidente.

"Il va quand même y avoir un réflexe citoyen. Ce n'est pas un vote d'adhésion mais ça fait un certain temps en France qu'on a des votes qui sont plutôt des votes 'contre' que des votes 'pour'. Les votes contre Marine Le Pen pourraient être les meilleurs alliés d'Emmanuel Macron."

Philippe Moreau-Chevrolet

à franceinfo

Marine Le Pen et Emmanuel Macron vont débattre mercredi soir. Quel est l'enjeu pour la candidate Rassemblement national ?

L'enjeu pour Marine Le Pen est d'effacer la mauvaise impression de 2017. Elle part avec l'avantage qu'on pense qu'elle va perdre, on pense qu'elle est mauvaise dans ce type d'exercice. François Hollande avait beaucoup fait dire, avant son débat avec Nicolas Sarkozy, par ses lieutenants qu'il n'était pas très bon en débat, qu'il n'était pas très confiant, ce qui avait créé un horizon d'attente assez bas et donc il avait surpris extrêmement positivement. Le jeu de Marine Le Pen, c'est que les médias puissent dire après le débat que finalement elle a été meilleure que prévu, ce qui pourrait lui donner un petit supplément d'image. Après, un débat, ça ne déplace pas beaucoup de voix, ce n'est pas ça qui fait la dynamique d'une élection. Emmanuel Macron doit être prudent mais en même temps je crois que ce qu'il cherche c'est, d'un point de vue comptable, d'avoir 50+1% des voix. Je pense que s'il allume notamment la querelle sur le voile, c'est pour la pousser, elle, vers la faute. Si elle est simplement en difficulté, comme c'est le cas, il marque des points.

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